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IL PASSE AU CRIBLE HUIT MODÈLES DE TRANSITIONS RÉUSSIES DANS LE MONDE : Le collectif NABNI montre le chemin

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En plein débat sur le report des élections présidentielles du 4 juillet et les appels à la mise en place d’une période de transition pour instaurer une nouvelle République, le think tank algérien NABNI propose des pistes, situe les défis et donne des enseignements pour réussir une bonne transition.

Dans une étude intitulée : «les conditions d’une transition démocratique réussie » publiée dans le cadre du cycle de propositions « les chantiers de la refondation », le collectif NABNI (centre de réflexion en politique et en économie) a exploré les modèles de transitions démocratiques considérées comme réussies, menées durant ces dernières 40 années à travers le monde. Huit modèles de transitions démocratiques réussies (Brésil, Chili, Espagne, Indonésie, Mexique, Philippine, Pologne), définies comme «la troisième vague de démocratisation», ont été passées au crible par NABNI et ce afin de donner «une grille d’analyse structurante et des enseignements sur les écueils à éviter pour gérer pacifiquement le passage de l’autoritarisme à la démocratie». L’expérience de la transition tunisienne n’a pas été prise dans cette étude.

Mieux appréhender le processus de transition
Pour établir sa perception de ces expériences, NABNI s’est interrogé sur un certain nombre de paramètres : « Quelle était la nature du régime autoritaire sortant ? Combien de temps ont duré ces transitions ? Comment ont été conduites les transitions et par qui ? Quel a été l’élément déterminant de chaque transition ? Les transitions ont-elles toutes abouties à la rédaction d’une nouvelle Constitution ?». «Les réponses à ces questions et à bien d’autres, nous ont permis de mieux appréhender la complexité du processus de transition et les défis à relever (…). Nous dressons un certain nombre de constats, tirons des réflexions sur un processus qui n’a pas juste pour finalité de tenir des élections libres et d’organiser l’alternance au pouvoir », commentent les auteurs de l’étude de NABNI. D’après l’analyse menée par NABNI, l’Algérie se trouve actuellement placée dans «une situation de pré-transition». «Une fois sorti de la logique de continuité constitutionnelle imposée par le pouvoir politique en place, notre pays aura à mener sa propre introspection pour se proposer à lui-même un nouveau modèle social et politique», écrivent les auteurs de cette étude, qui attirent aussi l’attention sur le fait que «si chaque cas de transition est différent, cela ne signifie pas que l’on ne peut rien apprendre de chacune des expériences passées ».

Les 3 modèles de la transition
« Il est utile de savoir comment d’autres pays ont géré des situations similaires à la nôtre dans les différentes phases du processus de transition (vide constitutionnel, ex- parti unique toujours en activité, rôle prépondérant de l’armée… etc.)», note-t-il. La confrontation de ces expériences en fonction «des acteurs et de la manière dont elles ont été conduites» fait ressortir trois types de transitions. Les transitions organisées par « le haut » (organisées soit directement de l’intérieur du régime sortant comme pour Brésil, Mexique, Indonésie, soit par instances e transition comme le Chili) ; les transitions «concertées», (organisées de manière pacifiques et ordonnées de concert entre l’opposition démocratique et les réformistes du régime sortant, le cas de la Pologne et l’Espagne), et les transitions nées de soulèvements populaires, (organisées suite à un effondrement du pouvoir en place, l’exemple des Philippines et la Tunisie).
La transition algérienne de 1989 se place dans le deuxième type de fait que « les réformes ont été lancées par le pouvoir sous la pression des émeutes d’octobre 1988 et des mobilisations populaires qui ont suivi », note l’étude de NABNI.
En revanche, «quelle que soit leur typologie, toutes les transitions ont géré un processus de normalisation institutionnelle qui ne tenait pas uniquement à l’organisation d’élections mais allait bien au-delà ». Pourtant, dans les faits, les dirigeants et acteurs de processus de transition se heurtent à quatre grands défis : préparer la transition ; démanteler le «système» et ses pratiques en préservant le fonctionnement de l’État ; concrétiser et gérer le transfert du pouvoir et ancrer et institutionnaliser la démocratie naissante. C’est d’autant plus long et scrupuleux que NABNI propose « 9 enseignements pour gérer ces défis ».

