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COMMISSION D’HISTORIENS MIXTE : Le travail laborieux de la mémoire algéro-française

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Le président de la République, Abdelmadjid Tebbboune, et son homologue français Emmanuel Macron, semblent décidés à donner un sérieux « coup de pression » au dossier épineux de la mémoire commune qui est souvent à l’origine des tensions entre les deux pays en raison du refus de la France d’assumer pleinement son histoire coloniale en Algérie.

Ce n’est pas encore le « dégel », certes, mais depuis l’arrivée du président Tebboune au pouvoir, et d’Emmanuel Macron du côté français, les choses semblent bouger dans les sens souhaité bien que pour l’heure tout semble au stade d’élaboration. En tout cas pour la partie algérienne ; les membres de la Commission d’historiens mixte, dont la création a été décidée, lors de la visite du président français en Algérie, le mois d’août dernier, et contenue dans la « Déclaration d’Alger pour un partenariat renouvelé », n’étaient pas désignés pour rouler les pouces sur une histoire longue de plus d’un siècle de colonisation menée par l’un des colonisateurs les plus brutaux contre le peuple algérien.
La réunion, tenue, mercredi entre le président Tebboune et cinq membres de la Commission d’historiens algériens, au siège de la Présidence en présence du directeur de Cabinet à la Présidence, Abdelaziz Khellaf et du conseiller du président de la République chargé des archives et de la Mémoire nationale, Abdelmadjid Chikhi, en est la parfaite illustration. Certes, rien n’a filtré sur ces discussions, mais si le chef de l’Etat a décidé de les réunir, ce n’est surement pas pour le seul plaisir de se voir. Quelque chose est surement pour les tous prochains jours dans le cadre du travail qui lui a été assigné.
Ce travail scientifique qui, devrait être remis d’ici une année, a vocation, rappelle-t-on, à aborder toutes les questions, y compris celles concernant l’ouverture et la restitution des archives, des biens et des restes mortuaires des résistants algériens, ainsi que celles des essais nucléaires et des disparus, dans le respect de toutes les mémoires, comme mentionné dans le document. Ainsi, le souci d’en finir avec cette question ou du moins avancer dans le dossier pour le bien des peuples des deux rives, semble amorcé, après notamment la décision commune de rédiger des rapports sur le travail de mémoire, suivie d’une multitude de déclarations de « bonnes intentions », par la partie française. Et il y a eu, depuis, la restitution des crânes de résistants algériens volés et placés dans des musés en France, et la décision conjointe de créer cette Commission mixte.
«La remise récente des restes mortuaires des combattants qui se sont opposés, il y a un siècle et demi, à l’installation de l’armée coloniale constitue un grand pas», avait alors, déclaré, le président Tebboune, dans un entretien au journal français Opinion, donné en 2020.
Il est important d’affronter les « évènements douloureux » du passé pour repartir sur des relations profitables aux deux pays. Ils  méritent d’être racontés », avait-il ajouté.
Il convient de rappeler, dans ce sillage, le message adressé au président Tebboune, à l’occasion du 60e anniversaire de l’Indépendance, ou le président français Macron a réitéré son engagement à « poursuivre le processus de reconnaissance de la vérité », qu’il a commencé, on s’en souvient, en février 2017, à Alger, alors qu’il était candidat à un premier mandat présidentiel.
Il avait alors déclaré que « la colonisation fait partie de l’Histoire française. C’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie. Et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face, en présentant nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes ». Il s’est également engagé à poursuivre le processus de « réconciliation pour les mémoires des peuples algérien et français ». A noter aussi, les déclarations de l’ambassadeur de France, en Algérie, François Gouyette, lors d’une interview accordée à la chaîne Ennahar TV,  où il avait fait savoir que le président Marcon a choisi une liste des spécialistes en France des questions de l’histoire et de la mémoire. « Cette liste d’historiens français a été transmise à la partie algérienne », a-t-il assuré. Un autre indice, la présence à l’occasion du défilé pour le 60ème anniversaire de l’Indépendance, organisé par l’Armée nationale populaire de deux invités français à savoir: Benjamin Stora, historien, et Yamina Benguigui, ancienne ministre. Les deux sont favorables à la démarche du président Macron de «reconnaissance de la vérité». Il est vrai que les choses ne semblent pas tourner à plein régime, vu la complexité de cette question pour les deux parties, mais beaucoup d’indices positifs sont à mettre à l’actif des deux Présidents sur la question. Il est aussi vrai que même si on doit reconnaitre que la restitution des crânes de résistants algériens, séparés du reste du corps, puis volés et placés dans des musées de l’Histoire en France, constitue un bon indice, il n’en demeure pas moins que beaucoup de zones d’ombre restent à clarifier pour panser les plaies encore béantes, pour qu’elles puissent enfin se refermer et aborder l’avenir commun en toute quiétude et sérénité pour le bien des deux États. Reste à savoir jusqu’où pourra aller la partie française ?
Le rapport de  Benjamin Stora, remis au président Macron a été jugé par nombres d’historiens algériens comme maigre car n’ayant pas fait le tour de la question en se focalisant notamment sur la question des Harkis. Mohamed El-Korso, membre de la Commission mixte avait estimé, à ce sujet, que  » La France veut faire de la question des harkis un problème fondamental. Une espèce de nœud gordien entre les deux pays. En mettant l’accent sur les harkis, on essaie, en fait, de nous mettre, nous Algériens, en position d’“accusés”, en ce sens que si demain le dialogue des mémoires traîne et n’avance pas, l’alibi sera vite trouvé du côté français, en pointant du doigt la responsabilité de l’Algérie qui aurait refusé de “faciliter les déplacements des harkis et de leurs enfants entre la France et l’Algérie”, tel que le préconise le rapport Stora »., assurant que le dossier de la mémoire, « il y a plus important que le problème des harkis qui, du reste, est un problème franco-français » notamment la question des crimes contre l’humanité, du traitement de la question des essais nucléaires, du problème du rapatriement des corps et des crânes d’Algériens encore en France, du problème des disparus ou encore de celui relatif aux archives. Il s’agit, en définitive, de toute notre mémoire et de notre patrimoine culturel qui doivent être discutés et soumis à débat.
Pour le président du Conseil de la nation, Salah Goudjil, la question de la mémoire relative à la période coloniale doit être traitée dans le cadre d’un dialogue d’Etat à Etat, entre l’Algérie et la France, « indépendamment des personnes, des groupes et autres cercles pour transcender les séquelles de ce passé douloureux.»
Brahim Oubellil

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