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Entretien avec Younes Grar, expert dans le domaine des TIC

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Le Courrier d’Algérie : L’Algérie a perdu 4 places par rapport à 2012, en se classant à la 136e place alors qu’elle était classée à la 132e place en 2012 selon le dernier rapport de l’ONU. Pourquoi cette régression à votre avis ?
Younes Grar : Avant de réagir au dernier classement e-gouvernement établi par l’ONU et qui classe l’Algérie à la 136e place, il est important de signaler que les critères de classement sont indiqués dans un rapport disponible sur leur site web et qui peut être consulté publiquement et dans la transparence totale. Il est expliqué clairement dans ce rapport comment les pays ont été notés et sur quelles bases les différents indicateurs ont été mesurés. A titre d’exemple, on se base sur les services électroniques à destination des citoyens (G2C), des entreprises (G2B) et des autres administrations (G2G) qui sont disponibles au niveau de chaque ministère. Le nombre de services électroniques disponibles et accessibles en ligne sont facilement mesurables en consultant les sites des différents ministères. Les gouvernements ayant mis en ligne un portail regroupant l’ensemble de ces services électroniques seront bien sûr distingués et obtiennent une meilleure note. En Algérie, il y a certains sites de ministères qui sont statiques et qui ne sont même pas mis à jour. Il suffit que le Premier ministère demande à chaque ministère de se noter soi-même sur la base de certains critères (les critères du rapport de l’ONU sur l’e-gouvernement ou tout autre organisme) pour faire une auto-évaluation et avoir une idée plus claire sur l’état de développement de cette activité en Algérie. Le suivi sur terrain pose un sérieux problème dans la gestion de ce genre de projets en Algérie. J’ai lu depuis plus de 3 mois que le ministre de l’Intérieur a donné une instruction pour que chaque APC se dote d’un site web. Combien d’APC ont exécuté cette instruction. Il est important de mesurer le degré d’application de ce genre de directives périodiquement pour prendre les mesures correctives nécessaires et ne pas être surpris par les classements des organismes internationaux.
Il est à signaler que dans le cadre du programme e-Algérie 2013, élaboré en fin 2008 avec la collaboration de tous les ministères, un axe a été consacré aux mécanismes d’évaluation et de suivi avec proposition d’un certain nombre d’actions concrètes. Ci-dessous la partie réservée aux mécanismes d’évaluation et de suivi, prise du résumé-synthèse du programme e-Algérie 2013, disponible sur le site web du Mptic et du Premier ministère. Je parle du programme e-Algérie 2013 puisque j’étais chargé de son élaboration lors de mon passage au Mptic de fin 2008 à 2010 en tant que conseiller du ministre. Ceci pour montrer aussi que ce n’est pas le manque de documents, de rapports, d’idées mais c’est surtout de la mise en œuvre qui pose problème.

Dans l’ensemble des éléments étudiés par l’enquête des Nations Unies sur le e-gouvernement, l’Algérie obtient des notes médiocres dans les volets services et infrastructures, mais reste assez bonne en matière «capital humain». Qu’en pensez-vous ?
Il faut signaler comme je l’ai dit auparavant que les indicateurs sur lesquels s’est basée l’équipe qui a élaboré ce document sont affichés clairement et chacun peut se noter soi-même. Donc le classement est objectif, compréhensible et vérifiable. Sur le volet relatif à l’infrastructure, il est facile de constater que notre pays peine à améliorer son classement. Il suffit de voir la difficulté pour obtenir une ligne téléphonique ou une connexion ADSL pas seulement dans les villages ou villes du sud, mais même à Alger, des dizaines de milliers si ce n’est plus, sont en attente de réponse positive de la part des services d’Algérie-Telecom. Il y a d’anciennes et même de nouvelles cités de 1000 logements et plus à Alger, qui sont complètement déconnectées, pas de ligne téléphonique donc pas d’ADSL donc pas de haut débit. Les services d’Algérie-Telecom, malgré les discours prometteurs des responsables et le lancement de certains projets pour remédier à ces défaillances, peinent toujours à être à la hauteur des attentes des abonnés. A titre d’exemple, le lancement du projet MSAN est une solution pour améliorer la qualité et la vitesse de la connexion ADSL, mais son déploiement est très lent et le balancement de l’ancien système vers le MSAN prend beaucoup de temps, je connais certains quartiers à Alger qui ont été déconnectés pendant plus d’un mois à cause de ce balancement. Un travail sérieux doit être fait à ce niveau si on veut améliorer notre classement. Le mobile avec le lancement de la 3G peut y remédier mais ne peut remplacer totalement le fixe et la fibre optique.
Il serait intéressant de lancer une opération d’évaluation de notre infrastructure sur la base de critères objectifs et mesurables, puis veiller à actualiser ces informations périodiquement chaque mois et enfin rendre public ces données pour voir dans la transparence totale comme l’infrastructure évolue puis lancer des opérations correctives pour améliorer la situation.
Ces actions peuvent être lancées par Algérie-Telecom, le Mptic et/ou l’Arpt.

En tant qu’expert dans le domaine des TIC, quelles sont les conseils que vous pouvez donner pour booster le e-gouvernement en Algérie ?
Pour améliorer la situation des TIC en général et le e-gouvernement spécialement, il faut mettre en place une stratégie, un plan d’actions et procéder rapidement à sa mise en œuvre sur le terrain. Je crois que le programme e-Algérie 2013, est un document de base intéressant qu’il faut mettre à jour et l’adopter en tant que stratégie et plan d’actions.
Mais au fait où en est-on dans la mise en œuvre du programme e-Algérie 2013 depuis son élaboration fin 2008? Un bilan devrait être établi pour évaluer la réalisation des différentes actions proposées dans ce document.
L’une des actions importantes à prendre pour sortir les TIC de ce marasme, c’est de revenir à la délégation chargée des TIC. Une délégation chargée des TIC, est à mon avis l’unique option, puisque le Mptic a failli à cette mission. Avec ce ministère, après plus de 10 ans d’activité, les TIC vont mal et même la Poste et les Télécoms n’ont pas avancé. Une délégation avec de jeunes compétences, et j’insiste sur le mot jeunes, donc avec un âge moyen d’une trentaine d’années, en se basant sur une stratégie claire avec des objectifs palpables, qui peut être inspirée du programme e-Algérie 2013 en apportant certaines modifications et mises à jour, cette délégation très légère rattachée à la présidence ou au Premier ministère pour avoir plus d’autorité, lui permettra de prendre en charge sérieusement les TIC qui a comme spécificité la transversalité puisqu’elles touchent l’ensemble des secteurs.

La grande ambition affichée constamment par le gouvernement n’est pas suivie de plans d’actions efficients à même d’atteindre les objectifs escomptés en matière du gouvernement électronique (e-gouvernment). Etes-vous de cet avis ?
Pour répondre à cette question, je cite un extrait du document « Mémorandum sur les TIC en Algérie » rédigé en Septembre 2007 par un panel d’experts, dont je faisais partie, dirigé par le Professeur Youcef Mentalechta sous forme d’un appel à monsieur le président de la République :
L’après-pétrole sera la production de services et des connaissances. La génération «Internet» est prête à relever les défis. Il faut juste lui en donner la chance et les moyens. Sachant qu’il nous faut plus d’actions et moins d’agitation, plus d’effets et moins d’annonces…
Donc il faut se mettre au travail, il faut plus d’actions et moins d’agitation, plus d’effets et moins d’annonces.
Entretien réalisé par Ines B.

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