Quid de l’initiative de la Conférence nationale du consensus (CNC), prônée par le Front des forces socialistes (FFS), après près de quatre mois de son lancement effectif ? À la lumière des revirements de position politique observés chez un parti influent au pouvoir d’un côté, et les réserves émises par d’autres formations politiques de l’autre, un retour rétrospectif s’impose, dès lors que rien de rassurant n’augure à l’horizon pour la CNC, lorsque l’on sait que même la date proposée à sa tenue les 23 et 24 février, prochains, est remise aux calendes grecques. En effet, après le Front de libération nationale (FLN) et le Rassemblement national démocratique (RND), qui ont dressé des haies à ne pas franchir, et posé la condition du respect des institutions élues, et principalement celle du président de la République, quand bien même acceptée par le FFS, c’est au tour de Amar Ghoul, président de Tadjamoû Amel Djazaïr (TAJ) de leur emboîter le pas. Lors de la deuxième réunion de consultation tenue avec ce parti, avant-hier, Ghoul a souligné son attachement au programme du président de la République, où cette rencontre consensuelle, insiste le responsable du TAJ, devra consacrer la consolidation des réformes politiques engagées, telle la Constitution. En plus, Ghoul a écarté tout débat évoquant l’existence d’une crise du pays, ou de remise en cause des mandats électoraux. En effet, depuis octobre 2014, le FFS a mené une série de consultations, principalement avec les formations politiques, les personnalités et organisations de la société civile nationales, pour expliquer la teneur de son initiative. Se voulant plus convaincant que jamais, l’ex-parti de Hocine Aït Ahmed compte rassembler autour de son projet toutes les parties, sans aucune exclusion ni même poser un préalable quelconque aux participants. Ces derniers, par contre, devraient s’asseoir autour d’une même table, et seraient appelés à émettre des propositions qu’ils jugeront nécessaires. Plus encore, pour faire adhérer le maximum de parties, les responsables du FFS ont assuré lors de leurs sorties publiques, que leur formation politique va partir à cette rencontre avec une feuille blanche, qu’il faudra remplir des propositions des uns et des autres. Dans un premier temps, l’actuel parti de Mohamed Nebbou qui se réclame d’intermédiaire intercédant entre toutes les parties, s’est lancé dans le défi de réunir pouvoir et opposition, autour d’un même débat, seule solution selon les initiateurs de la CNC, de même à trouver une issue à la crise du pays. D’emblée les choses ne se sont pas présentées comme le souhaite le FFS, puisque les partis réunis autour de la CNLTD (Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique) ont réservé une fin de non recevoir à cette initiative, qu’ils qualifient d’ailleurs, d’une intention inavouée visant à casser leur propre Coordination, selon la CNLTD. En dépit de ce premier couac, qui ne va pas avec l’esprit même de la notion dite «consensus», les responsables du FFS ont continué leur démarche de vulgarisation et explication de leur projet, tout en disant «laisser les portes ouvertes même à ceux qui désirent opérer une mue dans leur position initiale». Un message destiné aux membres de la CNLTD, sachant prématurément qu’un consensus sans cette partie n’en constitue pas un. Cependant, ce message semble plus impacter les partis au pouvoir que ceux de l’opposition. Explication: le FLN qui s’est engagé à participer à la CNC, après que le FFS ait accepté ses préalables de ne pas toucher aux mandats électoraux et aux institutions de l’État », a opéré une volte-face quelques jours plus tard. En effet, le secrétaire général de ce parti, Amar Saâdani, a déclaré que sa formation politique étant majoritaire, n’acceptera jamais qu’elle soit présidée lors de cette Conférence, encore moins a-t-il souligné, de participer à une réunion qui devrait regrouper, par ailleurs, des personnalités et des représentants d’associations de la société civile. Cette allusion est faite entre autres, aux acteurs politiques ayant confirmé leur présence à ce rendez-vous, à l’image de l’ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche et l’avocat Mokrane Aït Larbi. Le patron du FLN enfonce encore le clou, en exigeant d’avoir sous les yeux la liste des participants, autre condition posée à la CNC. Le même son de loche retentit chez le Rassemblement national démocratique (RND). Lors de la seconde rencontre de consultation avec cette formation politique, le parti de Abdelkader Bensalah, semble ne pas avoir été convaincu de l’objet même de la CNC, en demandant d’être avisé outre de son ordre du jour, de la liste des participants. Ce qui s’apparente à un refus non affiché, étant donné que la décision sera soumise de prime abord à l’instance suprême du RND, qui devra, s’il l’on se fie aux déclarations de son porte-parole, Nouara Saâdia Djaâfar, se réunir incessamment pour traiter de la question. À l’issue de cette même rencontre ayant regroupé le RND avec son parti, Mohamed Nebbou, ne semble pas prêter attention au revirement exprimé par le discours de Saâdani. Invité à réagir, le premier secrétaire du FFS, a affirmé n’en tenir compte que de la position initiale du FLN, en faisant mine de rien entendre. Lors du point de presse organisé, jeudi dernier, à l’issue de sa rencontre avec son homologue du TAJ, Nebbou a assuré que la CNC «est sur la bonne voie», ce qui semble plus à une réponse aux critiques de son initiative, qu’une conviction profonde quant à l’aboutissement de son projet.
Le même responsable a néanmoins, affirmé que la démarche se poursuivra et elle devrait toucher d’autres partis politiques. Ainsi le FFS devait rencontrer encore, hier, l’Alliance nationale républicaine (ANR), le Front Al Moustakbal (FA), aujourd’hui (ndlr), et le Mouvement populaire algérien (MPA), demain dimanche. Même avec une adhésion de partis moins influents, aussi bien au sein du pouvoir que dans l’opposition, il est difficile de croire à un consensus, car, des décisions consensuelles, comme le souhaite le FFS, ne peuvent en découler que de la confrontation des avis émanant des deux camps. Et encore, faudrait-il d’abord réunir toutes les parties belligérantes. Wait and see.
Farid Guellil