Le programme économique de Syriza est connu depuis plusieurs mois : mettre fin à l’austérité, renégocier la dette et relancer la croissance. Syriza annonce la mise en œuvre d’une dizaine de mesures au lendemain même de la formation de son gouvernement, visant principalement à relever le niveau de vie des Grecs les plus vulnérables en agissant sur le niveau de salaire ou de retraite, mais aussi en introduisant des allégements fiscaux et en mettant en place des aides sociales aux plus démunis. Il prévoit, notamment, une hausse du salaire minimum à 750 euros, un 13e mois pour les retraités de moins de 700 euros et un relèvement du seuil annuel de revenus imposables pour les particuliers, abaissé à 5 000 euros, et que Syriza propose d’établir à 12 000 euros. Le coût de l’ensemble de ce programme est estimé par Syriza à un peu moins de 12 milliards d’euros. Comment Syriza entend-il financer ce plan alors que le pays est toujours exclu des marchés et en attente, depuis décembre 2014, du versement d’une tranche de plus de 7 milliards d’euros de prêts de ses créanciers ? «Il serait financé à hauteur de 6 milliards par les transferts de fonds européens et à hauteur de 3 milliards par des recettes issues de la lutte contre la fraude fiscale», assure l’économiste Georges Stathakis, l’un des artisans de ce projet économique. «Au final, il ne nous resterait que 3 milliards d’euros à trouver, ce qui ne me semble pas insurmontable.» Selon le quotidien Kathimerini, la Grèce devra pourtant rembourser, courant 2015, 22,5 milliards d’euros à ses créanciers européens ainsi que 4 milliards d’ici à la fin mars. Et un nouveau pic de 8 milliards en juillet et en août. Financer en plus le plan de 12 milliards d’euros d’urgence sociale paraît un pari compliqué. «Nous devons négocier avec nos partenaires une remise sur les quelque 23 milliards d’euros que nous devons allouer au remboursement de la dette sur la seule anée 2015», affirme Stathakis. «Nous souhaitons abaisser le niveau du remboursement de notre dette publique de 4 % du PIB à 2 % pour les dix prochaines années. Nous paierons le FMI, mais voulons renégocier la partie de notre dette publique détenue par les États européens, la Banque centrale européenne et le Mécanisme européen de stabilité», complète-t-il.
Négociations longues
Dans le planning européen de Syriza se profile donc une négociation immédiate de cette fameuse remise sur la dette pour l’année 2015, avant qu’il ne s’attaque à la renégociation globale de la charge de la dette, qui atteint toujours 175 % du PIB. «Nous avons un agenda logique qui fera aussi du bien à l Europe et sommes ouverts à la négociation sur tout, avance Georges Stathakis. L’Europe a intérêt à permettre à la Grèce de rester dans l’euro —ce que nous souhaitons — et à renouer avec la croissance sans l’étouffer sous la dette.»
Les négociations s’annoncent longues et difficiles. Les créanciers du pays insistent pour l instant pour que le nouveau gouvernement respecte les engagements pris par l’État grec et termine le plan d’aide qui s’achève fin février. «On ne peut pas nous demander de signer l’extension de ce plan illogique, cela voudrait dire que l’on doit renoncer à nos critiques depuis quatre ans, alors que c’est pour ça que nous allons être élus», répond Yanis Varoufakis, économiste, pressenti parmi d’autres pour participer au gouvernement Tsipras.
«Nous sommes prêts à mener une vie austère»
M. Varoufakis estime que la Grèce ne doit pas recevoir la prochaine tranche ni activer la ligne de crédit d’urgence proposée par les partenaires européens. «Notre État doit vivre par ses propres moyens dans le proche futur. Nous sommes prêts à mener une vie austère, ce qui est différent de l’austérité. Mais comment voulez-vous être austère si vous empruntez des centaines de milliards d’euros !», s’emporte l’économiste. Pour Georges Pagoulatos, professeur d économie à l’université d’Athènes, «le scénario optimiste serait que l’Europe accepte les mesures sociales d’urgence de Syriza et même de revenir sur certaines lois du travail, à condition que le gouvernement respecte l équilibre budgétaire et qu il s attaque aussi à ces fameux oligarques». Mais pour cet ancien conseiller de l’éphémère gouvernement Papademos, «si Syriza ne veut pas signer le mémorandum pour recevoir la dernière tranche d’aide, il ne faut pas sous-estimer une réaction ferme des Européens». Angelos Tsakanikas, directeur de la recherche au sein du think tank IOBE, considère aussi que des négociations sont possibles, mais il n’exclut pas «le mauvais scénario : que Tsipras se sente suffisamment confiant pour être sur une ligne dure avec l‘UE». «Cela peut être dangereux. La Commission pourrait couper les fonds structurels. La tension provoquerait alors une fuite de capitaux», affirme M. Tsakanikas.