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LE DOSSIER DE SAUVEGARDE DE LA CASBAH D’ALGER EXAMINÉ EN CONSEIL INTERMINISTÉRIEL : Entre satisfaction et appréhensions des habitants

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Depuis bien avant qu’elle soit classée au patrimoine mondial de l’Unesco en 1992, la Casbah d’Alger n’a cessé de faire preuve de volonté pour résister aux aléas du temps, menaçant au quotidien ses capacités à pouvoir encore tenir et dégager l’esprit qui lui est propre.

Non seulement résister pour demeurer debout, mais la Casbah veut pouvoir aussi conserver son esprit, façonné par des générations de ses enfants qui, au fil du temps, ont soufflé la vie dans ses rues, ses douirets,  ses terrasses et sur les différents parcours des escaliers, de cette médina médiévale, construite à l’emplacement de l’ancienne ville romaine Icosium qui, non sans hasard, ses marches mènent vers le ciel comme vers la mer, à leur descente, invitant ses habitants, les passagers et les curieux au rêve.
Accueillant favorablement l’annonce de la tenue, mardi dernier, d’un Conseil interministériel consacré à l’examen du dossier relatif à la sauvegarde de la Casbah d’Alger, en présence des ministres de l’Intérieur, des Finances, de la Culture, de l’Habitat et du Tourisme ainsi que du wali d’Alger, des citoyens, de la Casbah espèrent voir une réelle prise en charge de la question de réfection, de restauration et des programmes tenues ou en voie d’être adoptés pour que la Casbah « soit enfin sauvée des risques multiples qui la menace de disparition » nous confie, avec tristesse, ce grand—père, témoin de la dégradation de la citadelle qui les a vu naître et grandir. Ne cachant pas son scepticisme quant aux annonces faites, notamment sur « les instructions données » par le Premier ministre Abdelaziz Djerad aux différents secteurs pour l’élaboration d’une feuille de route commune pour la traduction d’une stratégie globale visant la sauvegarde de la Casbah d’Alger,  A’mi Nacer ne cache pas ses craintes de voir encore une fois cette volonté affichée des responsables, rester lettre morte, lui qui a vu, depuis la fin des années 80, et notamment durant les 20 dernières années, des promesses et des engagements pris non tenus. « Vous savez, il ne passe pas un hiver sans qu’on assiste à des bâtisses qui s’écroulent, causant souvent des victimes en raison de l’abandon des nombreuses années de travaux de réfection ». « Le temps ne pardonne pas et ses aléas encore moins »nous lance-t-il, déplorant, par la même occasion « la gestion opaque des programmes et des enveloppes financières dégagés par l’État pour la restauration ou des travaux à la Casbah, dont ont fait échos souvent nos journaux». Pour celui qui se rappelle, durant son enfance, jusqu’à sa jeunesse, les moindres détails de ce que fut la vie dans les rues et les maisons de la Casbah, déplore ce qui est advenu, aujourd’hui, des quartiers qui eux aussi se souviennent encore de lui. « Il est inconcevable qu’on pense à restaurer ou réhabiliter la Casbah sans inclure comme une donne essentielle, la relance des activités qui ont longtemps rythmé et donné la vie ici ».Interrompant avec courtoisie notre échange, son ami nous dira que « même si les choses sont difficiles ou paraissent difficiles pour certains pour redorer le blason de notre Casbah, il y a des actions très simples à lancer pour déjà débarrasser les rues et les Tahtahat des débris et ordures qui s’entassent longtemps ». Un autre nous confie que des familles sont en danger à cause des bâtisses menaçant ruine à n’importe quel moment, surtout en hiver » et de nous préciser « je vous parle des bâtisses appartenant à des privés, dont des étrangers », ces derniers « sont aux abonnés absents et ils n’ont jamais déboursé un rond pour faire des travaux, durant des décennies ». « Ces propriétaires ne sont pas inquiétés ou interpellés par les autorités», ils ne s’en préoccupent nullement, poursuit-il, « des risques qu’encourent les locataires, qui nous précise –t-il « vivent ici, pour bon nombre parmi eux bien avant l’indépendance», plaidant en faveur de « la reprise par l’État  de ces maisons et immeubles ».

