Le réalisateur de 84 ans se défend d’avoir fait du sniper Chis Kyle un héros américain mais ne tranche jamais vraiment sur la morale de son film. Nommé aux Oscars 2015 dans la catégorie Meilleur film, American Sniper débarquera en France demain, après avoir affolé le box-office nord-américain. Mais le film de Clint Eastwood est régulièrement accusé de faire l’apologie des armes, de développer une idéologie réactionnaire, voire de glorifier l’armée américaine. Ou tout ça en même temps. Dans une longue interview accordée à Libération, le réalisateur de 84 ans se défend d’avoir voulu faire du sniper Chris Kyle un héros américain. « Ce que le film montre, c’est avant tout que ce garçon était très bon dans le maniement des armes. Son bilan officiel s’établit à 160 morts, au bas mot. C’est difficile à dire, mais son boulot consistait à protéger les autres, comme une sorte d’ange gardien. Cela ne fait pas forcément de lui un héros mais pas un tueur pour autant ».
Clint Eastwood assure ne pas avoir « été surpris par les critiques. C’est toujours le même jeu entre ceux qui aiment et ceux qui n’aiment pas. En revanche, j’ai été surpris par son succès aux États-Unis ainsi qu’à l’étranger. Ce n’est pas le premier film de guerre que je fais, mais American Sniper semble toucher les gens, ceux qui sont partis à la guerre et ceux qui sont restés au pays. C’est ma manière de dédier le film aux familles de ceux qui ont souffert ou qui sont morts là-bas ». Il ne nie pas pour autant que certains spectateurs ont aimé le film pour de mauvaises raisons. « Peut-être bien. Mais je crois que ce film touche un point sensible. Il y a eu beaucoup de réactions spontanées. Dans la rue, des gens me disent être allés le voir trois ou quatre fois. J’ai connu cela par le passé, par exemple avec Impitoyable, mais jamais à ce point. Je pense que c’est parce que le film aborde une question très contemporaine que personne ne peut éviter de se poser à propos de cette guerre : que faut-il faire maintenant? » Et d’expliquer qu’il voudrait qu’American Sniper « fasse réfléchir », mais sans jamais trancher sur la morale qu’il a souhaité insuffler au film. La guerre en Irak ? Un conflit qui « aurait pu être évité, du moins sous cette forme. Saddam Hussein était un sale type mais il y avait d’autres moyens pour le chasser du pouvoir. En fait, mes sentiments sont très partagés. J’éprouve beaucoup de sympathie pour ceux qui, comme Chris Kyle, sont sur le terrain, mais si j’avais été aux commandes, je crois que j’aurais dépensé cet argent pour acheter ce pétrole dont nous avons tant besoin. On m’a dit et répété que nous avons envoyé des troupes là-bas pour le pétrole. Mais cela nous a coûté des milliards de dollars et des milliers de vies, bien plus que si nous l’avions acheté ».