La Russie, l’Ukraine, la France et l’Allemagne ont appelé au respect du cessez-le-feu et au retrait des armes lourdes dans l’est de l’Ukraine, à l’issue d’une réunion à Paris qui n’a pas permis de véritable percée, selon Kiev, tandis que John Kerry a accusé Moscou de «mentir droit dans les yeux». Moscou «mène le plus manifeste et le plus important exercice de propagande depuis le plus fort de la Guerre froide», a jugé le secrétaire d’Etat américain devant une commission du Sénat, ajoutant que les dirigeants russes «mentaient droit dans les yeux à propos de ce qu’ils font là-bas» en Ukraine. Quant au Premier ministre britannique David Cameron, il a évoqué l’idée d’exclure la Russie du système de paiement interbancaire Swift si Moscou continuait à «démanteler» l’Ukraine. Il a, d’autre part, annoncé l’envoi d’instructeurs militaires pour conseiller et entraîner les troupes ukrainiennes. Mardi à Paris, dans une déclaration commune à l’issue de trois heures de discussions au Quai d’Orsay, les ministres des Affaires étrangères ukrainien, russe, allemand et français ont «appelé à la mise en œuvre stricte de toutes les dispositions des accords de Minsk, à commencer par un total cessez-le-feu et un retrait complet des armes lourdes». Cette réunion de «suivi» est intervenue 12 jours après la signature des accords de Minsk censés mettre un terme à 10 mois de conflit entre rebelles pro-russes et forces loyalistes dans l’est de l’Ukraine. Mais si le chef de la diplomatie russe, Serguei Lavrov, a fait état de «négociations très utiles», son homologue ukrainien Pavlo Klimkine a déploré qu’il n’y ait «pas vraiment eu de percée» politique. Il a aussi regretté que l’offensive la semaine dernière, des séparatistes dans la ville stratégique de Debaltseve n’ait pas été condamnée et a réitéré son «extrême inquiétude» concernant la situation à Marioupol. Le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a, lui aussi, mis en garde contre une offensive des rebelles prorusses contre le port ukrainien. S’il y avait «une attaque contre Marioupol, ça changerait évidemment complètement la base (des accords) de Minsk», a-t-il dit. En Ukraine, beaucoup craignent que Marioupol, sur les bords de la mer d’Azov, ne soit, après Debaltseve, la prochaine cible des séparatistes.
Près de 6.000 morts en 10 mois
Kiev et les Occidentaux accusent la Russie de soutenir les séparatistes en leur fournissant armes et troupes. Moscou nie toute implication dans ce conflit qui a fait presque 5.800 morts en 10 mois. Kiev et les rebelles ont signé le 12 février les accords de paix de Minsk 2 à l’issue de négociations marathon sous la médiation du président français François Hollande et de la chancelière allemande Angela Merkel, et avec la participation du chef de l’Etat russe Vladimir Poutine.
Au terme de ces accords, un nouveau cessez-le-feu a été instauré le 15 février, mais il a été battu en brèche à plusieurs reprises. L’armée ukrainienne a fait état mardi d’un soldat tué et de sept autres blessés ces dernières 24 heures. «Le pays a désespérément besoin d’un cessez-le-feu. Des milliers de personnes sont mortes, des millions ont été déplacés. Nous avons besoin d’apporter la paix dans cette partie de l’Ukraine», a commenté à Londres la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini. Les quatre ministres des Affaires étrangères réunis à Paris ont demandé le «renforcement» de la mission d’observation de l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) et «l’extension de son mandat avec des personnels, de l’équipement, et des financements supplémentaires». Cette mission, déjà déployée sur place, est chargée de vérifier le respect du cessez-le-feu et le retrait des armes lourdes. Mais les quelque 500 observateurs sur le terrain n’ont pas accès aux zones les plus contestées, selon une source diplomatique française.
Violation continues du cessez-le-feu
Malgré un calme relatif sur l’ensemble de la ligne de front, les rebelles ont effectué à neuf reprises «des tirs de char, mortier et d’armes légères» sur les positions ukrainiennes à Chyrokine, à une quinzaine de km de Marioupol, a indiqué un porte-parole militaire Andriï Lyssenko. Kiev a également fait état d’un affrontement la veille entre un groupe d’infiltrés séparatistes et des policiers ukrainiens à Marioupol, qui a fait deux morts de chaque côté. A la base rebelle Parous, tout près de Chyrokine, où des tirs de mortiers étaient audibles mardi selon des journalistes de l’AFP, le responsable rebelle local, Igor Mavrine, a confirmé que des «combats quotidiens» avaient lieu depuis le 13 février. Il a fait état de trois morts dans ses rangs la veille.
La «Novorossia (nom donné par les rebelles à la zone qu’ils souhaitent occuper dans l’Est de l’Ukraine, ndlr) a besoin de Marioupol», a dit M. Mavrine. Vladimir Poutine a déclaré lundi ne pas croire à un «scénario d’apocalypse» pour l’Ukraine. «Personne n’a besoin d’un conflit, a fortiori armé, à la périphérie de l’Europe», a-t-il déclaré. Mais pour Mme Mogherini: «Poutine a tort quand il dit qu’il est peu probable d’avoir un conflit là-bas. Le conflit est déjà en cours et nous devons trouver les moyens pour l’arrêter».