Les autorités locales ont laissé faire des modifications avec des extensions anarchiques, défigurant l’architecture et le cachet de la Casbah
Étant tout jeune garçon, poursuit-il « il ne passait pas un jour où je ne voyais pas des éboueurs avec des ânes emprunter les rues étroites des quartiers pour le ramassage des ordures » depuis des décennies, ajoute-t-il « je les vois comme celui qui capte avec ses yeux une étoile filante ». Concluant, sur cette question « qu’il suffit pour les autorités locales et la wilaya de reprendre ces méthodes de travail pour régler le problèmes des ordures et des débris abandonnés ici et là, par des citoyens et par les travaux de réfection qui s’éternisent et des bâtisses s’écroulent, en raison des pluies ou des tremblements de terre ». Enchaînant, A’mi Nacer attire notre attention sur l’absence du rôle des autorités de la commune, « à préserver l’originalité des bâtisses, nombreuses ont été déformées par des modifications, par des construction en parpaings, démolition de parties pour des extensions anarchiques, défigurant, l’architecture des maisons et l’esprit même de la Casbah ». Indiquant plus loin, à ce propos, qu’il s’agit surtout de «  personnes envahissantes à l’image de celles qui érigent des bidonvilles ». Si dans les orientations du Premier ministre il a été aussi question de « l’impérative participation des associations de la société civile dans l’approche des objectifs des programmes d’investissements et de l’évaluation de leur réalisation » comme l’indique le communiqué du Conseil interministériel consacré à l’examen du dossier relatif à la sauvegarde de la Casbah d’Alger, pour des habitants qu’on a approchés, « ils sont rares les associations qui ont réellement donné à la Casbah, certaines cherchaient seulement à profiter des enveloppes financières ou des opérations de relogement ». Sur la question du relogement des habitants de la Casbah et ses impacts, au risque d’enlever, voire enterrer l’âme et l’esprit de cette cité chère non seulement aux Algérois, mais aussi aux passagers, aux curieux et aux touristes cherchant ses senteurs, le bruit et les voix de la vie qui se dégagent de ses murs, de ses cafés, de ses magasins et de ses ateliers qui se comptent sur les doigts d’une seule main, nos interlocuteurs ne cachent pas leur crainte de voir la casbah vidée de son sens et de son histoire. Pour A’mi Nacer , « ce sont des générations qui  ont façonné l’histoire de notre Casbah » rappelle-t-il, « la mémoire du vécu individuel et collectif a façonné son histoire, celle notamment pour être la rebelle et un des points et non des moindres du combat libérateur du peuple algérien dans sa révolution contre la colonisation française » nous dit-il avec ferveur. Pour lui, « il ne suffit pas de réhabiliter telle ou telle maison de martyrs ou de leaders de notre révolution, tous les murs et les rues de la Casbah racontent leurs histoires respectives, qui font sa grande histoire et celle du pays » « un patrimoine c’est cela, non ? » nous lance-t-il. Et à son ami de renchérir, «  nous espérons que cette fois-ci les choses vont réellement bouger pour que la Casbah retrouve son cachet et sa splendeur dans la simplicité des gens qui sont toujours attachés à elle ». Nous quittons sur ces mots A’mi Nacer et son ami, et sur la rue qui nous menait vers la Mosquée Ketchawa, des odeurs de chorba parvenaient jusqu’à nous, pour nous faire oublier un laps de temps le froid glacial qui faisait, sans nul doute craindre le pire pour des familles priant que la pluie sera clémente cette nuit, sur des maisons menaçant ruine.
Karima Bennour

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