Accueil ACTUALITÉ Mawlid ennabaoui à Adrar : entre recueillement et bombance

Mawlid ennabaoui à Adrar : entre recueillement et bombance

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Le Mawlid, connu aussi sous le nom de Mawlid ennabaoui, Mouloud, Mouled ou Mawlid, est une fête religieuse célébrant la naissance du prophète Mohamed (qsssl) qui se déroule chaque année dans la wilaya d’Adrar. Cette année, le Mawlid est prévu pour le 24 décembre 2015. Il s’agit d’une commémoration qui connaît bien des vicissitudes au cours de l’histoire puisqu’elle fut, de nombreuses fois, autorisée puis supprimée. Le Mawlid fut célébré d’abord en Égypte en 972, à l’époque des Ayyoubiine qui la considèrent comme légitime. La célébration parvient au Maghreb puis à Tlemcen au début du XVe siècle pour finalement atterrir dans le Sud, plus particulièrement à Béni-Abbès (wilaya de Béchar ) et Adrar au XVIe siècle. Mawlid est une une fête controversée quant à sa célébration.

Pour certains, c’est une journée où il convient de se recueillir, de transmettre aux plus jeunes l’histoire du prophète. Pour cela, la célébration de cette manifestation religieuse se déroule sur deux étapes.
La première, étant dédiée à la nativité du prophète, est célébrée dans les ksour de Zaouit-Kounta, Titaf, Timi et la ville d’Adrar.
La seconde se tient une semaine plus tard dans la daïra de Timimoun et les ksour avoisinants tels que Fatis, Oujlane, Tinerkouk, Massine où l’on s’apprête à fêter dignement le baptême «le Sboue». Dans le Touat, région d’Adrar, sont organisées des lectures de Coran, des prières, des chants religieux. C’est une journée festive célébrée dans la joie.
C’est l’occasion d’allumer des bougies, de partager un festin, d’offrir des cadeaux aux enfants, de procéder à leur circoncision, et pour d’autres les honorer pour leur apprentissage des 60 versets coraniques. Une ambiance particulière règne, car c’est un événement bien ancré et bien établi dans cette partie de l’Algérie profonde. Il faudrait rappeler que pour contenir tout ce monde qui afflue des quatre coins du pays et de pays frontaliers, tels que le Mali, le Niger, les femmes ont eu fort à faire durant toute un mois : rouler et préparer des quintaux de couscous, plat incontournable, servi pour la circonstance. Cette tâche éreintante, mais pas du tout fastidieuse, est effectuée sous forme de “touiza”. Pendant que certaines s’attèllent, devant de grands plats, en bois ou en métal, à rouler, grâce à des mains expertes, le couscous avec une dextérité qui ferait pâlir les joueurs de tennis, d’autres plus âgées, se voient confier l’animation du groupe, par des chants appropriés. Ces “médahate” comme on les surnomme ici, apportent une certaine note de gaieté et de fraîcheur, redoublant les femmes, à fournir plus d’effort, sans pour autant ressentir la fatigue. Les hommes, par contre, se sont occupés des courses : achat des quadrupèdes, légumes, fruits, boissons gazeuses sans pour autant oublier la préparation de la poudre et des fusils. Les tenues, d’un blanc immaculé, qui constituent la tenue principale : un accoutrement pour faire bonne figure, lors du défilé des troupes folkloriques et celles du baroud. Il faut préciser qu’un nombre impressionnant de convives, d’autochtones convergent vers Timi, Zaouit-Kounta et Bouali. Et toutes ces personnes, après avoir paradé, finiront par faire ripaille ! Durant toute la journée du Mawlid, les rues de Timi et des autres ksour sont prises d’assaut, dès les premières lueurs du jour. Il faut souligner que les fidèles sont restés éveillés toute la nuit à psalmodier des versets coraniques, dont le but est de clôturer tout le Coran, les 60 versets en entier. Des troupes folkloriques, du baroud, défilent à tour de rôle, dans des danses qui suscitent l’engouement général auxquelles se mêlent des jeunes des quartiers, histoire de s’affirmer et d’affirmer leur présence et leur personnalité. Auparavant, les “Rawda” sortes de coupoles sont badigeonnées à la chaux et des drapeaux sont accrochés, sans doute afin de marquer leur appartenance. Les femmes aussi se font belles pour l’occasion. Leurs mains sont enduites de henné, les yeux passés au “khol”, les lèvres au “meswek”. Et dans une ambiance pleine de gaieté, d’enthousiasme, assistent et participent, elles aussi, à cette fête religieuse qui ne laisse personne indifférent. À treize heures, peut-être un peu plus, la notion d’heure étant reléguée au dernier, ce qui importe, ce qui compte, c’est cette frénésie générale, ces danses qui emballent tout le monde. Assis à même le sol, huit ou dix personnes forment des groupes, où des personnes, chargées du service, s’appliquent à ne rien oublier : melfouf, lait dattes, couscous servi dans un grand plat métallique recouvert d’un “t’bag” sorte de plateau en osier.
Ici, la coutume veut que la répartition de la viande se fasse avec parcimonie: c’est le “tessmar”. La personne, chargée de le faire, se lave d’abord les mains, puis s’active à placer dans chaque endroit creusé une boulette de viande. L’invité se précipite à la balancer au fond du gosier. Un thé mijoté sur des braises vient compléter ce rituel qui réveille en vous vos émotions gustatives. L’après-midi, le spectacle continue de plus belle sous un rythme effréné et envoutan.
La soirée se termine dans les localités de Zaglou où des danses sont programmées telle que la danse de “sara. La célébration du Mawlid dure ainsi toute une semaine, où les danseurs ne baissent pas les bras, et les versets coraniques continuent à se faire entendre durant toute la nuit.
Il faudrait cependant préciser que, pour ces préparations, les économies de toute une année y passent, si l’on rajoute la tenue des ziarrate”, autres manifestations religieuses destinées à honorer les saints locaux.
L’appel est lancé pour le développement et la réhabilitation du tourisme dans la région auxquels Mustapha Limani, le wali, attache une importance prépondérante, et en fait son cheval de bataille. Les nombreuses visites sur le terrain, un suivi régulier et rigoureux, constituent un véritable palan pour l’épanouissement de cette wilaya. Car la réhabilitation du tourisme, dans cette partie de l’Algérie profonde, véhicule l’âme de toute une population et conjugue toute l’esthétique qui fait toute la valeur du produit historique de la région parce qu’il est l’expression vivante de toute une société qui la distingue des autres sociétés : une société qui n’a rien, mais qui a tout, d’une société qui a tout, mais qui n’a rien. Adrar, ces jours-ci, vit, respire, bouge, au son du baroud et de versets coraniques récités en chœur dans toutes les mosquées. Rendez-vous est donc pris pour le “Sboue” de Timimoun dans une semaine pour un autre reportage.
Safi A. T.

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