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L’AGRO-ÉCONOMISTE ALI DAOUDI, À PROPOS DU DÉVELOPPEMENT DE LA FILIÈRE DES VIANDES : «Le recours à l’importation doit être bien raisonné»

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Le déficit dans la production des viandes rouges et blanches, qui a nécessité le recours à l’importation, doit-il inciter aujourd’hui les pouvoirs publics à la mise en œuvre d’une stratégie pour la relance de la filière, laquelle relève de la sécurité alimentaire ?
Pour répondre à cette question, l’invité de la Radio nationale, agro-économiste, enseignant et chercheur à l’École nationale d’agronomie (ENA), Ali Daoudi, a indiqué d’entrée que « la question de l’approvisionnement régulier du marché national en produits alimentaires, en particulier les produits d’origine animale, est une question importante, notamment durant les périodes sensibles, comme celle du Ramadhan ». Pour l’expert, et afin d’assurer un approvisionnement et des prix accessibles, c’est une équation qui nécessite de faire la part des choses.
« L’arbitrage par rapport à ce type de produit afin d’assurer une disponibilité à des prix accessibles à tous, et préserver donc l’intérêt des consommateurs, et en même temps sauvegarder l’appareil de production, sont, en même temps, deux éléments de l’équation sur lesquels les autorités publiques doivent prendre des décisions d’une manière, je dirais un peu raisonnable…les deux éléments de cette équation sont sensibles », a ajouté l’enseignement universitaire. À cette fin, Ali Daoudi préconise, « d’abord préserver l’appareil de production est un gage de notre souveraineté et sécurité alimentaire à long terme, et en même temps garantit l’accessibilité des produits alimentaires  de large consommation, comme la viande. Comment et dans quel cas recourir à l’importation doit être bien raisonné. Il faut que ça soit inscrit dans une stratégie plus globale de consolidation de notre capacité de production de viande rouge nationale, tout en régulant les moments de crise de cet appareil, par justement l’importation ».

« Nous avons un déficit structurel en aliments de bétails »
Évoquant les obstacles qui freinent la production avicole,  et sur les actions à engager pour préserver l’appareil de production, en direction des éleveurs, le Professeur a noté que « si on devait faire le diagnostic assez rapide qui est déjà partagé par la plupart des professionnels dans la filière viande d’une manière générale, le premier point de fragilité de ces deux filières, c’est essentiellement l’alimentation du bétail. Nous avons un déficit structurel en aliments de bétail. Nous avons tout à faire pour développer ce segment ». Certes, l’agroéconomiste reconnaît qu’« il a une marge de progression », cependant, pour lui, « elle demeure très limitée, dans un pays ou les fourrages naturels sont de plus en plus rares, outre les changements climatiques ». « Nous subissons des sécheresses de plus en plus récurrentes. Depuis des décennies, nous avons recours à l’importation du maïs, l’orge, le soja… etc. », a expliqué l’invité de la Chaîne 3.

« Il faut pousser à l’émergence de filières distinctes de qualité »
Concernant le degré de maîtrise de nos producteurs avicoles,  l’intervenant a expliqué que « nous avons une filière totalement industrialisée et qui est totalement dépendante des facteurs de production importés. Dans cette filière, l’élément de faiblesse le plus important, c’est que nous avons encore une dominance de petits producteurs qui fonctionnent selon un modèle industriel, mais qui ne maîtrisent pas le modèle industriel ». Affirmant que « nous avons l’un des taux de conversion de l’alimentation les plus faibles du bassin méditerranéen », le Professeur a déclaré qu’ « il faut donc pousser à l’émergence de filières distinctes de qualité ».

« Encourager l’émergence de champions nationaux »
À une question de savoir si oui ou non il fallait inciter à l’investissement et les partenariats, notamment avec des pays leaders qui ont réussi dans ces filières, Ali Daoudi a noté qu’« il faut encourager l’émergence de champions nationaux de taille relativement importante, qui s’associent à des partenaires internationaux, pour maîtriser le modèle agro-industriel, afin de pouvoir faire des économies d’échelle et produire du poulet pas cher, ainsi que la conversion des milliers de petits éleveurs qui existent et qui créent de l’emploi et de la dynamique dans les territoires ». Selon le spécialiste, « ceux-là, il faut les accompagner afin qu’ils puissent transformer leur système d’élevage vers des systèmes semi-intensifs et semi-artisanaux. La notion de qualité sera ainsi mise en avant, avec de la traçabilité, avec des prix différents, de sorte à segmenter la filière ». L’intervenant poursuit en appelant à « valoriser le savoir-faire des aviculteurs locaux pour offrir sur le marché une diversité de produits ». Et d’admettre qu’ « il y a une marge de progression, même si nous sommes encore loin des standards internationaux ». « Il y a matière à encourager cette initiative », ajoute-t-il.

« L’État doit assurer la stabilité de l’importation et éviter les restrictions à l’importation »
À propos du soutien que l’État doit apporter aux éleveurs et agriculteurs, l’expert agronome a fait savoir que  « toutes les filières sont en crise, et pour la filière avicole, l’un des éléments que l’Etat pourrait apporter, c’est la stabilité de l’importation, précisément les poussins et l’alimentation». « Pour que les opérateurs gagnent en visibilité et rentabilisent leurs investissements », de l’avis d’Ali Daoudi, « il faut éviter les restrictions à l’importation, pour permettre aux investisseurs d’utiliser toutes leurs capacités de production, car cela va se répercuter sur les prix ». « L’ovin a toujours été considéré comme étant la composante la plus importante de la filière viande en Algérie. Par rapport au nombre de têtes et par rapport à nos habitudes de consommation, et par rapport aux territoires qu’elles occupent », a encore ajouté l’invité de la rédaction.  

« Des statistiques fiables pour développer la filière »
Pour ce qui est du cheptel national, l’expert en économie a déploré que « les chiffres sont complètement différents d’une source à une autre », précisant qu’« il y a effectivement un grand problème de statistiques pour tout le secteur agricole, en particulier la filière viande ». « Ça reste une filière assez informelle où les statistiques sont très peu maîtrisées. On ne peut donc pas développer une filière si nous n’avons pas de statistiques fiables », dira encore l’enseignant à l’ENA. Et d’ajouter, dans le même contexte, que « l’absence de connaissance de ces informations nous oblige à réfléchir sereinement à une stratégie diversifiée qui prend cas par cas les chaînes de valeur qui constituent les filières viandes ». Enfin, Ali Daoudi a insisté sur le fait de devoir « développer la steppe, car elle est surexploitée et en très forte dégradation, depuis maintenant une quarantaine d’années, et cette surcharge constitue un facteur de dégradation.  Cette filière ne survit donc que par l’alimentation du bétail importée ».
Hamid Si Ahmed 

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