Une nouvelle direction, menée par Abdelmadjid Tebboune, au plus haut sommet de l’état algérien sera installée sous peu. Laissant les analystes tirer les enseignements du scrutin qui a plébiscité le 12 décembre le nouveau président de la république, les sportifs en général, et les férus de foot en particulier, ont bien des raisons de s’interroger sur l’avenir d’une discipline mobilisant certes les foules, mais fatiguée par les scandales à répétition qui, comme dans bien des domaines sous l’ère Bouteflika, la gangrènent et l’envoient régulièrement, plus que souvent que de raison, droit vers les rubriques faits-divers. L’heure de la grande opération de salubrité publique promise à tous les niveaux touchera-t-elle un secteur où il y a toujours à boire et à manger. Les intérêts en jeu et les appétits donnant du tournis…
Par Azouaou Aghilès
Opportunistes et tire-au- flanc
« Guerre totale aux biens mal acquis et à la corruption ». C’est la lecture que la majorité des Algériens, «Hirak oblige, se font des nombreuses affaires instruites par la justice depuis la fin de règne du président sortant, Abdelaziz Bouteflika, qui n’a pas survécu à la grande mobilisation d’une rue toujours aussi revendicative et bien décidée à se défaire des résidus de deux décennies frappées du sceau de l’argent sale et qui a conduit de nombreuses personnalités politiques et des affaires (disons affairistes c’est le terme), dans les dédales des tribunaux, dont deux premiers ministres, qui ont dû répondre de leurs méfaits et écopé de lourdes peines de prison en plus de la privation de leurs droits civiques. Au moment même où l’autorité chargée des élections annonçait les résultats non définitifs (le Conseil sonstitutionnel se chargera, dans les jours qui viennent, de les confirmer) mais donnant pour sûr le nom du vainqueur et donc du 8e président de l’histoire de l’Algérie chargé de conduire les affaires du pays pour une période de cinq ans, beaucoup parmi les observateurs au fait des us et coutumes en cours dans le milieu très spécial d’un football national où personne ne sait plus qui est qui et fait quoi sous couvert d’un professionnalisme de pacotille où les enjeux (suivez notre regard, l’argent mis en jeu, mais sorti droit des poches du malheureux contribuable, fait tourner bien des têtes et ouvre la porte à des dérives en tout genre en l’absence de contrôle, avec en toile de fond une course effrénée à la présidence des clubs, les heureux élus, sans rien apporter, en tirent les immenses privilèges de situation de fait et par ricochet de bénéfices royaux sans devoir rendre des comptes) demeurent sans commune mesure avec le spectacle produit sur le terrain. Un nouveau Président et une nouvelle direction pour un pays sortant à peine de 20 ans de gabegie. De règne sans partage d’un système honni fait par et pour les copains. Des espoirs nouveaux et le souhait, le vœu intimement partagé par tous, que le temps est venu de frapper un grand coup dans la fourmilière afin de mettre tout le monde devant ses responsabilités. En commençant par débusquer les opportunistes et autres tire-au-flanc, les mauvais génies qui ont pris en otage le secteur des sports, le football, en position de N°1 par son indéniable popularité n’échappant pas à cette mainmise totale où les scandales sont monnaies courantes. Dépassent les limites de «tolérance» si tant est un seuil est arrêté pour faire face aux appétits féroces, voire gargantuesques d’un personnel dirigeant passé maître dans l’art de vendre du vent à l’opinion comme ce fut le cas pour nombre de responsables dans les leviers de l’état rattrapés par la justice pour des actes assimilés à la haute trahison pour avoir dilapidé, sans vergogne, les deniers du peuple. Une situation à laquelle le nouveau 1er responsable algérien devrait se préparer (il en a fait la promesse ferme) à combattre avec toute la force que lui confèrent ses prérogatives. Une gageure et une mission rendue encore plus difficile par les dégâts à la limite de l’irréparable à la lecture des bilans catastrophiques (d’où la difficulté de la tâche, avec en prime un déficit flagrant de confiance à rétablir) laissés par l’ancienne équipe et ses ramifications mafieuses tenant de la politique de la terre brûlée. Comme pour les secteurs stratégiques (le football y figurant curieusement pour son incomparable impact sur les jeunes et son caractère mobilisateur à l’exemple des grands exploits réalisés par nos élites, preuve flagrante aura été la folie populaire qui s’est emparée de l’écrasante majorité des Algériens lors de l’accueil des «Verts» en célébration, en juillet dernier au plus fort d’une contestation citoyenne ne démordant pas de provoquer le changement et mettre hors d’état de nuire ce qui reste des résidus l’ancien système, du titre acquis sur les terres du «frère ennemi» égyptien, en CAN, après près de trois décennies de longue attente et de traversée du désert), l’état s’est rarement refusé aux frasques de nos footeux en dépensant sans compter pour «stabiliser», en dehors de tout projet fiable, un cuir fuyant et rebondissant plus que mal. Source de bien des peurs.
