Lorsque le jeune Sadio Mané a débarqué à Dakar, effacé et emprunté, en provenance de sa lointaine Casamance, nul ne se doutait qu’il deviendrait en quelques années le principal argument offensif de la sélection sénégalaise et de Liverpool.
C’est en 2009, à Mbour, à 80 km au sud-est de la capitale, qu’un détecteur de talents local repère l’adolescent, monté de sa région agricole et forestière de l’extrême sud du pays pour jouer les «navétanes», des championnats de football de quartier. Très rapidement, il est aiguillé vers la pépinière de Génération Foot, un club de Dakar toujours à la recherche de jeunes pousses.
«On avait programmé des tests à l’Ecole de police», où le club effectuait alors ses sélections, raconte Abdou Diatta, recruteur vétéran de Génération Foot. En le voyant pour la première fois, «personnellement je ne pensais pas que celui-là ferait quelque chose ici parce qu’il est venu timide, confie Abdou Diatta. C’est comme s’il n’avait pas envie d’aller jouer».
Mais Sadio Mané a rapidement dissipé cette impression, partagée par l’entraîneur de l’époque, l’ancien milieu de terrain international sénégalais Jules Boucher. «Quand j’ai vu son toucher de balle, je me suis dit, vraiment ça c’est un bon joueur», précise Abdou Diatta. Après deux jours de tests, «j’ai dit à Jules Boucher: celui-là, on le prend direct», ajoute-t-il.
«Retourner en Casamance»
Pour l’entraîneur, la cause était entendue au bout de 15 minutes à observer ce jeune «sympathique» et «bien éduqué», «qui ne venait pas avec de grands moyens». «J’avais vu en lui des qualités de joueur de haut niveau, des qualités de vitesse, de dribble, de percussion, d’enchaînements», explique Jules Boucher. «C’est un garçon qui a toujours faim», souligne-t-il, louant son «mental d’acier». Mais Abdou Diatta se souvient de s’être interrogé sur les capacités de Sadio Mané qui restait souvent à l’écart de ses coéquipiers, à fondre son talent individuel dans le collectif. «Un jour je suis venu vers lui, j’ai dit: +Sadio, tu es un footballeur. Quand tu viens, mets-toi dans le groupe, avec le groupe, ensemble, toute l’équipe+», indique-t-il. «Je lui ai dit: +Si tu continues à faire ta timidité comme ça, tu risques de retourner en Casamance, parce que le football c’est pas comme ça. Il faut rentrer dans le groupe+», poursuit Abdou Diatta. Les conseils ont porté, puisqu’au bout d’une semaine, il chahutait avec les autres joueurs, et même, «il était plus bandit que les autres», s’amuse le recruteur.
«Très reconnaissant»
Placé par Jules Boucher sur le côté de l’attaque –comme aujourd’hui à Liverpool– il fait merveille et contribue à l’accession du club en deuxième division sénégalaise au terme de la saison 2010-2011. Sadio Mané n’évoluera pas longtemps dans le championnat national, puisqu’il rejoint aussitôt le FC Metz (France), lié par un accord de partenariat à Génération Foot. Là, son irrésistible ascension se ralentit, avec très peu de matchs joués, avant de repartir de plus belle à la suite de son transfert à Salzbourg (Autriche) en 2012 et de sa participation aux Jeux olympiques de Londres la même année. Ses difficultés d’adaptation initiales en Europe s’expliquent par un problème physique apparu en fin de championnat au Sénégal, affirme le président de Génération Foot, Mady Touré.
«Arrivé à Metz, il a caché sa blessure parce qu’il voulait tellement réussir», dit-il, évoquant une pubalgie. Pour ses anciens formateurs, malgré ce parcours, Sadio Mané n’oublie pas d’où il vient. «C’est un garçon très reconnaissant.
Il m’appelle, il me demande des nouvelles de ma famille», témoigne Jules Boucher. Lors de la finale de la Ligue des champions le 26 mai, l’attaquant de Liverpool a offert 300 maillots des Reds à son village natal de Bambali, où les siens ont pu voir l’enfant du pays inscrire l’unique but de son équipe, insuffisant pour terrasser le Real Madrid.