«Il est extrêmement difficile de réduire de beaucoup nos importations», a avoué le ministre du Commerce, Amara Benyounès, lors de son intervention, hier, sur les ondes de la Chaine III de la Radio nationale. Un aveu qui en dit long sur les difficultés dans lesquelles se débat le secteur. En effet, la feuille de route tracée par le ministre en vue d’assainir le commerce international risque de buter sur les résistances des opérateurs à l’importation, qui constituent des «lobbys», a-t-il indiqué pour désigner ce qui s’explique par un certain nombre d’opérateurs sur marché international qui ont «des intérêts», d’où, selon le ministre, la difficulté de sa mission. Néanmoins, il semble être déterminé à affronter ce qu’il considère des «pratiques qui ne sont pas acceptables», allusion faite notamment aux importateurs qui font fi à la législation en vigueur. «Personne, absolument personne, ne pourra m’arrêter dans cette détermination d’assainissement du commerce international», a-t-il ajouté en précisant, par ailleurs, que la majorité des importateurs algériens reste des opérateurs économiques honnêtes, respectueux de la législation, et demeurent loyaux envers l’État algérien, a-t-il tenté de justifier l’incapacité du gouvernement à faire face à cette donne.
Cependant, il est à distinguer justement, selon lui, ceux qui travaillent légalement et ceux qui ne le font pas. En effet, en s’adressant aux opérateurs de la première catégorie citée, le ministre rassure qu’«ils n’ont rien à craindre», car il sera question de pour lui de s’occuper de ceux qui défient la loi, semble-t-il encore dire avec un ton menaçant, tout en précisant, cependant, que la catégorie des importateurs exerçant leurs activités d’une manière illégale est insignifiante.
Néanmoins, des interrogations s’imposent dès lors qu’il s’agit là encore de parler d’«assainissement du commerce international». Force est de constater qu’à défaut de réduire les importations, ce qui sous-entend imposer une stratégie aux opérateurs économiques afin d’atteindre cet objectif, le gouvernement fait le choix qui semble le plus facile, celui notamment de régulariser les opérateurs indélicats. N’est-ce pas ce que tente d’expliquer à termes voilés le ministre ? En effet, en dépit des mesures d’austérité décrétées par le gouvernement pour faire face à la crise financière, liée à la chute des prix pétroliers, depuis juin 2014, le gouvernement peine à traduire ses décisions sur le terrain. L’exemple du secteur commercial qui vise à limiter le volume des importations, en imposant notamment aux opérateurs un certain nombre de restrictions, telle que la réhabilitation des licences du commerce extérieur, en fait cas. Il n’y a qu’à se référer aux déclarations du premier responsable de ce secteur pour en déduire cet état de fait. Dans son intervention, BenyounÈs a rappelé les objectifs de la conférence du commerce extérieur, tenue les 30 et 31 mars derniers, en indiquant que l’une des problématiques soulevées, est celle de la «surfacturation».
C’est ce qui constitue un écueil pour le secteur qu’il conviendra de lever, à défaut de s’attaquer à des «lobbys» qui pèsent même sur la balance commerciale. Pour le ministre, il ne sera pas question, finalement, tant de réduire le volume des importations qui se présentent sous trois volets. Les biens d’équipement, de consommation, et les matières premières, qui représentent chacun un tiers dans cet ensemble qui constitue la structure des importations.
Pour le ministre, aucun de ces éléments ne pourra être exclu, du fait que le défi pour son secteur est de relancer la machine industrielle, seule à même de consolider la production nationale. Ainsi, les biens en équipements et en matières premières sont les intrants qui puissent alimenter le secteur industriel d’où leur importance, indique le ministre.
Quant au troisième volet, qui concerne l’importation des biens à la consommation, «je crois que les Algériens, en 2015, ont le droit de manger un certain nombre de choses…», a estimé Benyounès. Donc, voilà une raison de plus de ne pas attendre des pouvoirs publics de mener une bataille contre les importateurs, ci ce n’est d’agir sur un paramètre plus au moins «abordable», et qui semble être le plus «adapté» pour le secteur, compte tenu du contexte tel qu’il se présente actuellement.
Les licences sur le commerce extérieur pour bientôt
En revenant aux recommandations de la conférence nationale du commerce, Benyounès tient à préciser qu’elles sont «surtout des recommandations qui visent à améliorer la diversification de l’économie nationale», a-t-il tranché pour expliquer, du coup, qu’il s’agit de consolider les exportations, et non pas de s’attaquer aux importations. Et là, la disposition la plus indiquée est celle de mettre en œuvre les licences d’importation et d’exportation, dont l’avant-projet de cette loi, devra être soumis au niveau de l’Assemblée nationale au courant de la session de printemps. Interrogée par Souhila El-Hachemi, animatrice de la Chaîne III, sur la situation anarchique qui prévaut à l’heure actuelle au niveau du port d’Alger, où des bateaux en rade attendent l’autorisation pour décharger la cargaison, Benyounès récuse cet état de fait, bien qu’il précise que les licences en question ne sont pas encore en vigueur, sachant qu’elle n’est pas encore discutée, encore moins adoptée à l’APN. «Il n’y a absolument aucun problème en matière d’importation ou d’exportation», a-t-il rassuré.
40 000 importateurs contre 500 exportateurs
En réponse aux propos de son prédécesseur à la tête du secteur, El-Hachemi Djaâboub, qui a déclaré que les licences vont encourager le favoritisme et le piston, parmi les opérateurs du marché international, Benyounès lui a répondu en disant : «Qu’en termes de piston, c’est un expert ( Djaâboub, ndlr)», en tenant à encenser son projet qui apportera de l’ordre dans le secteur, a-t-il dit pour contrecarrer l’ancien responsable du Commerce. En étayant ses dires, Benyounès tient à expliciter son projet qui devra définir à travers les licences accordées aux opérateurs, les produits qui seront autorisés, le montant et la durée de validité de ladite licence, le bénéficiaire… pour mettre fin «à un certain nombre de pratiques qui ne sont pas transparentes», a-t-il tranché. D’autre part, compte tenu du nombre important et même «démesuré» (4000) -et osons le dire- des importateurs (500) si l’on établie une comparaison avec ceux agissant dans l’exportation (500), «l’objectif n’est pas de réduire le nombre d’importateurs mais d’augmenter les exportateurs», persiste et signe le ministre. Face à ces chiffres qui présentent des disparités de tailles, le ministre indique encore que «ce n’est pas un problème» qu’il y ait notamment plusieurs importateurs, mais, son rôle, à lui, est de «maîtriser les opérations d’importation».
Gel de l’instruction sur les boissons alcoolisées, les explications de Benyounès
Benyounès revient sur la décision du gouvernement ayant décidé de geler l’instruction qui permet la vente en gros des boissons alcoolisées. «Il y a de la manipulation dans cette affaire», tient-il à dénoncer là encore et montrer des «lobbys» derrière cette polémique. Il indique que depuis qu’il est à la tête du ministère du Commerce, il œuvre, comme son rôle le lui échoit, de faciliter l’acte de commercer aux commerçants algériens, et annuler aussi toutes les instructions qui n’étaient pas réglementaires ou légales.
Gorge nouée, le ministre semble avoir été embarrassé par la question, lorsqu’on sait que c’est le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, lui-même, qui a procédé à ce gel, qui semble le «désapprouver». En s’affirmant homme de loi, Benyounes tient à assurer qu’«il n’est ni homme de religion, ni imam ni mufti, je suis un ministre de la République», a-t-il lâché pour préciser que sa mission étant de distinguer ce qui est légal de ce qui ne l’est pas.
Farid Guellil