2019, une année pas comme les autres
Des milliards partis en fumée sans traçabilité aucune. Sans retour sur investissement. Des investissements forcément lourds. Sans résultats probants sinon de maintenir sous perfusion, artificiellement en vie un grand malade quittant rarement les salles de réanimation. Aussi sûrement, et l’on se répète, que d’atterrir dans les rubriques faits divers à défaut de répondre aux ambitions jamais disproportionnés (par rapport aux moyens financiers mobilisés à chaque saison houleuse et heurtée que Dieu fait, et donc des décors hideux avec des débordements extra-sportives devenus la plaie béante d’un mouvement sportif incapable de s’élever au niveau d’un réservoir en talents riche en promesses et d’attentes populaires plus que trop souvent, lamentablement, déçues), discréditant au passage des «élites» sorties droit des manches de nos sorciers en la matière dont le seul «mérite» est de savoir dépenser généreusement avec l’argent des autres. Le seul «mérite», toujours et ce n’est pas nouveau, d’apprécier à sa juste mesure, le poids de ce même ballon. Sa magie et sa faculté à mobiliser les jeunes. Le spectacle et les émotions en moins. Le «Hirak» ou la révolution en marche où l’on retrouve les slogans érigés en guise d’hymnes au cœur des manifestations, par ces supporters exprimant leurs revendications, «crachant» leur mal-être et leur désarroi devant le manque de perspectives, et donc le rejet d’un système mafieux, dans des travées transformées en exutoires. De véritables volcans toujours prêts à exploser. Au plus tard le 26 de ce mois de décembre, le dernier de l’année avant de tourner la page d’une année pas comme les autres, le «Hirak» et la belle consécration de la bande à Belmadi à l’arrivée de la messe biennale du football continental dans sa version égyptienne, en constituent les deux plus grands évènements. Deux belles haltes et autant de magnifiques raisons de croire au vrai changement. La fin d’une époque (20 années faites de trahisons et d’usurpations) et un retour à la raison sur laquelle l’ère Tebboune (il a cinq ans pour assumer cette lourde responsabilité de restaurer l’autorité de l’état et répondre aux aspirations populaires, et des dossiers lourds sur lesquels il est attendu au tournant même si l’on ne met pas, loin s’en faut, en doute ses promesses de nettoyer les écuries d’Augias) doit se pencher en urgence en faisant siennes, comme il dit, les demandes express du «Hirak». Le «Hirak» toujours et partout. Pour se convaincre que les choses ne devraient pas rester en l’état, le football, ciment parmi les ciments, n’échappant pas à ce désir de ses animateurs principaux, son âme (le simple supporter et donc une majorité de laissés-pour-compte) d’imposer le changement en mettant désormais la barre trop haut pour des responsables sportifs (pas seulement le football) mettant des costumes trop grands pour leur taille. Dépassés par les changements qui agitent la planète et incapables, faute de projets réels et en décalage avec la réalité, de donner plus que de dépenser un argent coulant à flots. Pour des prunes avec pour preuves les résultats de nos représentants à l’International et la misère constatée dans la production ou l’émergence de nouvelles élites, le football restant comme une fenêtre, le miroir déformant renvoyé, exercice après exercice raté et qui veut que tout le monde ou presque a échoué et doit partir, les rassemblements universels (on ne parlera pas des J.O.Ò sauvés à chaque fois par l’hirondelle Makhloufi), voire continentaux (la victoire finale en CAN ne voulant rien dire avec un effectif en majorité composé de binationaux qui sauvent la face et auxquels on doit beaucoup) ou régionaux (ni les tournois maghrébins et encore moins les Jeux Méditerranéens où la glissade incontrôlée, rend compte, rendez-vous après rendez-vous à oublier, aussi bien d’ambitions mal assumées car impossible à relever que d’une lente et inexorable descente dans les profondeurs d’une hiérarchie fermée à double tour) rappellent un peu tout le monde à une incurie collant comme une seconde nature à un mouvement sportif algérien en totale contradiction avec les normes universelles de développement.
