Les effets de la pandémie du coronavirus qui sévit, conjugués aux difficultés financières qu’a connues le pays durant ces dernières années, les petites entreprises subissent de plein fouet l’impact. Aujourd’hui, elles sont même menacées de faillite, à en croire l’Association nationale des commerçants et artisans (ANCA).
«Les petites entreprises font face à deux sortes d’endettement ; des dettes contractés par les entreprises pour financer leurs opérations de développement et des dettes-créances auprès de clients et partenaires de ces entreprises, qui tardent ainsi à recouvrer leurs dus », a précisé, hier, lors d’une conférence de presse, Hadj Tahar Boulenouar, président de l’Anca. Cette organisation professionnelle prévoit aussi une amplification de ces difficultés financières dans la période post-Covid-19. De plus, « beaucoup d’entreprises de petite taille et très petite taille qui ont honoré leurs engagements contractuels, mais qui ont des impayés auprès de leurs clients qui datent de plusieurs années.
Alors comment voulez-vous qu’elles poursuivent leurs activités ? Et comment pourraient-elles assurer le payement des salaires à leurs employés ? », s’est interrogé Rabah Beltoumi, responsable de la Commission d’étude des investissements à l’Anca. Cette situation, selon lui, pourrait être d’une ampleur très grave dans les BTP (bâtiment et travaux publics) que dans les autres secteurs de l’économie, car employant une large population et rassemblant des activités de métiers différents comme la maçonnerie, la menuiserie, la plomberie, l’électricité et autres.
Afin de sauver ces petites entreprises de la faillite et assurer leur redémarrage, l’Anca a sollicité le gouvernement pour déployer une série de mesures de soutien pour qu’elles surmontent leurs difficultés financières. « Il faut que l’état prenne des mesures pour sauvegarder les entreprises existantes et les aider à développer leurs activités. Selon le dernier rapport de la Banque mondiale, leur nombre est en recul de deux millions d’entreprises par rapport à l’année dernière. Cela veut dire qu’on a raté une occasion de créer plus de quatre millions de postes d’emploi », a indiqué Rabah Beltoumi.
Sans disposer de chiffres exactes du nombre des petites entreprises en difficulté, les représentants des commerçants et artisans algériens ont fait savoir que plus de 24 000 entreprises de BTP sont à l’arrêt durant ces trois derniers mois (statistiques de l’Association des entrepreneurs), et
70 % des marchés sont perdus (selon le syndicat des industriels et producteurs).
Plaidoyer pour un retour à la domiciliation bancaire
Dans ses revendications pour prévenir les défaillances, l’Anca a demandé la mise en place d’une commission chargée de traiter les dettes des petites entreprises, dont le but est de proposer aux débiteurs des négociations à l’amiable, car d’après l’organisation de Boulenouar, « la majorité des petites entreprises sont des sous-traitantes avec des grandes entreprises, et ce avant d’entamer une procédure en justice. Une commission que l’Anca suggère qu’elle soit présidée par le gouverneur de la Banque d’Algérie, appuyé par des cadres du ministère de la Justice. Autre mesure réclamée : la mise en ligne d’un site électronique et d’un numéro vert de téléphone pour répondre aux multiples revendications et doléances sur les démarches administratives des petites entreprises et leur éviter les lenteurs administratives ».
L’Anca a demandé également « la prolongation des délais d’importation et de rapatriement des marchandises », le « retour à la pratique de la domiciliation bancaire au lieu de la lettre de créances exigée actuellement par le gouvernement avant toute opération d’importation», et « l’autorisation aux petites entreprises d’importer du matériel industriel utilisé ». De même, l’Anca souhaite « la baisse du seuil d’accès aux marchés publics et la fragmentation de ces derniers afin que les petites entreprises en bénéficient ». Intervenant lors de cette conférence de presse, un producteur de meubles pour hôtels, qui dit avoir une expérience de 20 ans dans le domaine, a souligné que « son entreprise dispose de marchés mais elle fait face à de multiples difficultés financières du fait que la moitié de ses clients n’ont pas honoré leurs impayés ».
« Je ne peux pas développer mon atelier si l’État ne m’aide pas dans le recouvrement des impayés ou me permette d’importer du matériel utilisé selon mon budget et les besoins de mon atelier », a-t-il précisé, ajoutant que : « la réglementation est très avantageuse pour les grandes entreprises au dépend des petites. Le coronavirus n’a fait que rajouter de la lumière sur cette vérité ». Interrogé par le Courrier d’Algérie sur la situation des salariés qu’il emploie, il a répondu que malgré l’arrêt de son atelier, il a continué à assurer les congés payés de ses salariés, mais, préciset-il, « aucune indemnisation sur les pertes subies ne lui a été notifiée par les autorités ».
Hamid Mecheri