Les participants à la Conférence sur la crise libyenne qui se tient, aujourd’hui, à Berlin, après une semaine de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, dimanche dernier, adopteront une déclaration finale au terme des travaux, document qui sera adressé au Conseil de sécurité de l’ONU. Document qui porte, à travers ses six axes, sur les conditions à assurer pour faire perdurer l’arrêt des combats dans ce pays, le respect de l’embargo sur les armes, le lancement du dialogue politique inter-libyen, comme seule voie permettant aux libyens de renouer avec la vie politico-institutionnelle et se prémunir des pires scénarios qui guettent ce pays depuis 2011, suite à l’intervention militaire de l’Otan.
Le défi que devront relever les acteurs étrangers impliqués sur la scène libyenne, qu’il s’agisse d’Ankara ou de la France, du Qatar ou de l’Égypte, des États-Unis ou de la Russie, de l’Arabie saoudite ou de l’Italie, est de s’abstenir d’assurer le soutien militaire, aux protagonistes libyens, qu’il s’agisse de moyens militaires ou de l’envoi des soldats, en Libye. C’est en tout cas, l’un des objectifs visé par les organisateurs de la Conférence de Berlin sur la Libye, en l’occurrence l’Allemagne et les Nations unies (ONU), dont son secrétaire général, Antonio Guterres, présent aujourd’hui à Berlin, a appelé les pays étrangers impliqués sur le terrain libyen, « de se conformer » à la résolution du Conseil de sécurité, sur l’embargo des armes en Libye. En vigueur depuis son adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU, à l’embargo des armes, qui a été violé, des pays impliqués, dont la Turquie, dans le transfert des terroristes dont des étrangers, de Libye et de Tunisie, vers la Syrie, dans le sillage de la guerre livrée, depuis 2012, contre la République syrienne, opère le transfert à sens inverse, depuis la défaite de milliers de terroristes, en Syrie, notamment leur débâcle en cours, à Idlib,(Syrie). Des rapports d’institutions, des déclarations de hauts responsables et des médias font état du transfert par la Turquie des terroristes, fuyant Idlib, via les frontières turques avec la Syrie, en direction de la Libye, un procédé par lequel Erdogan épargne ainsi à son pays, le poids, politico-financier et sécuritaire, de leur présence sur le territoire turc, après leur défaite en cours à Idlib, au nord-syrien. Si le cours et l’accélération des évènements sur la scène libyenne à fait craindre le pire, depuis l’annonce par le président turc, Reccep Tayyip Erdogan, de l’envoi, de ses soldats, en Libye, en soutien à Fayez el-Serraj, du gouvernement d’Union national, basé, à Tripoli, dans ses combats contre l’offensive des troupes militaires dirigées par Khalifa Haftar, a été suivi par une intense activité politico-diplomatique, pour éviter une guerre, en Libye, entre les acteurs influents sur la scène libyenne, l’accord de cessez-le-feu entre les protagonistes demeure fragile, tant que persiste la prise en compte des intérêts de ces acteurs, au détriment de ceux de la Libye et son peuple. Alors que la Conférence de Berlin verra la participation des deux acteurs libyens, Fayez El-Serraj et Khalifa Haftar, il n’en demeure pas moins que c’est leurs soutiens respectifs qui rythmeront le cours et la teneur des travaux du rendez-vous de Berlin, dont la recherche des possibilités permettant de dépasser leurs divergences, sur fond de leurs intérêts géopolitiques et stratégiques, en Libye, au détriment de ceux du peuple libyen et du continent africain, en général. Dans l’avant-projet de déclaration finale de la Conférence de Berlin, l’agence russe TASS a révélé, hier, que la rencontre sur la Libye proposera une feuille de route du processus de règlement de la crise libyenne à travers six axes distincts mais complémentaires avec la mise en place d’un mécanisme international pour la mise en œuvre des points contenus dans ledit projet de déclaration finale. Dans ledit document, selon l’agence Tass, les six axes en question portent, sur le cessez-le-feu, la mise en œuvre de l’embargo sur les armes, la reprise du processus politique, la restriction des armes aux mains de l’État et la mise en route des réformes économiques et enfin le respect du droit humanitaire. Le mécanisme en charge de conduire à terme l’application et la mise en œuvre des points contenus dans ledit document, celui-ci prévoit sa création sous les auspices onusiens et comprendra deux sections. La première composée de représentants des pays médiateurs pour le règlement de la crise libyenne, appelée à tenir des réunions mensuelles sanctionnées par un rapport sur les résultats de chaque réunion. Quant à la seconde section, celle-ci sous la forme de groupes de travail qui se réuniront deux fois, en l’espace d’un mois, est-il indiqué, selon l’agence russe Tass, une fois en Libye ou en Tunisie.