La source des maux
Les yeux rivés à leurs postes-TV, les Algériens parmi les plus pessimistes, ont suivi, avec curiosité le ballet inhabituel des figures de proue de la corruption et de la dilapidation de l’argent public du côté de la cour de Sidi M’hamed avec comme super-vedettes des personnalités de tout premier rang. Un curieux défilé qui a vu ce que la rue assimile à une véritable mafia, répondre devant le peuple de sa manière particulière de conduire les choses de l’état. Une première dans les annales judiciaires nationales avec, en toile de fond, la fin de l’impunité. Quid du football ? Qui suivra ou survivra à la lutte en cours après que deux présidents de clubs, deux têtes et pas des moindres (Hammar de l’ES Sétif par qui pourtant et la postérité retiendra, bien des titres prestigieux ont été rendus possibles ou Zaïm, de l’USM Annaba, qui reconnaissait à une heure de grande écoute, de surcroît devant des millions de téléspectateurs, qui plus est dans une émission sportive très suivie sur une chaîne privée, être responsable de pratiques contraires à l’éthique sportive et passible des tribunaux, ont été invités à répondre de leurs actes délictueux) viennent de tomber, ouvrant ainsi la voie à d’autres poursuites concernant ce milieu très fermé où des présidents de clubs, en terrain conquis et s’estimant au dessus des lois, faisant la pluie et le beau temps, ont bâti des fortunes colossales à l’ombre de petits royaumes à leur mesure, défaisant les champions et décidant du sort de compétitions frisant le ridicule. Mauvais gestionnaires et parfaits «épiciers» à la source de tous les maux. Dans une semaine tout au plus, le très convoité bureau d’«El Mouradia», géré depuis longtemps par des forces occultes, anticonstitutionnelles, accueillera un nouveau propriétaire pour cinq années au moins. Suffisant pour dépoussiérer la masse phénoménale des dossiers en souffrance et redonner vie, de l’espoir à tout le moins, à un pays dont le peuple, dans la rue depuis dix mois, réclame justice. La fin de bandes organisées qui ont su détourner à leur seul profit les richesses d’un pays (20 ans ça fait beaucoup et tellement mal) croulant sous l’incompétence, la mauvaise gestion, le copinage, le régionalisme et tous les autres travers qui font le lit à la corruption, ce mal profond, un cancer aux effets ravageurs. Le sport ou le football en tête. Nécessité absolue, urgence plus que signalée de jeter un œil à ce milieu plus que spécial où l’omerta est érigée en règle de conduite, tout le monde montrant patte blanche, criant au loup, lavant plus blanc que blanc et où tout le monde tire les ficelles. Tire des avantages indus. Qui a dit argent sale, corruption et tutti quanti ? Rien de plus que ce que l’opinion connaît déjà. Comment et avec quels moyens les combattre? Le match, spécial à bien des égards, peut commencer.
Azouaou Aghilas