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Smaïl Lalmas, président de l’ACE : «Les solutions conjoncturelles ne peuvent donner satisfaction aux problèmes»

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Le Courrier d’Algérie : Les changements fréquents, survenus ces dernières années à la tête du ministère du Commerce, inquiètent de plus en plus les professionnels qui craignent, surtout, des changements de stratégies, donc encore du temps perdu. En tant que représentant des exportateurs, la mission qui a été confiée au ministère du Commerce concerne d’assainir et rationaliser notre politique en matière de commerce extérieur. D’abord, comment, à votre avis, doit se faire cet assainissement ?
Smail Lalmas : En me basant sur ce qui a été rapporté par la presse, une enquête a été lancée récemment par le ministère du Commerce, afin d’assainir l’activité import, qui compte plus de 40 000 opérateurs, à travers la mise en place d’un fichier national des importateurs, pour surtout savoir «qui importe quoi ?», Une question qui, très souvent, n’a pas de réponse, étant donné l’absence de l’État dans le suivi et la gestion de cette activité et parfois, il faut le dire, la complicité de l’administration (ministères, banques, Douanes, Impôts, CNRC, ports…) a compliqué les choses.
Des mesures purement techniques doivent être actionnées au niveau des différentes administrations pour une plus grande traçabilité des opérations d’importation, un contrôle affiné, par exemple, des dossiers de domiciliation bancaire, un meilleur contrôle au niveau des ports avec l’obligation faite à l’importateur de venir personnellement récupérer sa marchandise, cela pourrait éventuellement régler une bonne partie du problème des faux/vrais registres du commerce.
Donc, à mon avis, il faut bien identifier les acteurs de cette activité, mais aussi et, surtout, penser sérieusement à assainir l’administration de la corruption et autres fléaux, sinon, tout ce travail serait inutile.

Les licences d’importation, est-ce une bonne stratégie pour réduire la facture des importations ?
Il faut se rappeler que, par le passé, des mesures administratives comme l’assainissement du fichier des entreprises d’import, le relèvement du seuil du capital social pour les sociétés importatrices, dans le but de réduire leur nombre qui reste très important, ainsi que d’autres mesures testées qui n’ont pas obtenu les résultats escomptés, une nouveauté qui, à vrai dire, existait auparavant, c’est l’obligation pour l’importateur d’avoir une licence d’importation pour pouvoir exercer son activité.
Le retour aux licences d’importation classiques a suscité tant au niveau des opérateurs locaux qu’étrangers des signes d’inquiétude et donc du retour à l’économie administrée des années passées. Les licences d’importation étaient en vigueur avant la libéralisation du commerce extérieur.
Elles étaient attribuées dans des conditions pas du tout transparentes, et avaient permis à certains importateurs privilégiés de se retrouver en situation de monopole et de faire fortune.
Tout le monde s’accorde à dire qu’il est nécessaire de réduire la facture de nos importations, mais il faudrait, à mon avis, éclater cette facture, qui doit faire l’objet d’une analyse poste par poste, et décider des mesures à adopter, par secteur, filière, sans oublier de prendre en considération la protection de la production nationale qui doit occuper une place importante dans ce nouveau paysage réglementaire qui se dessine, et surtout ne pas faire les choses, encore une fois, dans la précipitation.
Ce qui est certain, c’est qu’il est temps d’organiser le secteur du commerce extérieur, mais les mesures restrictives ont prouvé leurs limites par le passé, il serait judicieux de penser à des actions de sensibilisation, de concertation avec nos opérateurs importateurs, et de mettre en place une politique incitative à l’investissement productif pour les locaux, et des signaux forts en direction de l’international, pour attirer les investisseurs étrangers, sachant que l’Algérie dispose de richesses naturelles importantes, en particulier énergétiques, d’un marché de taille significative, d’un environnement macroéconomique sain, d’une position géographique enviable et d’une main-d’œuvre abondante pour devenir une destination de choix pour les IDE.

Est-ce que ces licences ne vont pas profiter aux gros importateurs au détriment des petits?
Vous savez, très souvent, les États interviennent dans le commerce extérieur au moyen d’instruments de protection “directs” ou “indirects”, pour réguler et contrôler la facture des importations, dans le but, assez souvent, de protéger la production locale, ou diminuer le déficit commercial, ou bien les deux ensemble.
Mais le succès de cette nouvelle démarche, souhaitée par le gouvernement algérien, repose sur des paramètres de neutralité et d’impartialité et sur une administration juste et équitable. Nous connaissons tous le mal qui ronge l’Algérie et notamment son administration, je parle de la corruption, pots-de-vin, malversations… Comment réussir, dans ce cas-là, pareil projet qui repose essentiellement sur des critères, qui, de nos jours, font défaut.
Donc, je pense honnêtement que ce sont encore une fois les gros poissons qui en profiteront, comme par le passé, lors de l’instauration de cette même licence d’importation.

Certains estiment que le gouvernement se contente de prendre des mesures à court terme, pour faire face à la crise et pour réduire les importations. Êtes-vous de cet avis?
Nous avions déjà évoqué, dans nos différentes interventions, que les solutions ou actions conjoncturelles ne peuvent donner satisfaction aux problèmes qui sont très souvent structurels et d’ordre stratégique, accentués par la mise à l’écart de compétences.
On n’a pas besoin d’être spécialiste pour répondre à cette question. Au lieu de réfléchir sur la manière avec laquelle nous devons boucher tous les trous de la jarre en même temps, nous avons choisi la manière la plus facile, celle qui consiste à boucher les trous un à un, et chacun à sa manière. Voilà comment nous nous comportons face à la crise qui frappe notre pays.
C’est ainsi que l’économie algérienne, si elle existe, ressemble à une sorte de cacophonie informelle qui échappe totalement à tout contrôle.
L’économie algérienne a besoin d’être organisée, structurée, je dirai même qu’elle a besoin d’être créée, en clair, ce n’est pas avec du bricolage et donc avec des bricoleurs que l’Algérie résistera et fera face à la crise.
Entretien réalisé par I. B.

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