Accueil MONDE Irak : À l’arrière du front, un hôpital ouvert aux habitants

Irak : À l’arrière du front, un hôpital ouvert aux habitants

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Jusqu’à présent, en cas d’urgence médicale, les habitants d’al-Qayyarah, dans le nord irakien, devaient parcourir au moins une centaine de kilomètres pour aller se faire soigner, et encore la route était souvent parsemée de barrages des jihadistes.

Al-Qayyarah faisait partie du secteur conquis par le groupe Etat islamique (EI) en 2014, comme Mossoul, le fief des jihadistes plus au nord, avant qu’elle ne soit reprise par les forces progouvernementales en août dernier. Mahmoud, 35 ans, explique qu’un des seuls moyens pour les habitants d’al-Qayyarah d’être soigné était d’aller à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, à deux heures de route de là. Autres possibilités: Tikrit ou Mossoul, des trajets de bien plus d’une heure. De telles distances auraient bien pu être fatales à son fils, blessé il y a quatre jours. Alors qu’il jouait avec un ami d’une dizaine d’années comme lui, Mohammed a découvert un engin non explosé qui a détoné dans sa main quand il l’a secoué et qui lui a aussi brûlé le nez.
Mais son père n’a pas eu besoin de parcourir un long trajet pour le faire soigner: il l’a conduit à l’hôpital ouvert il y a une semaine par l’ONG Médecins sans frontières (MSF) à al-Qayyarah même. Arrivé rapidement, le petit Irakien a été pris en charge par des spécialistes et récupère désormais doucement. Avant, «cela aurait été impossible», explique à l’AFP l’ouvrier en bâtiment, au chevet de son fils.

250 patients en une semaine
«Certains patients avec des maladies chroniques n’avaient pas vu un hôpital depuis deux ans et demi» car, «sur 250 kilomètres, il n’y avait pas un seul service d’urgences», témoigne Claire Nicolet, qui coordonne le projet de l’hôpital de MSF à al-Qayyarah. Alors, quand l’ONG et sa centaine d’employés –dont plus de 80 Irakiens– se sont installés dans le gros bourg agricole, ils ont aussitôt été assaillis. «Environ 250 patients ont été traités» jusqu’à présent, affirme-t-elle, un gilet siglé MSF sur le dos, alors que derrière elle, des familles attendent devant un petit bureau installé pour l’accueil des patients. Dans une salle attenante aux murs blancs, deux infirmières s’affairent à nettoyer et à bander les plaies de Salem Chahbane, 16 ans, qui a eu un accident de moto. Un peu plus loin, au milieu d’une dizaine de lits, un médecin polonais tente de détourner l’attention, avec des petites voitures, d’Abderrahmane Taha, 5 ans, pendant qu’il examine une sonde plantée dans son flanc droit.
Comme dans n’importe quel service d’urgences du monde, il faut être prêt 24 heures sur 24 et sept jours sur sept à accueillir toutes sortes de patients, explique Zahra Kadhim, médecin urgentiste venue de Bagdad. «Il y a des fractures, des accidents de la route, des brûlures, nous réalisons ici toutes les opérations de la chirurgie d’urgence», affirme cette élégante Irakienne en blouse blanche, un stéthoscope autour du cou. L’Irak s’est longtemps enorgueilli d’offrir à ses habitants la gratuité des soins mais après la chute de Saddam Hussein et les violences qui ont suivi –la bataille actuellement pour reprendre Mossoul n’étant que la dernière en date–, l’état des hôpitaux est devenu alarmant, selon les organisations internationales.

Système de santé en panne
Après les sanctions internationales des années 1990 qui avaient affaibli les infrastructures, les violences ont détruit des hôpitaux et fait fuir une bonne partie des médecins. Ceux qui restent «pensent sérieusement à partir, comme beaucoup de personnes diplômées et souvent formées à l’étranger», affirmait récemment à l’AFP un responsable médical dans le nord du pays, sous couvert de l’anonymat. En 2015, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) tirait déjà la sonnette d’alarme: l’Irak comptait alors seulement six médecins pour 100.000 habitants. Et depuis 2014, «le système de santé dans les zones sous contrôle de l’EI a été fortement touché», renchérit le docteur Kadhim. «L’EI a eu un impact négatif sur tous les aspects de la vie» des Irakiens dans les zones qu’il tenait. Mais l’EI a été chassé de Qayyarah et depuis que les combats pour la libération de la ville ont pris fin, les habitants sont revenus chez eux. De l’autre côté du portail de l’hôpital, la vie a repris son cours. Le marché a rouvert et les étals des bouchers sont couverts de moutons fraîchement dépecés. Au loin toutefois, on aperçoit encore des colonnes d’épaisse fumée noire des incendies de puits de pétrole, laissés derrière eux par les jihadistes.

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