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Détresse humaine des migrants : la géopolitique à l’index

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Selon les chiffres du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (H-CR), ce sont déjà près de 224 000 réfugiés et migrants arrivés en Europe, via la Méditerranée, entre janvier et juillet de cette année. Les Syriens constituent le groupe le plus important parmi ces arrivants, estimé à 34%, suivis par les Érythréens, avec 12%, les Afghans à hauteur de 11% et les Nigérians à 5% et, enfin, les Somaliens 4%, selon toujours le H-CR/ONU.
Si l’on se réfère aux données avancées par le H-CR, le nombre élevé des réfugiés et migrants clandestins qui empruntent les chemins pour rejoindre l’Eldorado européen, qu’on leur a miroité, proviennent des pays ayant été plongés dans des conflits et des guerres. Les centaines, voire les milliers, de migrants clandestins qui se noient, bien avant d’arriver aux côtes de la rive nord de la Méditerranée, ne sont que des chiffres, dans le traitement des médias, notamment occidentaux, de ce phénomène. Lequel s’est manifesté, s’est développé et continue de s’étendre d’une manière inquiétante et préoccupante, car il s’agit, avant tout, de vies humaines. Même si dans l’histoire, le déplacement, la circulation et notamment les flux migratoires, dans le monde, ont été le moteur par lequel il y a eu rapprochement entre les peuples, ainsi que l’émergence d’économies fortes offrant les premières places de puissance économique à ces pays, il semble que ce n’est plus le cas, dans les temps actuels. Avec les murs qui se sont érigés et ceux à venir, le durcissement des conditions pour parcourir légalement les chemins, de tel ou de tel pays, ou bien pour y vivre, ne serait-ce un laps de temps, pour aller voir encore ailleurs, ne le permettent plus. Sur un autre plan, en l’absence de perspectives de vie socio-économique et culturelle descente et digne, le rêve de vivre cette vie ailleurs est tellement ancré, qu’on choisit de tenter les chemins de la mort pour ce rêve, que l’Eldorado européen n’assure même plus, avec la crise économico-financière qui perdure, dans la partie nord du monde. Depuis le début de l’année en cours, près de 1 750 migrants, hommes, femmes et enfants, ont péri en mer, selon l’Organisation internationale des migrants (OIM), qui précise que c’est 30 fois plus de décès de migrants par rapport à la même période de l’année dernière. Aussi, l’OIM a fait savoir que plus de 20 000 migrants ont déjà débarqué en Italie, depuis le début de l’année en cours, et «que rien ne semble devoir les décourager», indique-t-on. Si, en avril dernier, le Sommet européen s’est réuni hâtivement à la demande de Rome, pour se pencher sur ce phénomène, il n’a rien prévu au terme de ses travaux,  ne serait-ce pour l’amélioration des conditions d’accueil ou la répartition des migrants entre les pays membre de l’UE. Les participants à ce Sommet se sont contentés d’envisager des opérations de destruction des bateaux qui transportent les migrants, notamment à partir de ports d’attache en Libye. Alors que les autorités italiennes ont demandé à l’Europe, cet été, de s’impliquer davantage dans la prise en charge des dizaines de milliers de clandestins, car le pays affirme être dépassé, et que le nombre d’arrivants ne cesse  de croître. En focalisant sur les migrants, qui arrivent sur les côtes italiennes ou ceux qui périssent bien avant, la situation grave sur les îles grecques ne bénéficie pas du même traitement politico-médiatique, alors que ces îles enregistrent un flux important de migrants, car situées à seulement quelques centaines de mètres des côtes turques. À titre d’exemple, l’Île de Kos compte plus de 7 000 migrants, majoritairement issus de Syrie et d’Afghanistan. Immigration créée en grande partie par la politique extérieure de pays européens et leur allié les Etats-Unis, en direction de la Syrie, la Libye et, quelques années auparavant, en Afghanistan et en Irak.

La situation géopolitique accentue l’immigration illégale
Pour l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (Frontex), les Syriens étaient près de 80 000 à migrer vers l’Europe, représentant 20% des demandes d’asile dans l’UE, selon son rapport de l’année dernière. Il est aussi mentionné, dans ce même rapport, qu’en France la population qui a fait le plus de demandes d’asile, en 2014, était la République démocratique du Congo (RDC), et que le flux de migrants clandestins varie considérablement d’une année à l’autre, qu’il s’agisse de la nationalité des migrants ou des chemins qu’empruntent ces derniers. Frontex a répertorié les cas qui franchissent les frontières terrestres et marines de l’espace européen, illégalement. Sur l’ensemble de l’année dernière, les Syriens viennent en tête, selon Frontex, avec plus de 80 000 Syriens, suivis des Érythréens, avec un peu plus de 34 000. Le rapport souligne que le nombre de personnes empruntant le chemin varie selon la situation géopolitique. Dans son rapport de 2008, Frontex indique que la route d’Albanie vers la Grèce était cinq fois plus sollicitée, celle menant vers les Canaries dix fois plus, alors que celle vers les Blakans l’était dix fois moins. À propos des destinations, le rapport de 2014 de Frontex indique que les Syriens étaient les plus nombreux à demander l’asile dans 11 pays européens, dont des pays scandinaves, ceux des Balkans ou la Belgique et Chypre. En France, le nombre de demandes d’asile le plus élevé était celui des Congolais, en 2014, suivis des Russes et des Bangladais. Le même document précise que les réponses positives de la France aux demandes d’asile, étaient pour les Syriens, en priorité, suivis des Russes et des Sri-Lankais, indiquant toutefois que les acceptations données par les autorités françaises concernent les demandes exprimées les années précédentes, soit avant 2014. Si la crise en Syrie, dès son avènement, n’a pas été nourrie sur fond des intérêts géostratégiques de pays occidentaux, dont la France, et, des années avant, la situation difficile des Balkans, ces mouvements de migrants illégaux n’auraient pas causé des victimes, sur les routes de l’immigration, après avoir fui ces conflits armés, et n’auraient pas été à la une de l’actualité politico-médiatique.

