Les talibans ont lancé lundi, un assaut coordonné contre Kunduz, grande ville du nord de l’Afghanistan brièvement passée sous leur contrôle l’an dernier, illustrant l’instabilité persistante dans le pays à la veille d’une conférence de donateurs à Bruxelles.
Cette réunion, prévue mardi et mercredi, à laquelle sont annoncés plus de 70 pays donateurs, doit évaluer l’aide financière à apporter à l’Afghanistan d’ici 2020, avec l’objectif avoué d’empêcher l’effondrement du pays. Selon un correspondant de l’AFP à Kunduz, «l’attaque a commencé lundi, vers 03H00 (22h30 GMT dimanche) à partir des entrées Sud et Est» et les combats, «intenses», se poursuivaient dans la matinée. L’attaque était apparemment bien préparée, avec quatre colonnes de combattants convergeant simultanément vers le centre, selon plusieurs sources. «Les rues sont complètement désertes, les magasins fermés, les talibans encerclent la ville», a rapporté un habitant joint par l’AFP, Abdullah, 28 ans, bloqué chez lui par les combats. Un porte-parole des talibans a revendiqué cette attaque «dans le cadre de l’offensive Omari» lancée depuis le printemps, du nom de l’ancien leader taliban, le Mollah Omar. «Ce matin, nos moudjahidines ont lancé une offensive sur la ville de Kunduz depuis quatre directions», a indiqué Zabihullah Mujahid dans un communiqué. Le ministère de l’Intérieur assurait dans la matinée que «cette attaque coordonnée des talibans a été repoussée par les forces de police, même si des combats se poursuivent en différents points de la ville».
«Des combattants dans les maisons»
Selon le porte-parole du gouverneur de Kunduz, Mahmood Danish, «les combats continuent tout autour (de la ville), notamment près de l’hôpital», a-t-il indiqué, sans pouvoir préciser s’il y avait des victimes. Il a accusé les insurgés de «se réfugier et de prendre position dans les maisons des civils». Une situation «inacceptable» pour une éminente députée de la région, Fatima Aziz: «Quand il n’y a pas d’attaque pendant deux jours, le gouvernement prétend avoir éliminé la menace et tué tous les insurgés», a-t-elle dénoncé lundi, devant le Parlement en réclamant la démission des ministres de l’Intérieur et de la Défense. Contactées, les forces américaines ont indiqué se tenir prêtes à «apporter un soutien, notamment aérien si nécessaire». Mais pour le général Charles Cleveland, leur porte-parole, «il n’y a pas preuve pour nous, d’une offensive significative». Les talibans marquent ainsi le premier anniversaire de leur brève prise de contrôle de Kunduz, seule capitale provinciale tombée entre leurs mains depuis la chute de leur régime en 2001. Ils se rappellent aussi au bon souvenir des Occidentaux qui soutiennent le régime du Président Ashraf Ghani, alors que 10 000 soldats, principalement américains, sont déployés sous mandat de l’Otan. Les insurgés réclament le départ des forces étrangères et la fin de toute intervention occidentale dans «l’émirat islamique d’Afghanistan», qu’ils assimilent à une «occupation coloniale». Pour eux, la conférence de Bruxelles vise «une fois encore à remplir les poches des contracteurs étrangers et de leurs partenaires sans apporter la moindre amélioration au quotidien des citoyens ordinaires», selon un communiqué.
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon et le secrétaire d’État américain John Kerry participeront aux travaux de Bruxelles qui devraient déboucher sur des promesses d’aide à hauteur d’au moins trois milliards d’euros par an jusqu’en 2020. Dans un contexte de crises multiples au Moyen-Orient, «personne ne peut se permettre que l’Afghanistan soit de nouveau déstabilisé», a fait valoir un haut responsable européen avant la réunion. Or, depuis l’offensive précédente de septembre 2015, le contrôle des forces gouvernementales sur Kunduz est resté fragile, comme dans de nombreuses provinces régulièrement ciblées par les insurgés qui entretiennent une insécurité persistante. Le 28 septembre 2015, les talibans avaient tenu la ville trois jours durant, jusqu’au 30, avant d’annoncer leur retrait complet le 15 octobre. Selon un rapport des Nations unies, la bataille de Kunduz avait fait 289 morts et 559 blessés parmi les civils. Lors de la contre-offensive, une frappe aérienne américaine avait, notamment ciblé le 3 octobre l’hôpital de Kunduz géré par Médecins sans frontières, tuant 42 personnes parmi les patients et le personnel médical. La présidente MSF-International Meinie Nicolai et le représentant de l’organisation en Afghanistan Guilhem Molinie avaient d’ailleurs prévu de se rendre sur place ce lundi, pour rendre hommage et soutenir les victimes, ont-ils annoncé, dimanche, à Kaboul.