À chaque commémoration en France du massacre du 17 octobre 1961, l’exigence de la reconnaissance de crime d’État par le gouvernement français revient en leitmotiv.
Mais même s’il y a eu des gestes significatifs et hautement symboliques de quelques responsables et notamment ceux des maires de Paris, l’État français continue à se dérober.
Surtout en cette période électorale où la surenchère nationaliste et les nostalgiques de
« l’Algérie française » ont pignon sur rue tandis que les hommages aux Harkis, truffés de contre-vérités et de manipulation de l’Histoire sont célébrés en grande pompe. Pourtant et malgré bien après le travail de recherche remarquable de Jean-Luc Einaudi qui mettra en relief la gravité exceptionnelle de cette véritable « terreur d’État », Les Algériens, la République et la terreur d’État, » Tallandier, 2008] la France officielle opte toujours pour la politique de l’autruche et refuse de reconnaître que cette répression d’État a conduit à un massacre des plus violents qu’ait jamais provoquée une manifestation de rue en Europe occidentale dans l’histoire contemporaine. L’historien Gilles Maceron , estime il y a « une volonté de faire le silence de la part des autorités françaises ». il cite en premier lieu, les autorités impliquées dans l’organisation de la féroce répression: « le préfet de police de la Seine, Maurice Papon, le Premier ministre, Michel Debré, ainsi que Roger Frey, ministre de l’Intérieur. Mais également le général de Gaulle, qui de toute évidence a pourtant été très irrité par cet épisode», selon lui . Papon de triste mémoire déjà , qui fut préfet a Constantine et qui fut rattrapé par l’Histoire et condamné pour sa collaboration avec le nazisme. En effet le procès de Maurice Papon pour complicité de crimes contre l’humanité en tant que secrétaire général de la préfecture de la Gironde pendant l’Occupation a certainement contribué à ouvrir le dossier du 17 octobre 1961 et à le faire surgir dans l’espace médiatique. Lors du procès Papon en 1997-1998, des témoins ont parlé de sa personnalité, de son rôle en Algérie et à la préfecture de police de Paris. Parmi eux, Jean-Luc Einaudi, qui a publié une tribune dans Le Monde du 20 mai 1998, où il employait le terme de « massacre » à propos du 17 octobre. Papon a trouvé bon de poursuivre Einaudi pour diffamation. Il a été débouté de sa plainte. Le terme de « massacre » a été considéré comme légitime par le tribunal. C’est un véritable tournant. Mais depuis, l’État français fait toujours le mort. Aujourd’hui et alors que l’État français reste encore sourd aux appels et aux revendications de la société civile pour reconnaître les massacres du 17 Octobre, il y a heureusement des avancées et une reconnaissance de la part de collectivités locales, notamment la mairie de Paris en 2001 qui a fait un geste fort avec l’apposition d’une plaque commémorative sur le pont St-Michel. Des communes de la banlieue parisienne ont suivi le mouvement. En fin de mandat pour Hollande, quelques-uns ne désespèrent pas, tel Henri Pouillot qui interpelle Hollande pour un geste qui le ferait entrer dans l’Histoire plus sûrement que l’auto-chronique médiatique de son mandat. Militant antiraciste, anticolonialiste, de la mémoire, Henri Pouillot, a interpellé , François Hollande, sur le massacre du 17 octobre 1961 lui réitérant de reconnaître ce «crime d’État». Dans une lettre ouverte à François Hollande, ce témoin de la Guerre de libération et de la torture de l’armée française en Algérie, a rappelé au chef de l’État français que le 15 octobre 2011, en sa qualité de candidat à la présidence de la République, il avait signé la pétition initiée par le «Collectif du 17 octobre 1961» demandant au président de la République de «reconnaître et de condamner ce crime d’État commis par la France le 17 octobre 1961». «Le 17 octobre 2012, comme ce collectif n’avait pas de réponse à ses deux courriers, je suis un de ces militants (en tant que l’un des animateurs de ce collectif) qui ont patienté plus d’une heure sous la pluie devant la porte de l’Elysée sans pouvoir être reçu», a-t-il écrit, indiquant avoir pris connaissance de sa position en tant que chef de l’État à travers les médias.
