Accueil MONDE Syrie : la mort d’un symbole du Hezbollah

Syrie : la mort d’un symbole du Hezbollah

0

La libération de Samir Kantar en 2008 des prisons israéliennes avait été une forme de « post-scriptum » au conflit entre Israël et le Hezbollah, qui avait ravagé le Liban deux ans plus tôt, selon le journaliste britannique David Hirst. En relâchant ce milicien libanais de 53 ans lors d’un échange de détenus et de dépouilles avec l’organisation libanaise, l’Etat hébreu avait subi une « ultime humiliation ». La mort de Kantar en Syrie, samedi 19 décembre, dans un raid attribué par le Hezbollah aux forces israéliennes, sonne comme un point final : les autorités israéliennes avaient assuré que, sorti de prison, celui que Al-Manar, la télévision du Hezbollah, qualifiait de
« plus ancien prisonnier arabe » en Israël, restait une cible.
C’est à Jaramana, banlieue druze de Damas, que Samir Kantar, druze lui-même, a été tué. Et non dans la région de Kuneitra, une zone syrienne frontalière du Liban et du Golan occupée par Israël, dont le milicien était un « visiteur régulier » et un recruteur de combattants, selon une source prorégime. Al-Manar avance qu’il a été tué par quatre missiles longue portée, tirés par des avions israéliens depuis l’espace aérien syrien. L’attaque n’a pas été revendiquée par l’Etat hébreu, mais plusieurs personnalités israéliennes n’ont pas caché leur satisfaction à l’annonce de la mort de cette figure pro-Hezbollah. Entre Kantar et Israël, le contentieux est ancien. En 1979, Samir Kantar n’a que 16 ans lorsque, membre du Front de libération de la Palestine, il débarque sur une plage israélienne. Avec son commando, il veut enlever des soldats pour les échanger contre des détenus libanais et palestiniens. L’opération tourne au carnage : un policier ainsi qu’un père et sa fille de 4 ans sont abattus. La mort de la fillette provoque un choc immense en Israël. A l’encontre de l’enquête, Samir Kantar démentira en prison avoir tué l’enfant. L’ex-premier ministre Ehud Olmert le qualifie à sa libération de « bête humaine ».
Samir Kantar après sa libération des prisons israéliennes, en 2008, lors d’un échange entre l’Etat hébreu et le Hezbollah. Condamné en 1980 à purger une peine de prison de cinq cent quarante-deux ans, le détenu druze est devenu, au début des années 2000, un symbole pour le Hezbollah chiite, ennemi juré d’Israël. Son chef, Hassan Nasrallah, promet qu’il le fera sortir de prison. Lorsque des combattants du Hezbollah enlèvent deux soldats israéliens, le 12 juillet 2006, l’opération doit viser à obtenir la libération de Kantar et de miliciens chiites. La suite est connue : c’est la « guerre de trente-trois jours » entre Israël et le Hezbollah.
Après avoir été accueilli à son retour au Liban en 2008 en « héros » par le Hezbollah, mais aussi par les représentants de l’Etat libanais, Samir Kantar se fait plus discret. On le retrouve toutefois au premier rang des cérémonies de la formation chiite dans la banlieue sud de Beyrouth. Etait-il membre de la branche armée ? La chaîne Al-Manar se contente d’une vague formule, affirmant que Kantar, qui s’était peut-être converti au chiisme, « travaillait dans les rangs de la résistance », après avoir « repris son djihad » en 2008.
Avec l’entrée du Hezbollah en Syrie – officiellement, à partir de 2013 – aux côtés du régime, Samir Kantar fait de nouveau parler de lui. Selon une source druze syrienne proche de l’opposition, il sillonne les villages druzes de la région de Kuneitra et du mont Hermon pour y recruter des combattants pro-Assad et jouit d’un « pouvoir de décision ». Les miliciens participent à des attaques contre les rebelles et les djihadistes syriens, en guerre contre le régime. Le chercheur Tobias Lang affirme que Samir Kantar recrute également des candidats pour des « activités contre Israël ». La zone constitue, pour le Hezbollah, un nouveau front potentiel avec l’Etat hébreu, moins direct que le Liban.

« Tests et provocations »
Les mouvements de ces recrues, non loin du Golan occupé, sont suivis de près par Tsahal : fin juillet, un raid attribué aux Israéliens fait plusieurs victimes du côté syrien du Golan. Des rumeurs donnent Samir Kantar pour mort – avant d’être démenties. A l’automne, Washington inscrit le Libanais sur sa liste des « terroristes internationaux », l’accusant d’avoir participé à la « mise en place d’une infrastructure terroriste sur le plateau du Golan ».
Le « parti de Dieu » a promis que l’assassinat de Samir Kantar ne restera pas impuni. Pour la spécialiste Aurélie Daher, auteure de Le Hezbollah, mobilisation et pouvoir (PUF, 2014), les représailles sont d’autant plus inéluctables que « l’attaque qui vient de tuer Kantar s’inscrit dans une longue liste d’initiatives israéliennes depuis 2013, en territoire syrien ou à la frontière syro-libanaise, perçues par le Hezbollah comme autant de provocations et de tests destinés à déterminer où se situent ses lignes rouges ».
Signe de la volatilité de la frontière, dimanche en début de soirée, trois roquettes ont été tirées du Liban vers le nord d’Israël. L’attaque n’a pas été revendiquée. Peu après, des roquettes israéliennes visaient à leur tour la région libanaise de Tyr.
Le Hezbollah devrait organiser lundi les funérailles de « [son] martyr » dans la banlieue sud de Beyrouth, avant que ne s’exprime en soirée son chef, Hassan Nasrallah. #On ne sait s’il répondra à la question qui agite le Liban : l’armée russe, qui soutient le régime syrien et qui a établi un canal de communication avec son homologue israélienne sur leur activité aérienne en Syrie, était-elle au courant de l’opération ?

Article précédentVladimir Poutine ne veut pas recréer l’URSS
Article suivantEspagne : arrestation de 9 personnes accusées d’exploitation inhumaine de migrants