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Adapter le Ramadhan à la crise sanitaire du Covid-19

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Par Ali El Hadj Tahar

Le confinement étant prolongé même si des commerces sont autorisés à ouvrir, le mois de Ramadhan de l’année 2020 commence dans un cadre totalement différent des tous ceux qui ont précédé. Sans les traditionnels rassemblements familiaux pour la majorité, et sans prières dans les mosquées ni tarawih pour certains, le Ramadhan de l’an 2020 est synonyme de morosité pour certains. Plus de brassages de populations, plus de bains de foules comme à l’accoutumée dans les souks, plus de frottements devant les vendeurs de zalabia et autres qalb-ellouz, ni de va-et-vient au marché pour acheter tantôt une botte de coriandre ou la baguette à peine sortie du four du boulanger devant lequel on a passé une heure à attendre, collés les uns aux autres, pestant puis s’excusant quand le ton monte…
Les mosquées, quant à elles, demeurent portes closes, tandis que le ftour, le repas vespéral de rupture du jeûne, un moment habituellement convivial voire festif, se déroule dans l’intimité de la famille restreinte pour la majorité des gens qui préfèrent cette privation au risque de contagion. Les prières journalières étant accomplies à la maison, pour certains en famille, les imams demandent de profiter de l’occasion pour édifier spirituellement leurs enfants et faire en sorte que ce Ramadhan soit pour tous un mois de piété, de charité et de frugalité. En effet, si le jeûne en soi a d’innombrables vertus pour la santé et pour l’esprit, le Ramadhan ne se limite pas à cela, car c’est aussi une spiritualité inséparable des valeurs de charité et de bonté. En Islam, le jeûne est d’abord conçu comme un effort spirituel, une lutte contre la tentation des plaisirs terrestres aux fins d’être solidaire avec les démunis, mais aussi de ne pas tomber dans l’excès et la surconsommation comme c’est le cas aujourd’hui, puisque durant le Ramadhan les Algériens dépensent environ 60% du revenu du ménage à l’alimentation au lieu des 42% durant les autres périodes, selon l’Association nationale des commerçants et artisans algériens (Anca).
La rupture du jeûne en famille ou avec des proches est une activité sociale à part entière, tout comme les tarawih, pour certains. Ces prières surérogatoires, c’est-à-dire non obligatoires, sont une quête d’ascèse et de purification mais elles ne sont pas le seul moyen offert au fidèle pour se rapprocher du divin. Se montrer généreux avec les plus démunis, multiplier les prières et les actes de piété sont aussi des obligations. En temps normal, les tarawih sont depuis longtemps effectuées en groupe, mais à l’origine elles étaient accomplies individuellement à la maison. L’imam Azzedine Gaci, recteur de la mosquée de Villeurbanne, France, rappelle que même en dehors du Covid-19, on peut le faire en groupe ou individuellement. « À l’origine, ces prières surérogatoires étaient accomplies individuellement à l’époque du Prophète », précise-t-il. « D’ailleurs, ajoute-t-il, dans certaines écoles de droit musulman et notamment l’école malékite, il est recommandé de faire les tarawih chez soi, avec sa famille. Finalement, le confinement va redonner aux tarawih du mois de Ramadhan leur vrai statut, à savoir des prières surérogatoires, très méritoires et qui devraient s’effectuer seul ou en famille, à la maison. »
Ainsi donc, l’islam n’est pas un dogme figé, et même quand il est confronté à des situations exceptionnelles il trouve dans l’ijtihad — effort de réflexion théologique — des réponses adaptées à la nécessité. Il trouve même dans son histoire des réponses qui confortent celle-ci. Ce confinement vient apprendre au musulman qu’en Islam, la spiritualité est un tout et que la théologie qui la régule n’est pas figée mais vivante, elle aussi. En tout cas, cette pandémie vient mettre la religion de près de deux milliards d’humains à l’épreuve de la modernité et de la science. Et il semble que les musulmans sont réceptifs aux adaptations et aux changements, contrairement aux préjugés arguant le contraire.
A. E. T.

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