Des incidents opposant chiites et sunnites pourraient se multiplier après l’exécution, samedi, d’un dignitaire chiite par l’Arabie saoudite. Jusqu’où ira la tension entre Téhéran et Riyad ? L’exécution, samedi, d’un dignitaire chiite dans le royaume, puis les manifestations qui ont suivi à Téhéran ont ravivé les craintes d’un conflit majeur entre chiites et sunnites. Des craintes alimentées par des incidents plus ou moins graves qui montrent l’extrême tension entre les deux communautés.
Lundi avant l’aube, deux mosquées sunnites dans le centre de l’Irak ont été visées par des attentats à la bombe. Selon la police et des médecins, des hommes portant des uniformes militaires ont fait exploser des bombes dans deux mosquées de la région de Hilla, faisant trois blessés. En outre, un muezzin a été abattu près de sa maison à Iskandariya. À la suite de l’exécution du dignitaire chiite Nimr al-Nimr, le Premier ministre irakien Haïder al-Abadi avait fait part d’un « énorme choc » et averti du potentiel déstabilisateur qui pourrait s’ensuivre.
Des tirs dans le village natal de Nimr en Arabie
Dimanche soir, la police saoudienne a essuyé des tirs dans le village natal de Nimr condamné à mort pour « terrorisme » et exécuté samedi, a annoncé lundi l’agence officielle saoudienne SPA. Citant un porte-parole de la police dans la Province orientale, l’agence a précisé que les forces de sécurité étaient à la recherche des auteurs de « ces mauvaises actions terroristes », qui ont « tué un civil et blessé un enfant de huit ans », sans faire selon elle de victime parmi les policiers.
À 23 h 30 (20 h 30 GMT) dimanche, alors que les forces de sécurité cherchaient à récupérer un « équipement lourd » non spécifié, « volé » par des inconnus dans la localité d’Awamiya, elles ont été « la cible de tirs nourris », dont l’origine n’a pas été déterminée. Le civil tué, Ali Imran Al-Dawoud, a été qualifié de « martyr » par des utilisateurs de réseaux sociaux, affirmant qu’il avait été visé par les forces saoudiennes. L’enfant blessé par balle a été hospitalisé, mais son état est « stable », a indiqué SPA.
Une enquête a été ouverte. L’AFP n’a pas été en mesure d’enquêter de manière indépendante sur cet incident.
« L’erreur » de Riyad selon Téhéran
Dimanche, Riyad avait annoncé la rupture de ses relations diplomatiques avec l’Iran. Ce lundi, Téhéran a réagi. D’abord par la voix de son vice-ministre des Affaires étrangères : « En décidant de rompre ses relations (diplomatiques), l’Arabie saoudite ne peut pas faire oublier sa grande erreur d’avoir exécuté un dignitaire religieux » chiite, Nimr Baqer al-Nimr, a déclaré Hossein Amir Abdollahian, selon l’agence de presse iranienne Irna. Il a souligné que « les diplomates saoudiens à Téhéran et à Machhad (nord-est de l’Iran) n’ont subi aucun dommage » lorsque des foules furieuses ont attaqué l’ambassade et le consulat saoudiens respectivement situés dans ces deux villes.
En réaction à ces violences, l’Arabie saoudite a « donné quarante-huit heures aux membres de la représentation diplomatique iranienne pour quitter le pays ». Pour le vice-ministre iranien des Affaires étrangères cité par Irna, « par le passé, l’Arabie saoudite a également commis une erreur stratégique en adoptant des décisions précipitées et irréfléchies qui ont provoqué l’insécurité et le développement du terrorisme dans la région ».
« Un grand dignitaire religieux »
Téhéran accuse Riyad de soutenir les groupes extrémistes dans toute la région, notamment en Syrie. M. Amir Abdollahian a également fustigé l’Arabie saoudite pour « avoir porté atteinte aux intérêts de son propre peuple et aux peuples musulmans de la région avec le complot de faire baisser les prix du pétrole ». L’Iran estime que Riyad a joué un rôle primordial dans la baisse des prix du pétrole en maintenant sa production à un niveau très élevé. « Aujourd’hui, la nouvelle erreur stratégique de l’Arabie saoudite est l’exécution de l’ayatollah martyr, le cheikh Nimr Baqer al-Nimr, qui était un grand dignitaire religieux qui appartenait à l’ensemble du monde musulman et non à un seul pays», a ajouté M. Amir Abdollahian.
Un peu plus tard, c’est le porte-parole de la diplomatie iranienne Hossein Jaber Ansari qui a, à son tour, jugé que l’Arabie saoudite cherchait à aggraver « les tensions et les affrontements » dans la région. « L’Arabie saoudite voit non seulement ses intérêts, mais aussi son existence dans la poursuite des tensions et des affrontements et essaie de régler ses problèmes intérieurs en les exportant vers l’extérieur », a déclaré Hossein Jaber Ansari.
Guerres par procuration
Les relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran évoluent en dents de scie depuis la révolution islamique iranienne de 1979. Les deux puissances sont le plus souvent en désaccord sur les crises dans la région, notamment en Syrie, en Irak, au Yémen, et s’accusent mutuellement de chercher à élargir leur influence. Elles avaient rompu leurs relations de 1987 à 1991, après de sanglants affrontements entre pèlerins iraniens et forces saoudiennes lors du pèlerinage à La Mecque en 1987. Pour les experts, la nouvelle crise entre Riyad et Téhéran risque d’alimenter les guerres par procuration que se livrent les deux puissances, notamment en Syrie et au Yémen.