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Exposition de l’artise Mehdi Djelil : le «grotesque» dans tous ses états

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Adolescents joufflus fixant avec étonnement le spectateur, bouffons à têtes d’animaux éructant de colère, vieillards ventrus seuls ou en bande affalés sur leurs sièges, corps démembrés surgissant sur la toile: les tableaux de l’artiste Mehdi Djelil élèvent le «grotesque» au rang de valeur esthétique.

L’espace culturel «La Baignoire», aménagé dans les locaux d’une entreprise algéroise, accueille jusqu’au 16 juin la première grande exposition personnelle de ce plasticien prometteur de trente ans à l’univers peuplé de personnages disgracieux, capables de susciter à la fois le rire et l’angoisse du visiteur. A travers une quarantaine d’oeuvres récentes entre grands portraits colorés, dessins en noir et blanc et toiles aux sujets monstrueux- ce diplômé des Beaux-arts
d’Alger déploie une des visions les plus singulières d’une nouvelle génération d’artistes algériens, habitués de ce lieu alternatif d’exposition. Cette originalité s’illustre notamment à travers les portraits (hommes, femmes ou créatures hybrides et animales) où l’apparente simplicité du trait et la vivacité des couleurs offrent un contraste saisissant avec les formes des visages et des corps, exagérés à la limite de la caricature. Les personnages, peints seuls, sont regroupés dans les dessins qui interpellent par les positions et les attitudes que l’artiste confère à ses sujets, suggérant des situations et des histoires à chaque fois différentes mais toujours désopilantes. Foule à têtes de moutons observant, médusée, un pacha écrasant la tête de deux femmes en haïk, hommes-arbres qui semblent fixer avec insistance le spectateur, et autres personnages hallucinants offrent ainsi une multitude d’interprétations possibles à ces dessins. Certains visiteurs de l’exposition inaugurée samedi se sont même risqués à des lectures «politiques» de ces œuvres, preuve s’il en est de leur capacité à susciter le débat. L’étrangeté du travail de Djelil atteint un degré supérieur dans des séries de toiles ocres montrant des amas difformes où dents, nez et pieds humains s’amalgament à des têtes de chiens, peut-être de veaux ou de moutons. Ces séries de trois tableaux ont d’ailleurs provoqué diverses réactions, certains ayant salué «la capacité de l’artiste à renouveler ses thèmes», alors que d’autres, comme l’animateur de radio Omar Zellig, parleront d’une «rencontre entre Francis Bacon, (grand peintre anglais du XXe à l’univers torturé et tragique) et Walt Disney», pour souligner leur étrangeté. Derrière leur apparente trivialité ou drôlerie, les tableaux de Mehdi Djelil procèdent d’une réflexion que l’artiste dit avoir entamée à la fin de ses études. C’est à partir d’une réflexion d’un de ses professeurs que le peintre a commencé, dit-il, à «chercher toutes les définitions du grotesque», puisant aussi bien chez Victor Hugo qui oppose cette notion au «sublime», que dans le théâtre populaire italien avec ses bouffons, explique-t-il. Pour lui, le personnage du bouffon, représenté dans de nombreux tableaux, renvoie à «l’image que l’on se fait de l’artiste en Algérie», réduit, selon lui, à la simple fonction d’ «amuseur». «Finalement, le grotesque, c’est l’inversion des valeurs», tranche-t-il pour établir un lien entre ses œuvres et son jugement sur l’état de la société algérienne. Au-delà d’interpeller sur ces questions sociales, la démarche du jeune artiste s’inspire également du «rire et de l’autodérision, très présents dans la société et qui nous ont (les Algériens) sauvés il y a quelques années», dit-il en se référant aux années 1990 et au déferlement de la violence terroriste. Cette démarche est aussi inspirée par l’image du fou dans la culture populaire qui lui «peut se grimer, faire ce qu’il veut, contrairement aux gens dits normaux», entravés dans leur liberté par les carcans de la société. Né en 1985 à Tizi Ouzou, Mehdi Djelil fait partie d’une génération d’artistes qui proposent des thématiques nouvelles dans l’art algérien. En 2014, un web documentaire intitulé «Fabriq Algeria» et réalisé par la Française Camille Le Prince, avait été consacré à ses jeunes peintres, plasticiens, vidéastes et bédéistes (Maya Bencheikh El Feggoun, Adel Bentounsi, Nawel Louerrad, etc). Créé il y a une année dans un quartier populaire du centre d’Alger par l’écrivain Samir Toumi, l’espace «La Baignoire» a déjà proposé quatre expositions visibles tous les après-midi de la semaine pendant les heures de travail de l’entreprise qui l’abrite.

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