Accueil MONDE Présidentielle américaine : Ben Carson, l’improbable candidat républicain

Présidentielle américaine : Ben Carson, l’improbable candidat républicain

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À 64 ans, le plus improbable des candidats aux primaires se retrouve en tête des sondages avec 25 % des voix, au coude-à-coude avec Donald Trump. Portrait. Cet homme est une mine d’or pour les médias. Il y a d’abord ses perles. Obamacare, la réforme de la santé, est « la pire chose qui soit arrivée dans cette nation depuis l’esclavage ». Si les Juifs avaient été armés en Allemagne, ils auraient pu tenir tête aux nazis et éviter l’Holocauste. La preuve que l’homosexualité est un choix, c’est que « beaucoup d’hétéros qui sont emprisonnés ressortent de prison gays ». Pour défendre le port d’arme, il est allé jusqu’à clamer : « Sans aucun doute, la violence absurde est affreuse, mais je n’ai jamais vu un corps criblé de balles qui soit plus dévastateur que de supprimer le droit d’être armé. » Et tout récemment, il a expliqué que les pyramides ont été construites par Joseph, le fils de Jacob, pour servir de silo et stocker le grain. Ce qui a enchanté la twittosphère qui a multiplié les parodies : « Le Taj Mahal a été construit à l’origine pour être un terrain de handball », se moque un tweet.

Tu changes la radio ? Coup de couteau !
Apparemment, les étranges déclarations de Ben Carson, le neurochirurgien noir à la retraite, ne choquent pas l’électorat républicain. En effet, à 64 ans, le plus improbable des candidats aux primaires se retrouve en tête des sondages avec près de 25 % des voix, au coude-à-coude avec Donald Trump. Il est aussi celui qui a collecté le plus de fonds au dernier trimestre. Il est particulièrement populaire auprès de l’aile conservatrice religieuse du parti, qui adore sa biographie exemplaire. Ben Carson est issu d’une famille très pauvre de Détroit. Sa mère illettrée s’est mariée à 13 ans, mais divorce lorsqu’elle découvre que son mari, un pasteur baptiste qui deviendra ouvrier chez Cadillac, a déjà une autre famille. Le petit Ben raconte dans un de ses livres qu’il a un tempérament violent. Il a essayé de frapper sa mère avec un marteau, et, à 15 ans, a tenté de poignarder un ami parce qu’il avait changé la station de radio, mais la lame a heureusement heurté sa boucle de ceinture. Ben Carson se met alors à lire la Bible, découvre Dieu et, comme il l’écrit, « n’a plus jamais eu un problème de comportement ». Élève brillant, il intègre Yale puis l’Université de médecine du Michigan et devient à 33 ans directeur du Centre de neurochirurgie pédiatrique à l’hôpital John Hopkins dans le Maryland. Il est célèbre notamment pour avoir séparé des jumeaux reliés par le crâne. Il en profite pour écrire six livres qui racontent son succès, faire des conférences et il a même fait l’objet d’une série télé sur sa vie. À part cette belle histoire de rédemption, ses partisans aiment beaucoup ses manières calmes et posées, à l’inverse du bravache Trump, autre outsider trublion qui insulte tout le monde. Ils apprécient aussi le fait que Carson ne soit pas un politicien de carrière. Et s’il n’a aucune expérience politique, ce n’est pas un handicap, comme il le dit dans un tweet merveilleux : « Les gens qui ont construit l’arche de Noé étaient des amateurs et ceux qui ont construit le Titanic étaient des professionnels. » Contrairement à Donald Trump, il est très pratiquant. Ce père de famille de trois enfants est adventiste du Septième Jour, une dénomination protestante qui célèbre le Sabbat et encourage ses fidèles à manger végétarien.

Chat sur Facebook
Ben Carson mène une campagne peu conventionnelle. Il interrompt ses meetings électoraux pendant plusieurs jours pour aller faire la promotion de son nouveau livre. Au lieu de s’entraîner avec un ou deux conseillers pour le débat télévisé, il a fait un questions-réponses avec un groupe d’électeurs. Il tchatte sur Facebook et se rend dans des temples et des cliniques plutôt que dans des cafés comme les autres candidats. Et il vient de lancer une pub radio avec un rappeur qui entremêle sa chanson d’extraits de discours. Il espère ainsi toucher une partie de l’électorat noir, en majorité démocrate.
Son ascension dans les sondages laisse analystes et médias dubitatifs. Même Donald Trump, qui a toujours réponse à tout, a avoué récemment « je ne sais pas ce qui se passe » lorsque Carson lui est passé devant dans l’Iowa. Le magnat de l’immobilier multiplie les piques en l’accusant de manquer de vigueur. Et c’est vrai qu’en débat, Carson est totalement soporifique. Outre ses gaffes incessantes, il semble aussi assez ignorant. Il a confondu le budget et le plafond de la dette. Sur Facebook, il affirme que comme lui « chaque signataire de la Déclaration d’indépendance n’avait aucune expérience d’élu », ce qui est faux. Benjamin Franklin, Thomas Jefferson et John Adams ont occupé des fonctions électives. Il rejette l’idée que l’activité industrielle provoque le réchauffement climatique et a déclaré en bon scientifique qu’il « va toujours y avoir soit un refroidissement soit un réchauffement ». Sans parler de ses positions fluctuantes sur les impôts, l’avortement…

Des liens étranges avec une société
Longtemps les médias l’ont un peu ignoré, jugeant l’individu trop bizarre. Mais sa remontée spectaculaire dans les sondages a changé la donne. Ces jours-ci, plusieurs articles ont montré qu’il avait tendance à enjoliver sa biographie. Il n’a cessé par exemple de répéter qu’au lycée, après une rencontre avec le général Westmoreland, il avait reçu une offre de bourse pour West Point, la prestigieuse école militaire, mais qu’il l’avait refusée car il voulait être médecin. En fait, après une enquête du journal Politico, il a reconnu qu’il n’avait pas reçu d’offre et n’a même pas postulé. Le même jour, le Wall Street Journal a mis en doute d’autres anecdotes comme celle où Carson prétend que pendant des émeutes raciales au lycée, il a protégé des étudiants blancs. Quant à CNN, elle n’a trouvé personne parmi ses copains qui se souviennent de son comportement violent et Carson a reconnu qu’il avait changé le nom de l’ami qu’il avait poignardé.
Les médias ont aussi mis au jour ses relations étroites avec Mannatech, une firme de compléments alimentaires. Il a fait des conférences à plusieurs de leurs manifestations, est apparu dans des vidéos promotionnelles, a figuré sur leur site internet et a dit que l’entreprise avait fourni de l’argent à son hôpital… Mais lors d’un des débats télévisés, il a clamé haut et fort qu’il n’avait aucun lien avec eux. Ce week-end, le chirurgien habituellement imperturbable s’est rebiffé et a attaqué violemment les journalistes, qui, selon lui, essaient de le traîner dans la boue parce qu’il constitue une menace « au mouvement progressiste laïque dans ce pays ». Est-ce que ces révélations successives vont nuire à sa popularité ? Pas sûr, car ses partisans sont farouchement loyaux et méprisent les médias. Mais s’il a des chances de remporter l’Iowa, le premier État des primaires dominé par la droite évangélique, en revanche, il aura plus de mal à s’imposer ailleurs, surtout si l’avalanche de révélations se poursuit.

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