Le procès Sonatrach I s’ouvrira demain, dimanche, au tribunal criminel près la Cour d’Alger. Assurément, donc, tous les regards seront braqués sur cette affaire, où 16 personnes sont appelées à comparaître, parmi lesquelles l’ex-P-DG de Sonatrach, Mohamed Meziane, ses deux fils Réda et Fawzi, trois vice-présidents et six cadres dirigeants du groupe, quatre responsables privés et enfin deux personnes morales concernant deux sociétés (Contel Algérie et Contel Funkwerk). Ces mis en cause devraient répondre à pas moins de dix chefs d’inculpation, retenus à leur encontre. Il s’agit, principalement, de passation de contrat avec une société publique dans le but de gonfler les prix, association de malfaiteurs, dilapidation des deniers publics, trafic d’influence, corruption etc. Interrogé, jeudi dernier, lors de son intervention au Conseil de la nation, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Louh, s’est gardé de tout commentaire, en déclarant «que devra faire le ministre de la Justice dans une question qui relève de la justice ?», s’est-t-il contenté de dire, en laissant ainsi entendre que l’affaire est entre les mains des juges, donc, laissons-les travailler dessus. Pour rappel, cette affaire qui a défrayé la chronique en 2009, où l’ancien ministre de l’Énergie et des Mines, Chakib Khelil, et plusieurs autres hauts responsables de Sonatrach ont été cités et accusés de corruption, après une enquête enclenchée par les officiers des services judiciaires du Département des renseignements et de la sécurité (DRS), depuis août de la même année. Dans ce dossier, la justice a soupçonné plusieurs personnalités d’avoir participé à une vaste affaire liée à la corruption d’entreprises étrangères, en percevant des pots-de-vin, en vue de faire bénéficier à ces dernières des contrats de marché se chiffrant en milliards de dollars. Revenant à Sonatrach I, dont il sera question, demain. Les responsables de la compagnie pétrolière nationale ont été accusés d’avoir passé trois marchés de gré à gré. Le premier est conclu avec le bureau d’études privé «CAD» pour le réaménagement du siège de Ghermoul, le deuxième avec la filiale algérienne de la société italienne Saipem pour la réalisation d’un lot du gazoduc GK3, et, enfin, le troisième qui porte sur l’acquisition d’équipement électronique de télésurveillance, conclu avec la firme allemande Contel Funkwerk. Par ailleurs, au fur et à mesure que l’enquête se poursuivait, d’autres affaires ont été révélées. En effet, faut-il rappeler que le dossier Sonatrach I n’était que la partie visible de l’iceberg, puisque, peu de temps après, les investigations ont démontré que les ramifications de l’affaire sont beaucoup plus étendues. D’ailleurs, c’était suite aux informations divulguées par la presse italienne, qui ont fait apparaître, suite aux enquêtes menées sur la corruption, dont les entreprises Eni et Saipem ont été mises en cause, que l’affaire Sonatrach II, puis III et IV ont surgi. Pour revenir, avant même la tenue du procès, le principal accusé dans l’affaire Sonatrach I, Mohamed Meziane notamment, alors P-DG de Sonatrach en fonction, s’en défend et dégage toute responsabilité de son implication dans l’affaire. Il persiste et signe que le dossier Saipem dépasse largement le niveau de sa responsabilité, car, «les contrats que j’ai signés sont passés par les commissions des marchés et le comité exécutif du groupe», a-t-il indiqué, février dernier, sur les colonnes du quotidien «El-Watan». Plus loin encore, Meziane évoque l’affaire Sonatrach II -où il n’a pas été cité- en estimant qu’elle est beaucoup plus grave que celle dont il est impliqué. Allusion faite à son ex-ministre de la tutelle Chakib Khelil, et Farid Bédjaoui, cités dans cette affaire, et qui ont fait l’objet d’un mandat d’arrêt international lancé, août 2013, par le procureur général près la Cour d’Alger. S’agissant de sa relation avec Chakib Khelil, Meziane a indiqué qu’il faisait son travail normalement et qu’il recevait les instructions de l’ex-ministre par écrit ou par téléphone, a-t-il révélé. Même celui qui s’est présenté comme étant son avocat et celui de ses deux fils, Me Mohsen Amara, en l’occurrence, semble ne pas attendre le début du procès pour exposer d’emblée sa plaidoirie. En effet, invité début mars sur la chaîne «Ennahar TV», il a déclaré que le dossier Sonatrach I est «vide» et qu’il est «politisé», avant d’assurer encore que cette affaire «fabriquée» ne vise qu’à détruire et l’économie nationale et ses cadres, avant de préciser que le dossier est dépourvu de preuves. Et paradoxalement aux propos de Mohamed Meziane, l’invité d’Ennahar TV a souligné que même dans le cas de Sonatrach II, les enquêteurs ne détiennent aucune preuve sur l’ex-ministre Chakib Khelil. En somme, il soutient la thèse «d’un complot politique» et non pas d’un «procès judiciaire», semble-t-il. En réaction à ces propos, le bâtonnier d’Alger, Abdelmadjid Selini, accuse l’avocat Amara Mohsen de tentatives «d’influence sur la justice». Pour lui, la corruption en Algérie n’a pas commune mesure au monde entier. En attendant la tenue du procès, tout porte à croire que l’affaire accouchera davantage de révélations, lorsque l’on sait que l’enquête menée sur les épisodes de la série, à travers ses variantes II, III et IV, suit toujours son cours.
Farid Guellil