Le cessez-le-feu et l’embargo sur les armes
S’agissant de l’axe relatif au cessez-le-feu en Libye, ledit document exhorte les parties belligérantes en Libye à cesser le feu et fait état «de la diminution de l’intensité des combats dans le pays après le 12 janvier passé » date de l’entrée en vigueur, notamment à Tripoli, du cessez-le feu. Et « des consultations » de Moscou, le 14 janvier dernier pour réunir « les conditions d’un accord de cessez-le-feu ». L’avant-projet de déclaration finale de la Conférence de Berlin porte un appel à un « cessez-le-feu par toutes les parties concernées » et qui, par la suite, devrait conduire à « une cessation complète de toutes les hostilités, y compris des opérations impliquant l’utilisation d’aéronefs au-dessus du territoire de la Libye » est-il précisé. Le document appelle également à l’arrêt de tous les transferts de forces des parties belligérantes ou du transfert de forces « afin de fournir un soutien direct à ces parties sur tout le territoire libyen depuis l’entrée en vigueur de la trêve », une référence qui semble inclure la décision de la Turquie d’envoyer des troupes en Libye et une directive de dissuader d’autres à l’envoi de soldats, pour le soutien à l’une ou l’autre partie libyenne en conflit. Et c’est aussi dans ce sens que le projet de déclaration, qui sera soumis pour adoption par les participants, porte sur l’engagement de ces forces à « respecter pleinement et sans condition les résolutions du Conseil de sécurité relatives à l’embargo sur les armes » et demandent au Conseil de sécurité « d’imposer des sanctions aux pays qui violent l’embargo sur les armes et l’accord de cessez-le-feu».
Aux plans politique et sécuritaire
L’axe relatif au processus politique, dans l’avant-projet de déclaration finale de la Conférence de Berlin, appelle à la « formation d’un gouvernement unifié et d’un conseil présidentiel » en Libye et toutes les parties au conflit à renouer avec le processus politique sous les auspices de la Mission d’appui des Nations unies en Libye (MANUL) et à « y participer de manière constructive » pour la tenue d’élections parlementaires et présidentielles libres et indépendantes. Aussi, il est demandé au Conseil de sécurité, à l’Union africaine (UA), à l’Union européenne (UE) et à la Ligue des États arabes « de prendre des mesures contre ceux qui entravent le processus politique », sans manquer de souligner « l’importance du rôle joué par les pays voisins pour assurer la stabilité en Libye ».
Le projet de déclaration en question met l’accent sur la nécessité d’une réforme du secteur de la sécurité en Libye, à travers l’appel « à la restauration du monopole de l’État sur l’utilisation légale de la force» ainsi que la « restriction des armes entre les mains de l’État ».
Le soutien des participants à la mise en place des forces armées libyennes unifiées, des forces de sécurité nationale et de la police, soumises aux autorités civiles centrales, est souligné, dans ledit document, « sur la base des pourparlers tenus au Caire et des documents et de leurs résultats » indique la même source.
Karima Bennour
Forte présence de chefs d’État au rendez-vous de Berlin
La conférence de Berlin se tient, aujourd’hui, avec la participation d’un certain nombre de dirigeants de pays. Seront présents les deux protagonistes libyens; Fayez El-Serraj et Khalifa Haftar avec des membres de leurs délégations respectives, le président russe Vladimir Poutine, son homologue turc Receep Tayip Erdogan, leur homologue le président Abdelmadjid Tebboune, le Premier ministre britannique Boris Johnson, le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, le président français Emmanuel Macron, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo et le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.
K. B.