Des forces progouvernementales yéménites, appuyées par les Emiratis et les Saoudiens, sont massées mercredi, autour de la ville de Hodeida (ouest), laissant présager l’imminence d’un assaut sur ce port stratégique dans le but d’en évincer les rebelles Houthis.
«Les forces de la résistance yéménite ont accru leur préparation pour la bataille en vue de libérer Hodeida de l’emprise des miliciens Houthis», a indiqué l’agence officielle émiratie WAM, tandis que des chaînes de télévision du Golfe ont évoqué le début d’une offensive, sans autres précisions. L’agence WAM a cité une source militaire yéménite affirmant que d’importants contingents des forces anti-rebelles «ont atteint les banlieues de la ville de Hodeida» et que des systèmes d’armes sophistiqués étaient en train d’être acheminés. La chaîne de télévision Al-Massirah, contrôlée par les rebelles, a fait état de raids aériens en matinée «sur des fermes» près de la ville de Hodeida, qui compte quelque
600 000 habitants. Son grand port, sur la mer Rouge, enjeu stratégique d’une guerre qui dure depuis plus de trois ans, est le point d’entrée d’une bonne partie des importations et de l’aide humanitaire internationale destinée à une population yéménite exsangue. «Tous les moyens pacifiques et politiques pour écarter les miliciens Houthis du port de Hodeida ont été épuisés», a déclaré mardi soir le gouvernement yéménite. «La libération du port représente le début de la chute des Houthis», a-t-il ajouté dans un communiqué, sans donner la moindre précision sur les opérations. L’ambassadeur saoudien à Washington, Khaled ben Salmane, un des fils du roi, s’est félicité sur Twitter de l’offensive imminente sur Hodeida. «La libération de Hodeida est critique à la lumière de la menace croissante que les miliciens Houthis, soutenus par l’Iran, font peser sur la sécurité maritime en mer Rouge, par où passent environ 15% du commerce international», a-t-il dit. «La libération de Hodeida améliorera» cette sécurité, a-t-il assuré.
«Hodeida en otage»
Les Emirats arabes unis, qui apportent un soutien essentiel au sol à des forces yéménites hétéroclites, avaient donné jusqu’à mardi soir à l’ONU pour trouver une solution et contraindre les Houthis à abandonner le contrôle de Hodeida sans combattre. Alors que cet ultimatum expirait, Anwar Gargash, ministre d’État émirati aux Affaires étrangères, a publié une série de tweets tard mardi soir affirmant que les Houthis ne pouvaient plus «tenir Hodeida en otage pour financer leur guerre» et «détourner» l’aide humanitaire internationale. Il avait une nouvelle fois demandé à «la communauté internationale de faire pression sur les Houthis pour évacuer Hodeida et laisser le port intact». «La libération de la ville et du port créera une nouvelle réalité et amènera les Houthis aux négociations», a-t-il assuré en promettant que «les Emirats arabes unis et la coalition continueront à accélérer le flot d’aide humanitaire à tous les Yéménites». Mardi soir, l’homme fort des Emirats, Mohammed ben Zayed Al-Nahyane, a reçu à Abou Dhabi le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, alors que les relations entre les autorités émiraties et ce chef d’Etat qui vit en exil à Ryad se sont nettement détériorées en début d’année.
«Protection des populations»
Mohammed ben Zayed et M. Hadi «ont discuté des moyens d’améliorer les relations bilatérales, ainsi que des développements actuels au Yémen», a indiqué l’agence WAM. Plus tôt, le président français Emmanuel Macron avait appelé les «parties prenantes» dans le conflit au Yémen à la «retenue» et à la «protection des populations civiles», lors d’un entretien téléphonique avec Mohammed ben Zayed. Cet entretien s’est déroulé, notamment «dans la perspective de l’organisation à Paris fin juin d?une conférence humanitaire» sur le Yémen, a ajouté l’Elysée. À la lumière des évènements à Hodeida, une coalition de 14 ONG a demandé mercredi à M. Macron de «reconsidérer le projet de conférence humanitaire sur le Yémen, co-présidée par l’Arabie saoudite». Henrietta Fore, directrice générale de l’Unicef, s’est déclarée «profondément inquiète» et a appelé à la protection des quelque 300 000 enfants qui vivent à Hodeida et dans les environs. L’ONU avait retiré son personnel international de Hodeida lundi et, mardi, la représentante de l’Unicef au Yémen, Meritxell Relano, avait indiqué que son agence avait «prépositionné» dans la ville plus de 20 000 trousses d’hygiène. «Nous espérons ne pas avoir à utiliser» les 40 000 autres trousseaux en cours de préparation, avait-elle ajouté. Les forces anti-rebelles n’ont remporté aucune victoire militaire majeure depuis la reprise de cinq provinces du sud et de la ville d’Aden à l’été 2015 grâce à l’intervention d’une coalition commandée par l’Arabie saoudite. Les rebelles Houthis, originaires du nord du pays, contrôlent par ailleurs toujours la capitale Sanaa. Depuis 2015, la guerre au Yémen a fait près de 10 000 morts, plus de 55 000 blessés et provoqué «la pire crise humanitaire du monde», selon l’ONU.