Avancer graduellement
NABNI constate que dans les cas de transitions dites par le haut ou concertées, toutes les forces du changement ont fait preuve de pragmatisme. Elles ont accepté de faire des compromis quand le pouvoir sortant était ouvert au dialogue et donnait des signes forts de changements. Au Brésil par exemple, souligne l’étude de NABNI, l’opposition a composé avec le cadre constitutionnel imposé par le régime sans insister sur son caractère illégitime. Elle s’en est défaite étape par étape au fil des élections et des mobilisations populaires. Dans le cas Algérie, notre pays est «singulier», du fait de passer d’une «guerre de libération particulièrement meurtrière» et aussi le maintien d’un même pouvoir autoritaire depuis l’indépendance avec cette caractéristique qu’ «aucun de ses présidents n’a pu achever normalement son dernier mandat», en arrivant à la décennie noire des années 1990 qui a plongé le pays dans la violence. Concluant que «le changement progressif n’est donc pas forcément inscrit dans l’inconscient collectif des Algériens», NABNI regrette que «le pouvoir s’accroche à la continuité constitutionnelle et ne satisfait pas les revendications du mouvement populaire qui a exprimé son refus catégorique de tenir les élections du 4 juillet ».

Encourager la convergence des forces du changement
Déplorant la faible représentativité des partis de l’opposition face au pouvoir politique et l’absence d’organisations de poids dans la société civile, NABNI considère que les nombreux collectifs de citoyens et coordinations estudiantines créés à la faveur du mouvement du 22 février pourraient « être une alternative aux acteurs traditionnels pour représenter le mouvement populaire et porter ses revendications ».

Engager le dialogue avec le pouvoir en place
Le Hirak a conduit à la démission du président Bouteflika, mais n’a pas mis fin au système. Il ne sera pas toutefois possible d’organiser une transition en faisant l’impasse sur le régime sortant, constate NABNI, qui juge ainsi que « les forces de changement n’ont pas d’autres choix que d’établir un rapport de force favorable pour engager un dialogue constructif et négocier avec toutes les composantes du pouvoir en place » à l’exception des « symboles » de l’ancien régime.

Rédiger ou amender la Constitution
« Les révisions constitutionnelles adoptées sous l’ère Bouteflika ont donné un pouvoir exorbitant au Président sortant. Il est évident que cette Constitution, faite sur mesure, ne répond pas aux aspirations des millions de manifestants sortis dans la rue depuis le mois de février 2019 », note NABNI. Le collectif suggère, à la place, « la refonte de la Constitution pourrait impliquer de revenir à la Constitution de 1996 qui consacre les libertés collectives et individuelles, en l’amendant le cas échéant, ou de réécrire une nouvelle Constitution», insistant que «ces deux options doivent être analysées de manière pragmatique et faire l’objet d’un débat national ».

Gérer la politique économique de transition
Partant de constat de l’état de morosité de notre économie aggravé par le recours à la planche à billet «aux conséquences désastreuses», le collectif NABNI estime que le(s) gouvernement(s) de transition ne pourra(ont) pas se payer le luxe de «gérer les affaires courantes » sur le plan économique compte tenu de l’érosion du pouvoir d’achat des Algériens.
En revanche, à la faveur d’une bonne capacité d’endettement (l’Algérie n’est pas endettée) et de réserves de change suffisantes (18 mois à 24 mois), l’Algérie n’est pas contrainte d’adopter des réformes économiques brutales et très impopulaires.
L’accent devra être mis sur la relance économique à travers des mesures permettant d’améliorer le climat des affaires et de booster l’investissement local et international, analyse NABNI. En outre, le collectif NABNI propose aussi des mesures pour : réformer la justice, garantir un cadre institutionnel ouvert aux partis politiques et aux corps intermédiaires placer les forces armées sous autorité civile, et enfin tenir compte de l’Environnement international.
Hamid Mecheri

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