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LE PROJET DE LOI SUR LES HYDROCARBURES EN DÉBAT À L’APN : Plaidoyer pour un report du texte à l’après-présidentielle

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En plein front d’opposition populaire, de la classe politique et de la société civile contre le projet de loi sur les hydrocarbures, la majorité des membres de l’Assemblée populaire nationale s’est alarmée, hier, sur les dispositions du texte controversé, ouvert au débat du Parlement national.

Les députés appréhendent que le texte, qui prévoit de rendre l’activité d’exploration des hydrocarbures très attractive pour les sociétés étrangères, ne les mette directement en confrontation avec le peuple, exhortant ainsi le gouvernement à reporter ce projet de loi. Dans l’allocution d’ouverture de la plénière dans un hémicycle quasiment désert, Slimane Chenine, le président de l’APN, a voulu recadrer le débat : « L’ère du populisme est révolue. Voilà le texte de loi entre vos mains avec les détails et les arguments scientifiques. Je souhaite que les interventions s’éloignent des surenchères partisanes et d’entrer dans le vif du débat». Présentant les principaux amendements contenus dans ce projet de loi, le ministre de l’Énergie, Mohamed Arkab, s’est fait entrecouper par des députés indépendants brandissant des pancartes contre cette loi à l’intérieur même de l’hémicycle. «L’Algérie n’est pas à vendre», «Ô Ali (Ali la Pointe, ndlr) ! Ils ont vendu le pays !», ont-ils écrit comme slogan, les mêmes soulevés durant les marches du Hirak.
«Le débat est déjà tranché par la rue qui a dit non à la loi sur les hydrocarbures. Le député qui oserait voter pour cette loi est considéré comme un traître aux sacrifices des martyrs», a expliqué le député indépendant de Béjaïa, Ben Nadji Brahim. «À travers cette loi, ils veulent satisfaire leurs partenaires étrangers. Ils veulent offrir l’Algérie comme un cadeau à l’étranger», s’est inquiété sa collègue de la même circonscription électorale, Ikhlef Zina. Dans une déclaration commune, lue par le député Belkacem Belgacemi, les députés indépendants ont considéré que «l’empressement des autorités provisoires du pays, rejetées par la majorité du peuple en pleine révolte populaire pacifique depuis 9 mois et le cachet de l’urgence qui caractérise ce projet, suscitent au sein de l’opinion publique nationale moult suspicions. À quelques semaines d’un scrutin présidentiel hypothétique sur lequel misent fortement les tenants du pouvoir contre la volonté populaire, la promulgation de cette loi est perçue comme une décision qui vise à obtenir des garanties ou des contreparties politiques».
«Le climat actuel n’est guère propice à la promulgation d’une loi aussi sensible et relevant de la souveraineté nationale», ont affirmé les Indépendants dans le même communiqué, précisant qu’ils voteront contre le projet de loi. Les députés de l’Alliance Nahda-Adala-Bina ainsi que les quelques députés du PT – qui ont refusé de démissionner – ont été les seuls représentants de l’opposition qui ont appelé, bien sûr, au report du projet de loi sur les hydrocarbures, jugeant le contexte politique inapproprié. «La véritable problématique à laquelle le projet de loi n’a pas répondu est que les appels d’offres infructueux lancés dans le secteur sont dus au fait que le climat d’investissement est mis en place par les membres de la “3issaba” (Bande, ndlr). L’Organisation internationale de l’Énergie a noté l’Algérie 82ème dans le classement du climat de l’investissement. Une notation très faible qui renseigne sur l’ampleur de la corruption, la bureaucratie et l’utilisation de double valeur pour les monnaies étrangères », a pointé le député de Constantine, Lakhdar Benkhallaf, de l’Alliance des partis islamistes. Le même député a estimé que « l’arrivée de cette loi dans cette conjoncture très particulière, qui de plus intervient à travers un gouvernement illégitime et anticonstitutionnel ne fera qu’empirer et rendre les choses plus compliquées, car cette loi pourrait attendre l’après-présidentielle».
Habitué pourtant à applaudir et à défendre tous projets émanant du gouvernement, des députés FLN et RND notamment, ont fait exception à la règle en exhortant clairement le gouvernement à procéder au retrait immédiat de ce texte et de le relancer après les élections. Le député FLN, Slimane Sadaoui, natif du Grand Sud du pays, s’est insurgé contre cette combinaison qu’il juge «impossible» : la souveraineté nationale et faire appel à des sociétés étrangères pour exploiter les richesses du pays. «Que nous ont-ils apporté les 50 ans de partenariat avec l’étranger ? Où est-ce qu’elles sont les techniques et la technologie acquises de l’étranger ? Où sont passés nos cadres et ingénieurs formés par ces sociétés ? Quand les Américains et la compagnie British Petrolium (BP) ont quitté le site de Tiguentourine après les incidents de 2013, les installations d’exploitation de pétrole sont restées dissertées pendant des années. Sonatrach n’a gagné aucun savoir-faire», a dénoncé Sadaoui.
«Ils nous disent que l’Énergie c’est la souveraineté. Ce n’est pas vrai car nous ne contrôlons même pas le prix de vente de nos hydrocarbures. La souveraineté émane de dirigeants compétents et jouissants de légitimité populaire. Les sociétés étrangères sont dirigées par des lâches. Je l’avais déjà dit à l’ancien ministre de l’Énergie, Youcef Yousfi “Pourquoi avoir peur du peuple ? Il faut exposer ce projet de loi pour les habitants du Sud parce qu’ils sont les premiers concernés. Il faut aussi que le gouvernement rende des comptes devant le peuple, or comment pourront-nous juger un gouvernement chargé uniquement de gérer les affaires courantes? », s’interroge le même député.
En fait, les appels au report ont été les maître-mots des députés de la majorité qui tantôt arguant que le projet de loi ne leur a été adressé que trois jours seulement avant les débats en plénière, ce qui rend difficile de déchiffrer ses détails et de le comprendre, des députés se sont plaints aussi du fait que le gouvernement les a mis au-devant de la scène pour affronter le peuple, alors que le ministère de l’Énergie aurait dû lancer une campagne de sensibilisation sur les réels objectifs de la loi sur les hydrocarbures.
Pour les députés, maintenant qui ont défendu le projet de loi, ils se sont contentés de relayer fidèlement les arguments avancés par le ministre Arkab. Salah Eddine Dhekhili, député RND de Sétif, a interpellé l’Exécutif sur la nécessité de développer sa politique de communication. « Nous assistons à des mensonges et des prétentions inventées de toute pièce partagés largement sur les réseaux sociaux, mais qui n’ont aucune existence dans le texte de loi comme l’atteinte à la souveraineté nationale et l’abrogation de la règle “49/51”. Il faut que les responsables se déploient sur terrain pour rassurer les citoyens», a-t-il plaidé. Son collègue du RND, Amar Boulifane, et le député FLN, Habib Senoussi, ont dénoncé ce qu’ils appellent une «culture du mensonge» et de calomnie prônée par «les populistes» pour «décrédibiliser» le projet de loi. Les débats se sont poursuivis jusqu’à l’après-midi avec 77 interventions de députés enregistrées. Il est à souligner aussi que l’hémicycle a été, hier, quasi-vide et le président, Slimane Chenine, a dû appeler les noms de députés absents. La date du vote de ce texte est programmée pour le 14 novembre.
Hamid Mecheri

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