Accueil ÉCONOMIE Abderrahmane Mebtoul : «l’Algérie entend se conformer aux accords internationaux»

Abderrahmane Mebtoul : «l’Algérie entend se conformer aux accords internationaux»

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Le Courrier d’Algérie : l’accession de l’Algérie à l’OMC continue d’alimenter les débats, surtout dans la conjoncture actuelle marquée par la baisse des cours du pétrole. Les spécialistes affirment que cette situation n’aura guère d’impact sur l’accession de l’Algérie à cette organisation mondiale du commerce. Êtes-vous de cet avis ?

Abderrahmane Mebtoul : Il faut dire que même si la baisse des cours du pétrole n’a pas d’impact direct sur cette accession, le gouvernement prend quand même ses précautions. Pour preuve, le Conseil des ministres en date du 30 décembre 2014 a examiné et approuvé l’avant-projet de loi modifiant et complétant l’ordonnance du 19 juillet 2003 relative aux opérations d’importation et d’exportation de marchandises. Pour éviter toute confusion de la part des tenants de la rente induisant en erreur tant la population algérienne qui a une faible culture économique que les opérateurs, ce ne sont en aucune manière les modalités des anciennes licences d’importation des années 1970/1980. Selon le communiqué du Conseil des ministres « l’Algérie se conformera aux règles régissant le commerce international qui prévoient des restrictions quantitatives lorsqu’un pays membre a des difficultés de balance de paiement. Les licences d’importation peuvent être définies comme étant des procédures administratives qui exigent, comme condition préalable à l’importation de marchandises, la présentation à l’organe administratif compétent d’une demande ou d’autres documents (distincts des documents requis aux fins douanières). L’Algérie, selon nos sources, tout en préservant ses intérêts propres, comme tout pays, entend se conformer aux accords internationaux, notamment l’Accord d’association avec l’Europe, les négociations avec l’OMC, qu’il n’est nullement de remettre en cause, n’étant nullement question de discréditer l’image de l’Algérie au niveau international, et ce, contrairement à des déclarations tendancieuses de certains, qui ne sauraient être les porte-paroles du gouvernement. Selon mon point de vue, le débat est ailleurs : comment avec la chute des cours des hydrocarbures approfondir les réformes structurelles pour une stratégie hors rente; et là le débat contradictoire est utile, personne l’ayant le monopole de la vérité.

Comment évaluez-vous jusque- là les efforts de l’Algérie pour accéder à l’OMC ?

Le Premier ministre algérien, promettant la levée des contraintes aux affaires, a demandé officiellement aux États-Unis d’Amérique d’aider l’Algérie à accélérer son adhésion à l’OMC, organisation qui s’inscrit dans un espace mondial, concernant uniquement le volet économique, alors que l’Accord qui lie l’Algérie à l’Europe, ancré dans le processus de Barcelone, s’inscrit dans un espace régional incluant des volets politiques et culturels.
Or, force est de constater que l’Algérie est membre observateur depuis le 3 juin 1987, ayant manifesté son intention d’intégrer le système du commerce multilatéral qu’incarnait l’Accord général sur les tarifs et le commerce (GATT) et partir de 1995, par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le Groupe de travail de l’accession de l’Algérie au GATT a été institué le 17 juin 1987. En 1995 ce Groupe de travail du GATT a été transformé en groupe de travail de l’OMC chargé de l’accession de l’Algérie. Il a tenu sa première réunion en avril 1998. Depuis son institution en 1995, le Groupe de travail de l’OMC chargé de l’accession de l’Algérie a tenu 11 réunions formelles et deux réunions informelles, dont les dernières se sont déroulées en mars 2012 et en avril 2013. Les différents ministres du Commerce qui se sont succédé ont annoncé officiellement d’abord en 2010, puis en 2011, puis en 2012, que l’Algérie serait membre de l’OMC en 2012 puis en 2013. Ils ont été démentis par la suite des négociations, ceux qui ayant posé de sérieuses oppositions sont l’Union européenne et les USA piliers de l’OMC. Pour accéder à l’OMC, la Russie a conclu 30 accords bilatéraux pour l’accès aux marchés des services, et 57 pour l’accès au marché des biens. Concernant l’aspect multilatéral, Moscou a accepté d’abaisser le seuil de ses tarifs à 7,3%, contre 10% actuellement. La Russie a aussi accepté de limiter ses subventions agricoles à 9 milliards de dollars en 2012, et de les réduire progressivement à 4,4 milliards d’ici 2018. Sur le plan des télécoms, la Russie a accepté que le seuil de 49% maximum de capitaux étrangers soit supprimé 4 ans après son accession à l’OMC. Sur le plan bancaire, les banques étrangères pourront librement ouvrir des filiales en Russie, mais ne pourront pas représenter plus de 50% du système bancaire suisse. Par ailleurs, à partir du jour de l’accession, les importations d’alcool et de produits pharmaceutiques ne seront plus soumises à des licences d’importation.
La Russie s’est aussi engagée à pratiquer des tarifs commerciaux « normaux » pour le gaz naturel. Toujours selon les autorités russes, devenir membre de l’OMC signifie pour les Russes qu’ils pourront bientôt acheter des machines-outils et les biens durables qu’ils importent, à des prix bien moins élevés qu’auparavant. 45% des importations russes sont des machines et des biens durables. Avec l’adhésion de la Russie à l’OMC, son industrie sidérurgique notamment ne sera plus sujette aux quotas imposés aux exportateurs non membres de l’OMC. De plus, les barrières douanières vont disparaître sur 700 catégories de produits, donc baisse des taxes à l’importation de 10 à 7%.

