Accueil RÉGIONS Vieille ville de Constantine : Des «cures» de rajeunissement timorées

Vieille ville de Constantine : Des «cures» de rajeunissement timorées

0

Conglomérat d’habitations et d’édifices séculaires, miroir d’une identité plurielle, la vieille ville de Constantine est aussi le cœur fatigué, mais toujours battant, d’une métropole dont l’excroissance urbanistique au cours des dernières décennies a phagocyté ce pan ancestral de l’histoire de la ville, dans l’attente d’une sauvegarde durable et salutaire. Depuis plusieurs années, des études et «cures» de rajeunissement sporadiques et timorées ont été entreprises pour tenter de préserver cette vieille cité, à l’image du Master plan élaboré en collaboration avec l’université Roma 3, ou encore du plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur des secteurs sauvegardés (PPSMVSS), mais sans résultats efficients pour résoudre cette «équation» à plusieurs inconnues. Lancé en application des dispositions de la loi n 98-04 du 15 juin 1998, relative à la protection du patrimoine culturel et faisant suite au classement de la vieille ville de Constantine comme secteur sauvegardé conformément au décret interministériel n°05-208 du 4 juin 2005, ce plan de sauvegarde est un outil visant à la préservation des valeurs historiques, culturelles et architecturales. Architecte-urbaniste, experte des sites et monuments historiques, membre fondatrice et vice-présidente de l’académie algérienne des sciences et technologies, Pr. Samia Benabbas Kaghouche a rappelé à l’APS que «le PPSMVSS est un outil équivalent à un plan d’occupation du sol (POS), c’est-à-dire qui s’intéresse davantage aux actions d’affectation au sol et à la stabilité des constructions qui le composent».
Il a notamment pour objectif «la restitution du diagnostic du site et la mise en place de quelques mesures d’urgence dictées par la conjoncture prévalant au moment de son élaboration», a-t-elle précisé. Estimant qu’un site historique d’une ville vivante est un pan urbain en perpétuels évolution, changement et mutation, Mme Benabbas a souligné, toutefois, qu’»une construction dans un état moyen aujourd’hui, peut menacer ruine 5 années plus tard», d’où la nécessité de mettre en place un organisme de suivi de la mise en œuvre de cet outil. Or, s’il a le mérite d’exister malgré des «faiblesses plurielles», soutient cette même source, aussi bien au niveau de sa conception que de la difficulté de sa mise en œuvre, «cet outil est en porte à faux par rapport aux exigences effectives du site et de la composition socio spatiale de son tissu». Selon cette architecte-urbaniste, «quand un tel outil a été conçu, dans l’imaginaire des différents acteurs (habitants, gestionnaires centraux ou locaux, bureaux d’études), c’est l’Etat qui aura la charge de préserver l’ensemble du bâti», or tel qu’il a été conçu, ajoute-t-elle, «il n’a pas apporté une plus- value pour la prise en charge financière de la question des opérations de réhabilitation sachant que la majorité des constructions est de statut privé».
Assurant qu’il n’y a aucun pays au monde qui s’occupe de la restauration de son patrimoine de façon «solitaire, autonome et indépendante», Mme Benabbas relève, à ce propos, le fait que la vieille ville a été vidée de ses habitants, avec des constructions résidentielles en indivision, une majorité de maisons cohabitées par des familles sans liens sociaux, où chaque famille habite pratiquement dans une seule grande pièce, en sous-location, et dans des conditions insalubres. «Ses occupants ne sont pas ses propres habitants, ce sont des transitaires qui pensaient y séjourner de façon temporaire pour acquérir un logement social, et n’ayant aucun intérêt à la préserver, d’où son déclin», déplore-t-elle.

Une lente et inexorable agonie  
A défaut d’une solution pérenne pour la préserver de l’érosion du temps et des locataires de passage, squattant ses murs le temps de bénéficier d’un logement social, la vieille ville de Constantine se meurt dans une lente et inexorable agonie.
La manifestation «Constantine, capitale de la culture arabe 2015» avait été préalablement perçue à l’époque comme une réelle opportunité pour «rajeunir» la médina, mais «la réhabilitation d’un site historique de 37 ha n’est pas une opération courte qui répond à une conjoncture événementielle», estime la même source. Selon cette experte des sites et monuments historiques, «la manifestation +Constantine capitale de la culture arabe+ a apporté plus de préjudices au patrimoine», car il y avait, dit-elle, «une dysmétrie chronologique entre la volonté politique et les conditions de la gouvernance urbaine d’un tel évènement qui a été géré par une approche descendante (top-down) plutôt qu’une approche ascendante (bottom-up)». Elle a regretté, en outre, le recours à «une expertise externe avec des étrangers qui voulaient travailler rapidement sans que le minimum requis de mise en úuvre d’opérations mixtes n’ait vu le jour», mais aussi le fait d’avoir choisi quelque édifices cibles pour en faire des opérations types de restauration comme le palais du bey, les vieilles mosquées de la ville, l’ex siège de la wilaya et quelques cinémas notamment. «Pour l’ensemble de ces projets, on a placé la charrue avant les bœufs, c’est pour cela que leur réhabilitation n’a pas abouti jusqu’aujourd’hui», a souligné cette architecte-urbaniste, mettant l’accent également sur la crise financière actuelle du pays qui a compromis la finalisation de ces projets. D’après Mme Benabbas, des pans entiers de l’histoire urbaine et de pratiques socioéconomiques ne sont plus récupérables, à l’image de la partie basse de Souika qui a connu une rénovation de «façon sauvage» d’un pâté de maisons avec des procédés constructifs différents et un prototype autre que celui existant auparavant. Elle considère, dans ce contexte, que l’université peut s’impliquer dans des travaux de relevés par la digitalisation en introduisant des techniques modernes, quant aux savoirs ancestraux de reconstruction, de réhabilitation et de restauration, pouvant faire l’objet d’un travail de partenariat entre le secteur économique et l’université.
Contactée en vue d’obtenir des précisions au sujet des projets engagés pour la préservation de la vieille ville, Nesrine Talbi, architecte à l’antenne locale de l’Office national de gestion et d’exploitation des biens culturels protégés (OGEBC), sise au palais du bey, a affirmé à l’APS que l’Office agit en qualité d’assistant technique des projets inscrits dans le cadre de la manifestation «Constantine capitale de la culture arabe 2015». Elle a confié «ne pas pouvoir communiquer à ce sujet parce que cela relève de la direction de la culture en tant que maitre de l’ouvrage’’. Approché à son tour, le directeur de la culture, Aribi Zitouni, a assuré «ne pas être en mesure, pour le moment, de fournir des informations, voire des données exhaustives au sujet des projets de réhabilitation de la vieille ville», ajoutant que «tout ce qui a trait au plan de sauvegarde de la vieille ville est du ressort de l’Agence nationale des secteurs sauvegardés (ANSS)».
Il a été impossible de joindre la représentante de l’ANSS à Constantine, «absente depuis plus de quinze jours», a-t-on appris au niveau de l’OGEBC, où se trouve également le bureau de cette agence.

Article précédent« Alzinc Ghazaouet » sera enfin décontaminée de ses déchets : Une entreprise chinoise à la rescousse
Article suivant10e Festival de musique Sanaâ : Les associations de Bejaïa et Mostaganem enchantent le public