Par Ali El Hadj Tahar
Nous entrons dans une ère d’égoïsme, de systèmes qui ne se font pas de cadeaux, et cela se voit même entre pays dits alliés de l’Alliance atlantique et de l’Union européenne. Les Français qui volent des masques destinés à l’Italie, les Turcs qui annulent l’envoi de masques payés et commandés par Rome, les Américains qui détournent une cargaison de masques également destinées à ce pays meurtri, la douane allemande qui confisque des conteneurs médicaux en transit destinés à la Suisse au prétexte que l’approvisionnement national soit prioritaire, les Américains qui essaient de soudoyer un chercheur allemand pour s’approprier le brevet d’un vaccin antiviral… Tandis que l’Équateur, où les morts jonchent les rues, ne reçoit d’aide ni d’Israël qui a applaudit que l’ambassade de ce pays a été transférée à El Qods, ni des États-Unis ou du Canada qui ne volent pas au secours de leur allié.
Le réflexe nationaliste prime même au sein de l’Union européenne, au point où Jacques Delors assène : « Le climat qui semble régner entre les chefs d’État et de gouvernement et le manque de solidarité européenne font courir un danger mortel à l’Union européenne». En s’aggravant, la pandémie met en avant la politique du chacun pour soi afin de montrer aux populations en désarroi qu’on se bat pour elles. Cette absence de solidarité, qui ne peut être nuancée que par quelques exemples isolés, atteste que l’heure est au choix pour chaque pays, s’il ne veut pas subir les foudres de l’histoire.
Des spécialistes prévoient que la crise sanitaire du Covid-19 va perdurer jusqu’à l’été 2021 a minima si suffisamment de vaccins sont produits et peuvent être distribués ou dans le cadre du développement d’une immunité de groupe. L’ONU prévient, quant à elle, que la pandémie menace de pénuries des centaines de millions de personnes dans le monde, majoritairement en Afrique, qui dépendent des importations de denrées alimentaires et des exportations pour les payer. «En général, nous sommes confrontés à un choc d’approvisionnement comme une sécheresse ou un choc de demande comme une récession, mais ici ce sont les deux à la fois», a expliqué Arif Husaïn, économiste en chef du Programme alimentaire mondial (PAM). Chaque année, les échanges de riz, soja, maïs et blé permettent de nourrir 2,8 milliards d’humains, dont 212 millions en situation d’insécurité alimentaire chronique et 95 millions en situation d’insécurité alimentaire grave, selon le PAM. Pour «de nombreux pays pauvres, les conséquences économiques seront plus dévastatrices que la maladie elle-même», prévient cette agence onusienne. « Les mesures de confinement mises en place pour lutter contre le Covid-19 commencent à poser des problèmes à cet égard», s’alarme l’organisme qui précise que les ports d’exportation enregistrent ça et là des perturbations, comme en Argentine, au Brésil et en France où, de son côté, la filière céréalière «est confrontée à des pénuries de main d’œuvre et de camions dans un contexte de demande croissante à l’export et d’achats de panique».
Notre pays dépend en grande partie de l’importation de blé. En ces temps difficiles, le citoyen doit prendre ses responsabilités et savoir que le gaspillage, notamment de pain, de semoule et de farine, coûte des milliards de dollars par décennie. Bénie est la pluie bienfaitrice qui vient d’arroser le pays et il est à espérer que les moissons soient bonnes cet été, tout comme les nouvelles récoltes de fruits et légumes. Nos paysans sont à l’œuvre et l’État veille au grain mais si le matelas financier du pays est suffisant, l’offre internationale risque d’être réduite dès l’été. Dans le domaine agricole comme dans le domaine sanitaire et médical se pose aussi avec urgence la question de l’autosuffisance. Les Algériens doivent prouver que l’autosuffisance au moins dans le domaine de l’agriculture est à leur portée. À toute chose malheur est bon, dit-on. Beaucoup d’Algériens sont en train de prouver leur ingéniosité et leur créativité en ces temps difficiles. Si nous ne pouvons pas tous être créatifs, faisons au moins preuve de civisme et de bon sens.
A. E. T.