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Mark Rylance, le bon géant du cinéma américain

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Après «Le Pont des espions», l’acteur britannique Mark Rylance est à l’écran dans «Le Bon gros géant» de Steven Spielberg.

Un homme affable, très sympathique, décontracté, jamais blasé, voilà comment apparaît Mark Rylance. Ce comédien shakespearien, qui a gagné de multiples récompenses dans son pays d’origine, l’Angleterre, est en train de devenir l’interprète numéro un du roi tranquille de Hollywood. Steven Spielberg avait fait de cet homme de 56 ans un fantastique agent russe dans le classique «Le Pont des espions», rôle qui lui avait valu un Oscar . Voilà maintenant Rylance transformé en «Bon gros géant», dans ce film fable pour enfants réussi. L’histoire entre Mark et Steven ne s’arrête pas là puisque Spielberg l’a embauché pour figurer dans ses deux prochains longs-métrages! Il est temps d’en savoir plus sur cet homme trop méconnu en France. Interview.

Paris Match. Pourquoi avez-vous accepté ce rôle de «Bon gros géant»? Pour retrouver Steven Spielberg?
Mark Rylance. En partie oui. C’est aussi pour revoir tous les gens avec qui Steven collabore, de Janusz Kaminski le directeur de la photo, à ses producteurs Franck Marshall et Kathleen Kennedy, qui sont merveilleux. Et j’aime vraiment l’histoire. On peut la comparer à Peter Pan, qui décrit un archétype, l’adulte qui ne veut pas grandir.
«Le Bon Gros Géant» montre lui aussi un archétype, celui de la relation entre jeunes et vieux, dans ce cas entre une petite fille et son grand-père. Et la petite Sophie en apprend autant au «BGG» que l’inverse. Elle n’est pas résignée, veut combattre les méchants, quitte à aller voir la reine! «Le Bon Gros Géant» est aussi le dernier scénario de Melissa Mathison, morte peu après le tournage et qui avait écrit «E.T»…

Etes-vous un spectateur assidu, êtes-vous curieux de cinéma?
Oui, ma femme et moi on part en vacances avec un petit projecteur, on tend un drap et on se projette des films chaque soir. Steven Spielberg est un amateur de films aussi. Il ne doit pas dormir très bien car il se fait des séances de classiques. Mais il regarde des nouveautés aussi… D’ailleurs, qui est ce réalisateur français incroyable qui a fait «Enter the Void»?

Gaspard Noé. Il a aussi mis en scène «Irréversible».
Où il y a une terrible scène de viol n’est-ce pas? «Enter the void» est impressionnant. J’étais heureux de n’avoir pris aucune substance avant de le visionner. Si vous êtes un peu schizophrène, ce film peut vous achever.

Le théâtre vous a rendu célèbre en Angleterre et non le cinéma. Etait-ce un choix? Car vous êtes venu relativement au tard au septième art…
Comme les roses qui éclosent en octobre… Je suis anglais mais j’ai grandi à Milwaukee ou je passais 9 mois par an à aller au cinéma, dans les années 1970, une période très riche du septième art américain. Pourtant au moment d’étudier ce métier, je suis parti en Angleterre à 18 ans. Lorsque je suis sorti de la Royal Academy of Dramatic Art, j’ai obtenu des boulots au théâtre. Je ne souhaitais pas particulièrement devenir un acteur shakespearien, j’apprécie cet auteur, mais j’étais plus inspiré par Jacques Lecoq, un acteur très créatif, qui avait une compagnie nommée «Complicité». J’essayais de monter ma troupe. C’est ce qui m’excitait. Mais il faut croire que j’avais une sorte de don, Shakespeare me semblait si familier, j’ai eu du succès dans ses pièces.

