Accueil MONDE Afghanistan : Une paix avec les talibans ne signifierait pas la paix

Afghanistan : Une paix avec les talibans ne signifierait pas la paix

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Après presque deux décennies de présence en Afghanistan, les états-Unis mettent les bouchées doubles pour arracher un accord avec les talibans d’ici deux mois, même si une paix générale et durable semble hors de portée dans ce pays ravagé.

Le président républicain Donald Trump, dans une position soutenue de façon inhabituelle par le parti démocrate, est impatient de retirer du bourbier afghan les 14 000 militaires américains restant encore sur place. Les premières troupes américaines avaient été envoyées peu après les attentats du 11 septembre 2001.
En visite à Kaboul le mois dernier, le secrétaire d’état Mike Pompeo a précisé que Washington cherchait un accord avec le mouvement des insurgés talibans d’ici le 1er septembre, c’est-à-dire avant les élections afghanes, qui pourraient rajouter au chaos dans le pays théâtre constant de conflits armés depuis 1979.
L’organisation de ce scrutin a déjà été retardée à deux reprises. Zalmay Khalilzad, le négociateur américain, a tenu sept rounds de discussions avec les talibans et, dans un tournant potentiellement décisif, les insurgés ont accepté le principe d’une réunion avec un large éventail de responsables afghans dimanche au Qatar.
Les talibans avaient toujours refusé de négocier avec le gouvernement de Kaboul reconnu par la communauté internationale. A Doha, les responsables afghans «participeront seulement en leur qualité personnelle et sur un pied d’égalité», a déclaré Markus Potzel, le représentant spécial allemand pour l’Afghanistan et le Pakistan. L’Allemagne joue un rôle-clé dans ce processus. «J’estime très probable qu’il y ait un accord entre les états-Unis et les talibans, y compris avant septembre», souligne Laurel Miller, qui a occupé le poste d’envoyée spéciale en Afghanistan et au Pakistan sous le gouvernement de Barack Obama et au début du mandat de M. Trump.
Mais, ajoute-t-elle, «un accord simplement entre les états-Unis et les talibans n’est pas un accord de paix pour l’Afghanistan». «Il ne répondrait pas aux questions difficiles de savoir quel rôle les talibans pourraient avoir dans la direction de l’Afghanistan, ni ce que va devenir l’actuel gouvernement ainsi que le système de gouvernement que les états-Unis ont contribué à installer», poursuit cette experte, désormais membre de l’International Crisis Group.
Les avancées apparentes de Washington avec les talibans s’expliquent simplement selon elle car le gouvernement Trump a fait une concession en acceptant de parler aux insurgés, même si ces derniers refusent de parler à Kaboul.

L’avenir en question
On s’attend à ce qu’un accord entre les Américains et les talibans comporte deux principaux points: un retrait américain de l’Afghanistan et un engagement de la part des talibans à ne pas fournir de base arrière à des insurgés. Washington, qui selon des estimations a dépensé mille milliards de dollars en Afghanistan, devrait par ailleurs insister sur l’ouverture de négociations entre les talibans et le président Ashraf Ghani.
Mais Scott Smith, un spécialiste de l’Afghanistan à l’Institute of Peace, pense que ni les talibans ni Kaboul n’ont préparé des discussions sur ce que pourrait être l’avenir du pays. «Je ne pense pas que quiconque ait vraiment réfléchi à cette question, et certainement pas les principales parties» aux négociations, dit-il. «C’est comme un puzzle où on commence par positionner les coins puis le reste s’assemble progressivement. Ici, on est encore en train de chercher les coins», ajoute l’expert.
Comme le rappelle Michael Kugelman, du Woodrow Wilson International Center for Scholars, les exemples de nations longtemps ravagées par un conflit comme la Colombie, montrent qu’un accord de paix prend souvent des années, voire des décennies, avant de devenir réalité. «Je serais vraiment surpris s’il y avait un accord de paix global avec les talibans d’ici le 1er septembre», confie-t-il, tout en estimant possible un accord de portée limitée avec Washington.

Fin du «gendarme» du monde
Donald Trump, dans une récente interview avec Fox News, a déclaré que les états-Unis ne pouvaient continuer à être le «gendarme du monde entier» tout en se plaignant que la Chine ait tiré profit de l’extraction de minéraux en Afghanistan. Mais il a ajouté que les Etats-Unis conserveraient dans le pays instable un réseau de renseignement «très solide» après le retrait de leurs troupes. Les talibans, s’estimant dans une position favorable dans ce processus de dialogue, ont poursuivi les violences.
Au moins six personnes ont ainsi été tuées lundi et des dizaines d’autres blessées, dont une cinquantaine d’écoliers, par l’explosion d’une voiture piégée conduite par un kamikaze, suivie de l’irruption d’hommes armés dans un bâtiment du centre de Kaboul. Une attaque revendiquée par les talibans.

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