Des jihadistes ont réduit en miettes des statues, frises et autres trésors pré-islamiques du musée de Mossoul, dans le nord de l’Irak, selon une vidéo mise en ligne jeudi par le groupe Etat islamique. Des experts ont confirmé et déploré ces destructions, qu’ils ont comparées à la démolition des Bouddhas de Bamiyan par les talibans en Afghanistan en 2001. La directrice générale de l’UNESCO a immédiatement demandé la convocation d’une réunion de crise du Conseil de sécurité des Nations unies. Le petit film de cinq minutes montre des activistes de l’EI en train de faire tomber des statues de leur socle et de les détruire à coups de masse. Ils vandalisent les collections du musée de Mossoul, qui renferment des objets inestimables des périodes assyrienne et hellénistique, datant de plusieurs siècles avant l’ère chrétienne.
Taureau ailé assyrien
Dans une autre scène, ils ont également recours à un perforateur pour défigurer un imposant taureau ailé assyrien en granit, sur le site archéologique de la porte de Nergal à Mossoul, ville contrôlée par les jihadistes depuis l’été. Ce taureau a un jumeau, exposé au British museum de Londres. Fidèles musulmans, ces sculptures derrière moi sont des idoles pour les peuples d’autrefois, qui les adoraient au lieu d’adorer Dieu, déclare un jihadiste en s’adressant à la caméra. Le soi-disant Assyriens, Akkadiens et d’autres peuples avaient des dieux pour la pluie, pour les cultures, pour la guerre, poursuit-il, avant de rappeler que le prophète (Mahomet NDLR) a ôté et enterré les idoles à la Mecque. Selon des experts, les pièces dont on voit la destruction sur la vidéo comprennent des originaux, des reconstitutions autour de fragments et des copies. Beaucoup proviennent de la ville antique de Hatra, située dans le désert à 100 km au sud ouest de Mossoul, classée au patrimoine culturel mondial de l’UNESCO. Cette attaque est bien plus qu’une tragédie culturelle, c’est également une question de sécurité parce qu’elle alimente le sectarisme, l’extrémisme violent et le conflit en Irak, a dénoncé la responsable de l’organisation onusienne Irina Bokova dans un communiqué. Le Metropolitan Museum de New York (Met), l’un des plus grands musées du monde, a qualifié de catastrophique ces destructions visant l’un des musées les plus importants du Moyen-Orient. La collection du Musée de Mossoul couvre toute la gamme de la civilisation dans la région, avec des sculptures remarquables de villes royales comme Nimrud, Ninive, et Hatra, a souligné le directeur du Met Thomas Campbell. Le sort des collections du musée est incertain. Jeudi, des membres de l’EI ont également fait exploser une mosquée du XIIe siècle dans le centre de Mossoul.
Selon un professeur d’architecture irakien basé à Amman, Ihsan Fethi, qui a regretté une perte terrible et un incroyable acte de terrorisme culturel, les jihadistes s’en sont pris à la mosquée Khudr, car elle contenait également la tombe d’une personne révérée, ce qui constitue un acte d’idolâtrie selon eux. Les jihadistes contrôlent Mossoul, la deuxième ville d’Irak, depuis une offensive début juin au cours de laquelle ils ont conquis de large pans du territoire irakien. Ils ont systématiquement pris pour cibles les minorités dans la ville et ses alentours, et détruit le patrimoine archéologique, y compris des mausolées sunnites, déclenchant des condamnations internationales. Mossoul était habitée par une mosaïque de minorités, dont les Assyriens, qui sont désormais une minorité ayant embrassé la foi chrétienne et se considérant comme les habitants autochtones de la région.
Résolution contre le trafic d’antiquités
Plusieurs villages assyriens ont été conquis par l’EI en Syrie voisine ces derniers jours, et au moins 220 Assyriens capturés lors de cette offensive. L’ONU a adopté au début du moins une résolutions visant à freiner le trafic d’antiquités provenant de pillages en Irak et en Syrie, un commerce qui a alimenté les caisses de l’EI.
Dans la vidéo mise en ligne par les jihadistes jeudi, un homme lance même si cela vaut des milliards, on s’en fiche. Mais sur son blog Antiquités en zone de conflit, le Dr Samuel Hardy, archéologue et criminologue, souligne qu’on ne voit que la destruction de pièces massives. Tout ce que montre la vidéo, c’est qu’ils sont prêts à détruire des objets qu’ils ne peuvent pas transférer et vendre, écrit-il.