Henri Pouillot reproche à François Hollande d’avoir oublié, dans sa position «laconique» vis-à-vis du massacre du 17 octobre 1961, d’évoquer qui est responsable de «ces faits». «Ils ne sont pas reconnus comme un crime d’État, comme vous vous étiez engagé un an plus tôt à le faire», a-t-il souligné. « Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes», avait déclaré le président Hollande en 2012. Il a estimé qu’une nouvelle fois, au sujet de la Guerre de libération de l’Algérie, «vos propos ne sont pas à la mesure de la responsabilité de la France envers le peuple algérien». «Quand l’État français reconnaîtra-t-il ses responsabilités et condamnera les crimes commis en son nom ? Tout particulièrement pendant la Guerre de libération de l’Algérie : les crimes d’État du 8 mai 1945, du 17 octobre 1961, du 8 février 1962», et «les crimes contre l’humanité : le colonialisme, l’institutionnalisation de la torture, les viols, les exécutions sommaires, les essais nucléaires du Sahara, les camps d’internements (pudiquement appelés camps de regroupements)», l’a-t-il interpellé, lui rappelant par ailleurs le «déni de vérité (et) de transparence» dans l’assassinat de Maurice Audin.
Pour sa part le «Collectif 17 octobre 1961 Banlieue Nord-Ouest» a demandé à l’État français de reconnaître sa responsabilité dans le massacre en France des Algériens, le 17 octobre 1961, souhaitant que «toute la lumière soit faite sur ces crimes commis contre des manifestants pacifiques». Dans son appel «Les ponts de la mémoire», le collectif organise, à compter de mardi, trois semaines d’activités «contre l’oubli du massacre d’État du 17 octobre 1961 et en hommage à ceux qui se sont soulevés contre les horreurs commises par l’Etat français durant la guerre d’indépendance algérienne». À travers la commémoration du 55e anniversaire de ce massacre, le collectif vise à établir des ponts «entre passé et présent, entre générations, transmettre cette histoire et réfléchir à en tirer des enseignements pour l’avenir». «Que la lutte continue pour la reconnaissance de la responsabilité de l’État Français et qu’enfin toute la lumière soit faite sur ces crimes commis contre des manifestants pacifiques», a-t-il déclaré, exigeant, pour toutes ces femmes, pour tous ces hommes, «qui se sont battus aux côtés du peuple algérien avec courage», l’ouverture de toutes les archives, dont celles de la brigade fluviale, chargée en octobre 1961 de remonter les corps noyés dans la Seine. Il souhaite mettre à profit le courage «qui animait ces Français anticolonialistes d’hier» pour «irriguer» les hommes et les femmes politiques d’aujourd’hui pour «contrer les manipulations politiciennes de certains nostalgiques de l’Algérie française et autres extrémistes». «Plus d’un demi-siècle de mensonges, de rapports cachés dans les tiroirs de l’État. Aujourd’hui, nous exigeons la vérité sur ce crime d’État odieux et barbare», a-t-il dit: Le «Collectif 17 octobre 1961 Banlieue Nord-Ouest», qui rassemble des habitants et militants des villes d’Argenteuil, Bezons, Colombes, Gennevilliers et Nanterre, déplore que le président français François Hollande eut utilisé en 2012 une terminologie sur le massacre qui n’était pas appropriée. «En 2012, le président de la République française reconnaissait officiellement ce crime passé sous silence. Mais à demi-mot. Il parla de +répression sanglante+, alors qu’il s’agit d’un massacre», a rappelé le Collectif. La balle est désormais dans le camp de ce chef d’État, qui organise commémoration sur commémoration, ambitionne de se représenter et qui a une occasion idéale pour rattraper ses engagements et se particulariser au regard de ses prédécesseurs.
M. Bendib