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Irak : Un «Bella ciao» pour soutenir la «révolution»

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En combinaisons rouges, masques de Dali couvrant leurs visages, ils entonnent un «Bella ciao» revisité: en arabe et avec les codes de la série espagnole «La Casa de Papel», des jeunes du nord de l’Irak font la «révolution» en vidéo. Ils partagent les mêmes maux et revendications que les manifestants à Bagdad ou dans le sud chiite gagné par la contestation.

Mais à Mossoul, un temps «capitale» du groupe Etat islamique (EI) en Irak, les habitants disent craindre de sortir dans les rues pour faire, eux aussi, leur «révolution» à cause de pressions sociales et politiques. C’est en endossant la tenue des braqueurs de la série culte «La Casa de Papel» et en reprenant l’hymne antifaciste de la Seconde guerre mondiale, qu’un groupe de jeunes affiche son soutien au mouvement de contestation qui embrase le reste du pays depuis le 1er octobre. «Bella ciao» est devenu «Blaya Chara» –«pas d’issue» en dialecte irakien–, le «Professeur» de la série Netflix brandit des banderoles «Justice pour les martyrs» et un chanteur blotti sous une couverture entonne: «pas de chauffage, pas un sou en poche». Vue des centaines de milliers de fois malgré le blocus des autorités sur les réseaux sociaux, la vidéo de la petite troupe de Mohammed Bakri a rapidement connu le succès en Irak, où le mouvement inédit de contestation réclame la «chute du régime».
«On a acheté des vêtements d’occasion, on a peint nous-mêmes nos masques et on a tourné dans la rue ou dans nos maisons», raconte à l’AFP ce chanteur et acteur amateur de 26 ans.

«De tout coeur avec eux»
Acteur à la scène et instituteur bouclant difficilement les fins de mois à la ville, lui, comme les 13 autres membres de sa troupe montée en 2016, ne rêve que d’une chose: défiler avec Bagdad et le sud. Mais à Mossoul, «on ne peut pas manifester», confie ce père de deux enfants à la petite barbe taillée de près. Dans le nord et l’ouest du pays, majoritairement sunnites et repris il y a presque deux ans à l’EI, les habitants disent que s’ils descendaient dans les rues, la répression chez eux serait bien pire. Les protestataires sont en effet souvent accusés par leurs détracteurs d’être des jihadistes ou des partisans du dictateur déchu Saddam Hussein, un sunnite originaire d’une région au nord de Bagdad. Des allégations que personne ne prend à la légère alors que les autorités ont annoncé que les «saboteurs» qui infiltrent selon elles les manifestations seraient jugés sous le coup de la loi antiterroriste, qui prévoit au pire la mort, au mieux la perpétuité. «Mais avec notre art, on soutient (le mouvement) à notre façon, et je pense que comme ça, on parle aux noms de tous les Irakiens», poursuit Mohammed. Il fallait que Mossoul soit présente, renchérit Abderrahmane al-Rubaye, 25 ans, le réalisateur du clip. Tout s’est fait dans l’urgence pour dire aux manifestants ailleurs dans le pays qu’»on est de tout coeur avec eux». «On a bouclé notre clip en 12 heures», se félicite-t-il.

«On ne se tait plus»
Et surtout, il dit avoir réussi à le poster en ligne «entre deux coupures d’internet», alors que Bagdad a fermé les robinets du net à plusieurs reprises depuis début octobre. Une tentative de museler le mouvement et une grave entrave à la liberté d’expression, assurent défenseurs des droits humains et communauté internationale. Pour Jihane al-Mazouri, 23 ans, qui chante sous un long voile noir dans le clip, participer était impératif. «C’est le minimum que je puisse faire pour soutenir les manifestants et je suis encore prête à utiliser mon art pour eux», assure-t-elle à l’AFP. «Des gens sont morts et ont été blessés dans ces manifestations, alors quoi qu’on fasse, on ne sera jamais à la hauteur de ces énormes sacrifices», poursuit-elle. Avec les autres, elle a déjà tourné une deuxième vidéo.
Cette fois-ci, la troupe a fait le déplacement jusqu’à Bagdad et à la place Tahrir, l’épicentre de la «révolution». Là, ils ont détourné une chanson de la diva arabe Fayrouz, la transformant en ode aux conducteurs de touk-touks, ces petits véhicules à trois roues qui transportent les blessés faute d’ambulances. Et encore une fois, dans l’urgence et avec le risque d’être arrêtés, qui pèse sur tous les militants et manifestants. «Mais maintenant, on ne s’inquiète plus», tranche Abderrahmane. «Les gens ont pris confiance en eux. On ne se tait plus», ajoute-t-il.

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