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Pour les jeunes du bassin minier tunisien : C’est la mine ou «la mort»

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La mine, l’émigration ou «la mort»: dans le centre de la Tunisie, des centaines de jeunes chômeurs campent sur les sites d’extraction du phosphate, minerai assurant à la Tunisie des revenus cruciaux, pour réclamer un emploi.

Ces remous sociaux sont récurrents dans le bassin minier. Les derniers en date ont éclaté fin janvier, comme souvent à l’annonce des résultats d’un concours de recrutement. La mobilisation des candidats déçus a fait boule de neige, dans une région frappée par l’un des plus hauts taux de chômage du pays et un manque flagrant d’infrastructures. Parmi les dunes grises de phosphate brut du site de Kef Eddour, à quelques kilomètres de piste de Metlaoui, une dizaine de femmes et une cinquantaine de jeunes, fils et petit-fils de mineurs, mangent et dorment dans des préfabriqués balayés par la poussière des poids-lourds qu’ils ont bloqués six semaines durant. «Il n’y a que la compagnie de phosphate qui fonctionne ici, nous n’avons ni développement, ni emploi», ni loisirs, lance amèrement Ali Ben Msalah, 25 ans, chômeur depuis sa sortie du lycée. «Pour nous, la solution, c’est l’émigration, la mort ou la prison». Souad Smadah, 60 ans, fille et épouse de mineur, acquiesce en veillant sur un feu où chauffent un couscoussier géant et une minuscule théière, rations de combat de la jeune troupe. Elle enrage qu’aucun de ses cinq fils ne travaille dans le phosphate, accusant les hommes d’affaires et syndicalistes de faire embaucher leurs proches en priorité. Son aîné gagne 300 dinars (100 euros) par mois dans une boulangerie, quasiment trois fois moins que le salaire de base de la mine.

«Petit Paris»
Metlaoui est riche des principales mines de phosphate de Tunisie, quatrième producteur au monde. Elle était jadis surnommée le «Petit Paris» avec sa piscine, son cinéma et ses courts de tennis. Aujourd’hui, sa jeunesse désœuvrée traîne sur les routes défoncées, les dents jaunies par une eau polluée. La Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), monopole public, s’est longtemps substituée à l’Etat. Mais après des décennies d’autorités absentes ou corrompues, la grogne sociale a flambé dès 2008, durement réprimée par la dictature de Zine El Abidine Ben Ali. Sa chute en 2011 n’a pas entraîné d’amélioration. «Depuis la révolution, on ne parvient plus à produire le tonnage voulu», s’inquiète le secrétaire général de la CPG, Ali Khmili, lui aussi dans le phosphate de père en fils. La compagnie, qui a produit jusqu’à 8 millions de tonnes par an, en a péniblement extrait 4,2 l’an dernier. Les nouveaux blocages ont débuté quelques semaines après une série de manifestations et émeutes dans plusieurs villes, alimentées par des hausses de prix. D’autres régions connaissent un regain de tensions, alors que le pays s’approche d’échéances électorales: municipales en mai, législatives et présidentielle en 2019. A Gafsa, l’inévitable exacerbation des tensions politiques a compliqué les négociations, et la production a été paralysée pendant plus de six semaines.
«Le blocage est lié essentiellement à un manque de confiance» entre les habitants et le gouvernement, estime Rabeh Ahmadi, militant du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), ONG spécialisée sur les questions sociales. Des élus ont été accusés de saper les négociations à des fins électoralistes. Résultat: la CPG, qui peut produire 540.000 tonnes par mois, n’en a extrait que 160.000 sur les deux premiers mois de 2018. Le gouvernement a fini par réclamer des poursuites judiciaires et par suspendre les 1.700 recrutements en cours. L’exploitation a redémarré début mars, et plusieurs ministres ont été dépêchés dans le bassin minier.

Qui-vive
Mais les habitants mécontents des propositions ont manifesté et entravé le transport de phosphate le week-end dernier, en dépit de l’intervention de la police à coups de gaz lacrymogènes, et se disent prêts à bloquer à nouveau la production. C’est, disent-ils, la seule façon de se rappeler au bon souvenir du gouvernement, pour qui le phosphate est un secteur crucial afin d’atteindre l’objectif de croissance de 3% en 2018. L’entreprise, déficitaire notamment en raison de ces troubles récurrents, ne contribue plus au budget de l’Etat depuis 2011, mais le phosphate représente toujours 3% des exportations tunisiennes. «Les revendications des protestataires sont légitimes, il y a une absence totale de l’Etat dans cette zone», déplore Rafiq Smida, un ingénieur de la CPG militant pour la défense du phosphate. «Mais si le travail est bloqué, 32.000 emplois sont menacés.»

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