Trouvez-vous que les actions menées par le gouvernement, dans ce sens, sont positives ?
C’est dans ce cadre qu’il s ‘agit de replacer la déclaration du Premier ministre algérien dans sa déclaration à Washington le mois d’août 2014, mentionnant que l’Algérie ne peut vivre en dehors de l’arène internationale, mais précisant qu’il s’agira de préserver ses intérêts propres. En effet, une suppression des subventions immédiatement entraînerait une déstabilisation sociale ayant des répercussions négatives sur cette adhésion, devant d’ailleurs poser la problématique d’un débat général sur les subventions qui ne doivent profiter qu’aux plus démunis et aux secteurs inducteurs de valeur ajoutée s’insérant dans le cadre de la concurrence internationale.
À ce titre, La Déclaration de la quatrième Conférence ministérielle tenue en novembre 2001 à Doha, au Qatar, prévoit le mandat pour des négociations portant sur toute une gamme de sujets, et autres travaux, y compris les questions concernant la mise en œuvre des accords en vigueur, prévoyant une transition pour les pays en voie de développement. L’Algérie devrait bénéficier de cette transition, et également profiter de l’expérience récente russe d’adhésion notamment pour le prix de cession du gaz.
Le cadre macro-économique
actuel relativement stabilisé d’une manière artificielle grâce à la rente des hydrocarbures et quelle menace pour un tissu productif en déclin ? Comme je l’ai rappelé dans maintes contributions entre 2010/2014, les réserves de change d’environ 194 milliards de dollars en 2004 non compris les 173 tonnes d’or, les subventions estimées à 25 milliards de dollars en 2013 compressant artificiellement le taux d’inflation qui sans ces subventions approcherait les 9/10%, l’importance de la dépense publique
(630 milliards de dollars budget de fonctionnement et d’équipement entre 2000/2013) l’ont été permis grâce aux exportations d’hydrocarbures représentent 97/98% (700 milliards de dollars de recettes en devises entre 2000/2013) , important 70% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% ( importation en devises de 500 milliards de dollars entre 2000/2013).
Selon l’ONS le petit commerce et les services ((tertiairisation de l’économie segments à très faible productivité) représentent 83% du tissu économique, le secteur industriel moins de 5% du PIB, et sur ces 5%, environ 85% de PMI-PME peu initiées au management stratégique.
La sphère informelle liée à la logique bureaucratique rentière, étant plus facile d’importer que de produire localement, contrôle 40 à 50% de la masse monétaire en circulation et 65% des segments de première nécessité.

Certains sont pour cette accession alors que d’autres appellent à accélérer les choses. Qu’en pensez-vous ?

À ces prises de postion du pour et du contre, certaines organisations comme l’Union des commerçants algériens sont pour l’adhésion à l’OMC, mais avec des propositions contradictoires aux règles de cette organisation, certains vivant encore dans l’utopie des années 1970 pour le boycott des produits des pays soutenant Israël. Avoir des positions humanitaires sur le plan international, cce qui est louable et même nécessaire, ne doit pas déboucher forcément sur des propositions démagogiques ignorant la réalité des nouvelles mutations économiques internationales, surtout pour un pays comme l’Algérie où tout est presque importé.
Ce n’est plus le temps où la richesse d’une nation s’identifiait aux grandes firmes nationales. Les firmes ne sont plus nationales, même celles dites petites et moyennes entreprises reliées par des réseaux de sous- traitants aux grandes. Parallèlement, à mesure de l’insertion dans la division internationale du travail, la manipulation de symboles dans les domaines juridiques et financiers s’accroît proportionnellement à une production personnalisée. L’éclatement des vieilles bureaucraties industrielles en réseaux mondiaux leur a fait perdre leur pouvoir de négociation, expliquant également la crise de l’État providence (avec le surendettement des États) et de l’ancien modèle social démocrate qui se trouve confronté à la dure réalité de la gestion gouvernementale. La chute des syndicats corporatistes souvent appendice de pouvoirs bureaucratiques s’accompagne d’un nombre croissant d’accords collectifs.
Les emplois dans la production courante tendent à disparaître comme les agents de maîtrise et d’encadrement, impliquant une mobilité des travailleurs, la généralisation de l’emploi temporaire, et donc une flexibilité permanente du marché du travail avec des recyclages permanents étant appelés à l’avenir à changer plusieurs fois d’emplois dans notre vie.
Ainsi, apparaissent en force d’autres emplois dont la percée des producteurs de symboles dont la valeur conceptuelle est plus élevée par rapport à la valeur ajoutée tirée des économies d’échelle classiques. À mesure que la firme se transforme en réseau mondial, impossible de distinguer les individus concernés par leurs activités, qui deviennent un groupe vaste, diffus, répartis dans le monde.

Comment dès lors appeler au boycott, quand des centaines de milliards de dollars s’échangent par jour au niveau des Bourses mondiales avec des fusions et des changements de propriétaires à travers les ventes-achats d’actions ?
En résumé, les impacts tant de l’Accord d’association que de l’adhésion à l’OMC ne seront positifs que si l’Algérie entame de profondes réformes structurelles tant politiques, économiques, sociales, que culturelles, supposant un réaménagement des structures du pouvoir assis sur la rente.
Ainsi s’impose l’indispensable revalorisation du savoir.
Entretien réalisé par Ines B.

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