Quelques jours seulement après le verdict rendu, mercredi dernier, par le tribunal administratif de Bir-Mourad-Raïs, dans l’affaire “El-Khabar”, où le juge, rappelons-le, a décidé d’annuler la transaction commerciale inhérente au rachat du Groupe de presse par Ness Prod (filiale de Cevital), la justice s’est, hier, statuée sur l’affaire des studios «bris de scellé» liée au même Groupe.
Ainsi, le juge du tribunal correctionnel de Sidi-M’hamed a condamné Mounia Nedjaï, directrice principale au ministère de la Culture, à une année de prison avec sursis. Le directeur de KBC, Mehdi Benaïssa, et le directeur de production de la même Chaîne, Ryad Hartouf, ont écopé de six mois de prison avec sursis. Le procureur de la République avait requis deux années de prison avec sursis. Placés sous mandat de dépôt le 24 juin dernier, ces trois condamnés vont retrouver leur liberté, cependant les avocats de la défense comptent faire appel pour obtenir carrément la relaxe. Car, ils estiment qu’il n’y a aucune raison, ni infraction, qui mérite une privation de liberté. En sus, les trois mis en cause ont été condamnés à une amende de 50 000 DA avec leur libération immédiate, sauf implication dans d’autres affaires. Le verdict a vite plongé la salle dans une ambiance festive, ou des youyous et des cris de joie ont éclaté.
L’affaire KBC, qui a provoqué un tollé dans le milieu médiatique et culturel durant le mois de carême, termine «positivement», en attente de la libération des détenus. Ainsi, selon une des avocates de la défense, qui s’exprimait hier après l’annonce du verdict, «malgré leur libération, le verdict n’est pas satisfaisant, le jugement était injuste, la mobilisation doit être renforcée et inscrite dans la durée contre l’arbitraire, pour exiger leur acquittement pur et simple et l’arrêt des intimidations et poursuites judiciaires».
En d’autres termes, la défense réclame toujours l’acquittement de ses clients.
Selon Me Fetta Sadat, avocate de la défense d’El-Khabar, «même si le jugement s’est avéré clément par rapport à ce qu’on attendait, nous envisageons de faire appel pour continuer à plaider leur innocence».
Notons que le procès a débuté dans la matinée au tribunal de Sidi-M’hamed par l’audition des accusés.
Il s’agit du directeur de la chaîne KBC, Mehdi Benaïssa, poursuivi pour «fausses déclarations pour l’obtention d’une autorisation», du directeur de production à la même Chaîne, Ryad Hartouf, accusé de «fausses déclarations» notamment, la sous-directrice par intérim au ministère de la Culture, Nora Nedjai, accusée d’«abus de fonction et délivrance d’un document à un individu n’ayant pas droit». Au début du procès, la défense des trois accusés placés en détention préventive a plaidé «la libération des détenus et l’annulation des poursuites judiciaires contre eux». Pour rappel, la Cour d’Alger avait refusé, la semaine dernière, la demande de liberté provisoire des accusés, placés sous mandat de dépôt depuis le 24 juin dernier.
La justice, qui a ouvert une enquête sur les conditions d’obtention des autorisations pour le tournage de deux émissions satiriques «Ness Stah» et «Kihna Kinass», leur reprochait d’avoir enregistré ces émissions dans un studio mis sous scellés, dans le sillage de la fermeture de la chaîne Atlas TV en 2014. Ces poursuites judiciaires avaient provoqué de vives critiques de la part des ONGs des droits de l’homme, et suscité la mobilisation de journalistes, d’artistes et de la société civile. Ayant intervenu, au moment même où le groupe “El-Khabar” s’est vu contesté son rachat par Ness Prod, filiale du conglomérat Cevital de l’entrepreneur Issad Rebrab, l’affaire a été suivie d’une grande polémique. Dans leurs plaidoiries, les avocats de la défense ont lié l’affaire avec celle de rachat du groupe “El-Khabar” par Ness Prod. Pour eux, l’affaire a été «fabriquée». De surcroît, ces derniers sont allés jusqu’à affirmer que l’affaire n’est guère liée aux studios scellés, mais plutôt une affaire de contenu. En effet, celui-ci «dérangeait» certaines parties, selon la même défense. Dans les mêmes plaidoiries, ils se sont interrogés sur les raisons ayant conduit à ce que la Gendarmerie nationale s’en occupe de l’enquête préliminaire ; or, aucune plainte n’a été déposée au préalable. À ces arguments se rajoutent l’inexistence d’une partie civile. Une des avocates s’est d’ailleurs dite outrée par le fait que la partie civile «brille» par son «absence».
Lamia Boufassa