Un mois avant le début de l’opération Liberté de l’Irak, Colin Powell, alors secrétaire d’État américain, brandit, devant le Conseil de sécurité des Nations unies, une fiole censée contenir de l’anthrax pour prouver la présence d’armes de destruction massive en Irak. Le 20 mars 2003, sans l’aval de l’ONU, les États-Unis de George W. Bush envahissent l’Irak. Près de 150 000 soldats américains pénètrent sur le territoire irakien en passant par le sud du pays et bombardent les grandes villes du Nord, Mossoul et Kirkouk. L’armée américaine rencontre peu de résistance et progresse rapidement vers la capitale, Bagdad, qui tombe le 12 avril. Seule la Garde républicaine irakienne, entraînée et bien équipée, aura pu contenir pour un temps l’offensive américaine. La chute de Bagdad coïncide avec celle du régime de Saddam Hussein, et l’opération américaine est officiellement déclarée terminée le 1er mai 2003. Très vite, les États-Unis sont obligés d’admettre qu’aucune arme de destruction massive n’a été trouvée en Irak et que la rapidité avec laquelle le régime baasiste est tombé ne correspond guère à l’image d’un pays menaçant la sécurité mondiale. Alors que Saddam Hussein, le président déchu, fuit vers le nord du pays, où il sera capturé à la fin de l’année avant d’être jugé puis exécuté, les autorités américaines mettent en place une autorité provisoire de la coalition. L’Irak est occupé par les États-Unis et ses alliés britanniques, australiens et polonais, et dirigé par cette autorité sise à Bagdad, présidée par le diplomate Paul Bremer.
INSURRECTIONS CONTRE L’OCCUPATION AMÉRICAINE
Pendant plus d’un an, la souveraineté est exercée par l’armée américaine. Les forces de sécurité irakiennes, police et armée, sont démantelées. Une décision critiquée par la suite au sein même de l’administration américaine, tout comme l’éviction de tous les cadres du parti Baas, jugés responsables du délitement de l’État irakien. Les Américains jettent les bases d’un modèle politique communautaire pour les nouvelles institutions irakiennes. L’autorité est ensuite transférée à un gouvernement de coalition irakien alors que viennent d’apparaître les premières insurrections contre l’occupation américaine. À Fallouja, des miliciens sunnites, dont la branche irakienne d’Al-Qaida dirigée par Abou Moussab Al-Zarkaoui, commettent plusieurs attentats-suicides contre des positions de l’armée américaine. Côté chiite, la milice religieuse radicale de Moqtada Al-Sadr prend le contrôle du quartier de Sadr City à Bagdad, s’en prenant, elle aussi, aux troupes américaines. Les premières élections libres se déroulent dans un climat de tension entre sunnites et chiites en janvier 2005 et sont remportées par la coalition chiite de l’ayatollah Ali Sistani, la plus haute autorité religieuse chiite du pays. Quelques mois plus tard, le gouvernement irakien de transition prend ses fonctions avec, à sa tête, le chiite Nouri Al-Maliki.
LA GUERRE CIVILE DE 2006-2007
Les États-Unis annoncent un premier retrait d’une partie de leurs troupes pour 2006 alors que les nouvelles forces de sécurité irakiennes, recrutées et entraînées par une mission de l’OTAN, sont encore loin de pouvoir assurer la sécurité du pays. Mais l’année 2006 marque aussi le début de la période la plus violente depuis l’invasion américaine. L’attentat perpétré en février 2006 contre la Mosquée d’or à Samarra, un des mausolées chiites les plus importants, symbolise le début de la guerre civile qui ravage le pays pendant près de deux ans. Trois ans après la chute du régime de Saddam Hussein, les attentats sont alors quotidiens et causent la mort de milliers de civils – 112 000 personnes auraient trouvé la mort dans des attentats depuis 2003. Les djihadistes sunnites menés par Zarkaoui, et les différentes milices chiites s’opposent pour le contrôle des villes principales. Mosquées et quartiers changent de main au rythme des combats sans que l’armée américaine réussisse à rétablir la stabilité.