Des solutions sécuritaires et des murs s’érigent face aux problèmes humanitaires
La locomotive de l’Europe dans le domaine économique l’est aussi, semble-t-il, dans le domaine de la migration, puisque au sud-est de l’Allemagne, à Bavière, les 5 premiers jours du mois courant, il y a eu augmentation du nombre de réfugiés, atteignant 6 560, soit une moyenne de 1500 migrants par jour. Le pays a accueilli, selon des études, près de 79 000 demandeurs d’asile, principalement de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, en juillet dernier. À la différence de ses partenaires dans l’espace européens, Berlin envisage d’accueillir, à elle seule, 600 000 réfugiés cette année, en réponse à ses besoins, lesquels sont estimés à  500 000 nouveaux migrants chaque année, pour faire face au vieillissement de sa population. Lors du Sommet européen d’avril dernier, tenu à la demande de Rome, le président français, François Hollande, a annoncé que «la France   prendra sa part, en accueillant entre 500 et 700 Syriens».
Ce qui n’est pas fortuit au regard de l’investissement politique de Paris dans la crise syrienne et la guerre qui est menée contre Damas. Aussi, Hollande a choisi de s’adresser à l’ONU pour que le Conseil de sécurité, dont Paris est un des cinq membres permanents, adopte une résolution autorisant les opérations de destruction des bateaux transporteurs des migrants, notamment au Nord de Libye.
Il a déclaré à ce propos, pour rappel, que Paris «va proposer une résolution à l’ONU pour détruire les bateaux des trafiquants» et que «la décision a été prise de présenter toutes les options pour que les navires puissent être appréhendés, annihilés», a déclaré François Hollande, à l’issue du Sommet européen extraordinaire sur le drame des migrants. N’est-il pas plus judicieux de prendre le problème par ses cornes, en permettant l’avènement de la solution politique en Syrie, entre Syriens, et de peser pour éradiquer le soutien politico-diplomatique aux groupes armés, composés d’étrangers, qui sèment le chaos dans ce pays? N’est-ipas plus judicieux de faire profiter d’une manière conséquente et effective les populations de certaines régions, dans des pays africains, des profits colossaux générés par les entreprises françaises et des multinationales dans leur exploitation des richesses naturelles, en Afrique, pour ne citer que l’exemple du Niger? La géopolitique et la géostratégie de pays de l’Eldorado européen, tant miroité par ses responsables politiques, imposent des solutions de nature sécuritaire à des problèmes de détresse humaine. Des murs sont érigés, des mesures de durcissement des conditions d’entrée à l’espace européen, ainsi que des propositions d’opérations de destruction de bateaux sont les réponses à promouvoir pour les réfugiés et les migrants clandestins. La Bulgarie a décidé de prolonger de 130 kilomètres le mur anti-migrants, érigé le long des 275 kilomètres de frontière du pays avec la Turquie, et ayant pour but de stopper l’afflux de réfugiés, principalement syriens.
Les autorités hongroises ont également constitué un mur de près de 175 kilomètres le long de la frontière avec la Serbie pour  protéger l’Europe. Pour freiner le flot de réfugiés qui arrivent du sud-ouest et du sud-est de l’Europe, Bruxelles envisage de pénaliser les pays tiers et candidats, comme la Serbie, où les fervents de l’espace européen envisagent de créer un camp de 400 000 réfugiés, soit l’équivalent de 5% de la population du pays.
Fuyant des conditions de vie déplorables et la guerre, quelque 3 000 migrants clandestins ont été secourus, avant-hier, par les gardes-côtes italiens non loin des côtes libyennes. Mais rares sont les voix qui s’élèvent dans les institutions européennes pour faire rappeler aux acteurs principaux de l’UE que l’effondrement de la Libye, suite à l’intervention de l’Otan dans la crise libyenne, est à l’origine du flux migratoire qui part des côtes libyennes, de la perte de plusieurs milliers d’étrangers, dont des Africains, de leur emploi et de la vie qu’ils menaient dans ce pays.
Karima Bennour

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