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Le président de l’Association des oulémas musulmans algériens, Abderrezak Guessoum, au «Forum du Courrier d’Algérie» : «Des parties en Algérie et à l’étranger travaillent à alimenter les divergences religieuses !»

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Président de l’Association des oulémas musulmans algériens, le Dr Abderrezak Guessoum est au centre de plusieurs débats d’ordre religieux, dogmatique et éducatif. Sa polémique avec l’imam salafiste «madkhali », Mohamed Ali Ferkous, a été largement médiatisée, tout comme son opposition à certaines réformes de Mme Benghabrit concernant l’École algérienne.
Avec le mois sacré de Ramadhan, les débats religieux entre le ministre des Affaires religieuses et des Waqfs, Mohamed Aïssa, et Loth Bonatiro, concernant divers aspects de la vie religieuse, il était de l’ordre des choses de donner la parole à une des références de l’Islam modéré, et c’est dans ce souci de voir plus clair que le nom du Dr Abderrezak Guessoum a été ressorti.
Après une brève introduction, durant laquelle le Dr Guessoum a insisté sur le rôle de la presse à participer à l’effort national pour remettre en avant les références doctrinales traditionnelles et à répandre les valeurs du juste milieu religieux, sur celui de l’Association de Ben Badis à jouer les modérateurs dans des polémiques religieuses qui peuvent facilement dériver, ainsi que sur l’importance de revenir à cet esprit badissien fait de retenue et d’apaisement. Il a notamment mis en exergue les différences qui caractérisent les valeurs humaines de Ben Badis, cet homme, qui, en son temps, avait encouragé l’éducation des filles, la gratuité de l’école primaire, qui a participé à la création de l’équipe de football de Constantine et qui a été un fervent admirateur du théâtre.

Un salafisme réducteur de l’islam
Concernant ses divergences avec Ferkous, qui passe pour être le maître à penser du wahhabisme madkhali en Algérie, Guessoum affirme que ce n’est pas tant le personnage qui le dérange, et qu’il qualifie de savant et de probe, mais ses dérives sémantiques et idéologiques qui font qu’il fait sortir du cercle de la sunna tous les courants qui ne sont pas wahhabites. Ainsi, l’anathème religieux est jeté sur les Frères musulmans, les zaouïas, les malékites, les partis islamistes, etc…
Pour Guessoum, « il n’y a pas de bien à tirer des polémiques religieuses qui ne font que renforcer les ressentiments et les animosités», mais il se trouve «porté à «défendre les valeurs de l’Islam contre ce type de dérives». Et de préciser : «Nous avons invité Ferkous de venir chez nous à l’Association des oulémas remettre sur rails le badissisme qu’il aime et dont il dit que nous ne sommes pas les dignes représentants. L’invitation est toujours ouverte, à lui de venir et convaincre de la véracité de ces points de vue. L’Islam réprouve l’exagération dans la religion, car cela crée toujours des extrêmes».
Au final, Guessoum réprimande l’exclusivisme scientifique de Ferkous et l’invite à une vision d’ensemble sur l’Islam, de ne pas être réducteur et de ne pas céder à la tentation des particularismes religieux dont se dote volontiers l’Islam version « madakhila ». « Vous pouvez observez la rigueur de ce type d’imams madkhalis s’exercer sur des détails, mais vous n’entendrez pas un seul mot sur des évènements politiques comme la Palestine », dit-il, en engageant la réflexion des auditeurs.

Définir les références doctrinales de l’Algérie
La surmultiplication des exégètes de l’Islam est une des sources de divergences les plus puissantes et les plus dangereuses aussi, en ce sens qu’elle met en péril les référents doctrinaux algériens traditionnels, à savoir l’école malékite et les valeurs de pondération observées dans cette école depuis des siècles.
Dans ce contexte, il devient urgent pour Guessoum d’instituer un « Conseil de la fetwa ». Il insiste sur le Conseil : «Ce n’est pas d’un mufti que l’Algérie a besoin, car il ne sera jamais assez loin des tentations politiques ou autres, mais d’un Conseil scientifique de muftis; ce Conseil aura à se prononcer sur plusieurs sujets d’ordre politique, éducatif, culturel, économique, social et religieux, de ce fait, le champ d’intervention dépassera de loin les missions et les potentialités d’un seul homme ».
Concernant sa longue résistance aux réformes de Benghabrit, il dit ne nourrir aucune animosité envers la ministre de l’Éducation : «Notre rôle est de défendre l’Islam, de corriger des erreurs, non de s’attaquer à des personnes ; de ce point de vue, quand on a envoyé des correspondances à Mme la ministre sur plusieurs points de divergences sur ses réformes, nous avions procédé par esprit scientifique. Nous lui avons fait des relevés d’erreurs aussi bien de forme, linguistiques et autre, que de fond ; nous n’avons pas reçu de réponse, mais nous persistons dans notre travail de veille sur les constantes de la Nation ».

Le péril des divergences
Concernant les divergences de fond qui agitent l’islam en Algérie, malgré tous les efforts consentis par le ministère des Affaires religieuses de garder les yeux ouverts sur les mosquées, la provenance des fetwas et les sources dogmatiques,
Guessoum n’exclut pas que des « parties en Algérie et à l’étranger, que la cohésion religieuse et sociale dérange au plus haut degré, travaillent à élargir le fossé des divergences et à planter le décor de la discorde et de la désunion ».
Le Dr Guessoum affirme, enfin, que l’Association de Ben Badis a toujours été nationaliste et travaille à promouvoir les valeurs humanitaires, civilisationnelles et de paix dans le pays : «Donnez-moi un seul événement ou un seul propos qui contredit ces positions du juste milieu religieux… ».
Concernant les fetwas « à la mode» chez certains prédicateurs, et encouragés par des téléprédicateurs, Guessoum dit réprouver le côté «populiste » de la chose, car il est toujours de mauvaise facture de «faire descendre le débat scientifique au niveau de la plèbe, ni d’intégrer celle-ci à des polémiques qui ne font qu’alimenter ses rancœurs ». Pour Guessoum, le débat religieux élevé doit rester dans le cercle réduit des oulémas, car le citoyen moyen a besoin uniquement de rudiments pour connaitre sa religion, et n’a pas besoin qu’on le jette, désarmé, dans des joutes religieuses qui risquent de lui porter du tort.
F. O.

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