On avait presque oublié que Johnny Depp était un grand acteur et il a d’ailleurs remercié le réalisateur, Scott Cooper («Les Brasiers de la colère»), d’avoir relancé sa carrière avec «Black Mass», où il campe avec maestria le célèbre caïd de Boston, Whitey Bulger, tout en étant impossible à reconnaître avec des yeux bleus acier, un début de calvitie et une dentition pourrie. Le Festival de Toronto a réservé un chaleureux accueil à toute l’équipe et notamment à Benedict Cumberbatch, Kevin Bacon, Dakota Johnson, Peter Sarsgaard, venus défendre le film lors d’une impressionnante conférence de presse. Le film suit la trajectoire de James « Whitey » Bulger, qui a partiellement inspiré Martin Scorsese pour son film «Les Infiltrés» pour le chef de gang irlandais interprété par Jack Nicholson. On sait que l’histoire a longtemps été un projet de Ben Affleck et Matt Damon, tous deux originaires de Boston… Et on comprend pourquoi lorsqu’on découvre l’étonnante histoire de Whitey Bulger, figure incontournable du grand banditisme, un Parrain hyper violent ayant régné sur la pègre de Boston tout en collaborant secrètement avec le FBI, profitant de son lien privilégié pour faire tomber les gangs rivaux et échapper aux griffes de la justice. Frère ainé d’un sénateur du Massachussets, père d’un garçon qui ne sera pas reconnu pour le protéger des ennemis, il restera pendant 16 ans l’un des criminels les plus recherchés aux Etats-Unis avant d’être arrêté en 2011 à l’âge de 81 ans. Pour le réalisateur Scott Cooper, on ne saura jamais vraiment la vérité sur cette histoire, car chacun a son point de vue et il n’était pas question de faire un documentaire. « Je crois que le public ne vient pas au cinéma pour les faits, mais pour la vérité psychologique, l’authenticité émotionnelle. Je n’ai pas non plus voulu faire un film de gangsters à la Scorsese ou à la Coppola, mais un drame humain. Je voulais que le personnage de Whitey Bulger soit multidimentionnel. Et je dois dire qu’en tant qu’admirateur de Johnny Depp, j’étais émerveillé par sa capacité à se transformer de l’homme doux et gentil qu’il est naturellement en un personnage effrayant. Mais sachez que l’homme qui est à mes côtés aujourd’hui n’a rien à voir avec celui qui est à l’écran ».
UNE GROSSE PRÉPARATION PHYSIQUE
Pour Johnny Depp, impressionnant avec ses lunettes bleutés, sa casquette, ses dents en métal, ses tatouages et ses bijoux, la perspective de jouer Bulger était un cadeau en soi, même si le rôle demandait une préparation physique de 2 heures tous les matins. « Je connaissais son histoire qui est assez fascinante et j’ai contacté son avocat afin qu’il demande à Whitey Bulger si je pouvais entrer en contact avec lui, lui rendre visite en prison pour avoir son point de vue. Car lorsque j’ai interprété Donnie Brasco, j’ai eu la chance de passer du temps avec Joe Pistone, le vrai Donnie Brasco (l’agent du FBI qui a infiltré la mafia de New York sous couverture pendant 6 ans) et j’ai ainsi eu la possibilité d’influer sur le contenu du scénario.
Pour Bulger je ne sais pas ce que j’aurais retiré de notre rencontre, mais une semaine après ma demande de rendez vous, j’ai reçu une réponse négative de sa part. Il n’aimait pas les livres qui avaient été écrits sur lui (notamment ceux de Dick Lehr et Gerard O’ Neill qui ont inspiré le scénario du film), il n’était pas d’accord avec les histoires qui circulent sur son compte. Donc l’avocat m’a donné autant d’informations que possible, en étant attentif à ne pas mettre son client en difficulté et j’ai cherché le cœur du personnage avec les archives, les textes disponibles. Les gens du sud de Boston m’ont aussi apporté leur concours pour l’accent si particulier de leur quartier. Pour moi le but n’était pas de créer un méchant, un personnage diabolique. Personne ne se réveille le matin en se disant : oooh que je suis diabolique ! Je voulais créer un être humain à facettes multiples, à la fois capable de tendresse avec son fils, mais aussi de violence parce que c’est la nature même de son business ».