«ACHETER LA PAIX»
Incapable de ramener la paix, l’état-major américain change alors de stratégie et décide, au début de 2007, d’«acheter la paix». De l’argent est proposé à des milliers d’insurgés en échange de leur soutien. Appelées «Sahwa», ces milices, composées de sunnites à 80 %, vendent leur services à l’armée américaine. Au début de 2008, ce sont plus de 80 000 insurgés qui ont été achetés par les Américains. Le nombre d’attaques baisse ainsi de 60 à 70 %. Parallèlement à cette nouvelle stratégie, le congrès américain approuve l’envoi d’un renfort important en Irak. Au moins 20 000 soldats supplémentaires sont envoyés sur place, portant le contingent américain à
170 000 personnes. L’action des Sahwa, conjuguée aux renforts de troupes, permet une amélioration de la situation. Les Américains parviennent notamment à démanteler la milice chiite de Moqtada Al-Sadr au cours d’une grande offensive à Bassora. L’extrémiste religieux fuit en Iran et le quartier de Sadr City est libéré. C’est la fin de la guerre civile qui a détruit le pays et causé le départ de 2,4 millions d’Irakiens à l’étranger.
RETRAIT TOTAL À LA FIN DE 2011
Dans le courant de 2008, l’armée américaine restitue progressivement l’autorité de chacune des provinces du pays aux forces de sécurité irakiennes avant de se replier dans des bases éloignées des villes. Le 18 décembre 2011, le dernier soldat américain quitte le sol irakien après neuf ans d’occupation. Près de 4 500 soldats sont morts pendant cette période. En choisissant le retrait total des troupes à la fin de 2011, Barack Obama respecte l’accord signé avec Bagdad en 2008. Le coût exorbitant de l’opération, près de 600 milliards de dollars, et le volume des pertes humaines ont obligé le président américain à renoncer à prolonger la présence de ses troupes, ce qui avait été envisagé un temps. Dans un contexte de crise économique et quelques mois avant les élections de 2012, la décision de Barack Obama répond aux exigences de l’opinion publique américaine. La réalité du terrain aurait pu justifier de repousser le départ, jugé prématuré par une partie de la classe politique à l’époque, qui jugeait trop grand le risque d’une prise de pouvoir par les groupes djihadistes. Les républicains, John McCain en tête, reprochent aujourd’hui à Barack Obama de pas avoir su négocier le maintien d’une force résiduelle en Irak, qui aurait empêché l’insurrection actuelle.
LA MONTÉE DE L’INSURRECTION SUNNITE
Le pays est, en effet, loin d’être pacifié, quelques jours après le retrait total des troupes américaines, le gouvernement chiite de Nouri Al-Maliki lance une vague d’arrestations dans les milieux sunnites accusés d’être restés fidèles au baasisme. C’est le début de l’insurrection sunnite. Se disant victime de discrimination de la part du pouvoir chiite, la minorité sunnite reproche au Premier ministre Nouri Al-Maliki ses dérives sectaires et sa violence. C’est dans ce contexte qu’apparaissent diverses milices djihadistes sunnites, liées aux rebelles syriens en lutte contre Bachar Al-Assad, dont l’EIIL (État islamique en Irak et au Levant), à l’origine de l’offensive lancée en janvier 2014 contre le gouvernement irakien. Si la présence américaine en Irak se résume aujourd’hui à quelques centaines de personnes chargées de la sécurité du personnel diplomatique, les États-Unis assurent cependant un soutien logistique considérable. D’après le Pentagone, 11 milliards d’euros d’assistance militaire ont été fournis à l’Irak ces cinq dernières années. Chars, hélicoptères et armes légères ont déjà été livrés dans le cadre de ce soutien logistique et la Maison Blanche a annoncé, jeudi 12 juin, que du matériel supplémentaire serait livré rapidement. Quelques jours avant le retrait des troupes, le 14 décembre 2011, Barack Obama déclarait que les États-Unis laissaient derrière eux un Irak «souverain, stable et autosuffisant». Au vu de la situation actuelle et après avoir reçu un appel à l’aide du Premier ministre irakien, le Président américain a déclaré, jeudi 12 juin, n’exclure aucune option concernant l’Irak. Il s’est donné plusieurs jours pour étudier toutes les options à sa disposition.