Vous êtes même devenu directeur artistique du Globe, le théâtre qui ne crée que des pièces de Shakespeare…
Pendant 10 ans, ce fut si intense que je n’avais pas de temps pour d’autres projets. Le film de Patrice Chéreau, «Intimité», est un des rares films auxquels j’ai pu participer. Je me rendais à beaucoup d’auditions dans les années 1980, avant que je ne prenne la direction du Globe. Rien ne marchait. Peut-être à cause de ma culture en partie américaine, les gens ne me situaient pas.
Gary Oldman, Daniel Day-Lewis et d’autres comédiens de cette époque migraient tous vers le septième art, sauf moi. J’ai ressenti un peu de jalousie, d’envie. Je l’ai pris comme un signe: je n’étais pas aussi bon qu’eux. Je me suis donc focalisé davantage sur le théâtre. C’est à ce moment que j’ai refusé la première offre de Steven Spielberg, en 1987, d’apparaître dans «L’Empire du soleil».
Pourquoi? C’était une telle opportunité!
Juste avant cette proposition, j’avais joué dans un très mauvais film, «Hearts of fire». Je n’avais accepté que pour rencontrer Bob Dylan, qui est très bon dedans. J’interprétais son bassiste. Un jour nous filmions une scène de concert à Camden. Je connaissais les accords de «Black magic woman», de Santana, que je jouais pour m’amuser. Soudain derrière moi, surgit Dylan, qui commence à gratter sa guitare électrique. Je n’ai jamais eu aussi peur ni ne me suis autant concentré pour rester dans le rythme. J’ai accompagné Dylan sur scène! J’ai encore participé à un film affreux, «Blitz». Je me souviens d’une scène: je gisais sur le sol, après avoir été tué à coups de marteau. L’acteur qui m’a tué devait manger mon «fish and chips» et me le cracher à la figure. Puisque j’étais hors champs, j’ai demandé une serviette pour me couvrir le visage. L’acteur a répondu «cela m’aiderait beaucoup si je pouvais te cracher dessus». Je me suis relevé, j’ai regardé le réalisateur qui pianotait sur sa Game boy et me suis juré, plus jamais. J’ai quitté mes managers, mon agent, remplacé par ma femme. J’ai compris que j’étais un acteur complet, même si je n’avais pas de succès sur grand écran.

Quand avez-vous repris confiance?
Grâce à Sean Penn. Il m’a appelé et dit «j’ai besoin de toi pour 10 jours, la paie sera bonne». C’était pour figurer dans ce film d’action, «The Gunman». Il m’a mieux rémunéré que ce que j’ai gagné en 10 ans au Globe! Et puis ma fille est décédée… C’était son souhait de me voir dans des films. Elle avait commencé à diriger des courts-métrages à la British Film School. Le tournage avec Sean a eu lieu un an après son décès. J’imagine que mon retour dans des films à beaucoup à voir avec l’ambition de Natasha.

Mais vous auriez pu sombrer après ce drame?
Quand vous perdez un être cher, vous ressentez une envie très forte de vous repliez sur vous-même. Si je n’avais eu ma femme et mon autre belle-fille, mes amis aussi, je ne sais pas ce qui se serait passé. Ensuite, vous vous demandez le pourquoi de votre présence ici-bas. J’ai perçu comme des signes, des cadeaux que m’envoyait Natasha… Car combien de fois dans une vie recevez-vous un coup de fil de Sean Penn qui vous réclame pour 10 jours de boulot, quel que soit votre emploi du temps? L’anniversaire de la mort de Natasha tombait pendant le tournage. Sean a fait modifier le planning.

Et Steven Spielberg est arrivé avec son «Pont des Espions» et vous voilà avec l’Oscar du meilleur second rôle en poche…
Oui! La statuette, c’est bon pour le marketing. Certains spectateurs peuvent se montrer nerveux de payer une place de cinéma, un Oscar cela peut leur donner confiance! Avec «Le Bon Gros Géant», je suis allé à Cannes pour la première fois, c’est incroyable. Je me souviens de la première fois au j’ai entendu parler de ce festival, quand j’avais été au cinéma voir «Rashomon» de Akira Kurosawa…
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