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Brie Larson : «Les opportunités s’ouvrent à moi»

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Juste avant d’être oscarisée, la jeune actrice nous parlait de Room, de Kong : Skull Island et de l’industrie du cinéma qui l’accueille à bras ouvert.

Sera-t-elle Captain Marvel ? Avant son Oscar, avant d’entrer en négociation pour ce rôle de premier plan, Brie Larson nous disait justement que les portes de l’industrie lui étaient désormais grandes ouvertes.

Room a la réputation d’être un film émotionnellement dévastateur. Les gens en sortent bouleversés sans pouvoir expliquer précisément quel élément de l’histoire les a touchés. Son attrait reste assez mystérieux. Vous en pensez quoi, personnellement ?
Brie Larson : Je crois savoir d’où vient la force émotionnelle du film, en tout cas j’ai mon opinion sur la question. Mais je préfère ne pas le dire, parce que je me suis rendu compte que chaque spectateur en tire une expérience différente. Le film n’a pas de mode d’emploi, il est ouvert aux affects et aux ressentis de chacun, et j’ai toujours adoré cet aspect-là, dès la lecture du scénario. Il est d’une grande clarté, mais personne n’y voit clairement la même chose…

Parce que Room épouse le point de vue de Jack (d’un enfant de cinq ans qui découvre le monde pour la première fois de sa vie), avez-vous eu le sentiment de jouer un second rôle ?
Oui. C’est comme ça que j’ai approché le rôle. Mon travail, au jour le jour, était de prendre soin de Jacob (Tremblay, interprète de Jack, ndr), et seulement après de m’inquiéter de ma performance. Pour des raisons d’abord logistiques : ne pouvant être présent sur le plateau plus de quelques heures par jour, son temps était précieux. Le film entier repose sur ses épaules. L’attention était focalisée sur lui, et tout ça a été une belle leçon d’humilité pour moi. Ça m’a permis de prendre de la distance avec mon propre travail et de ne pas être consumée par mon personnage. De toutes façons, dans la situation où ils sont, ‘Maman’ n’a pas vraiment le luxe d’être préoccupée pour elle-même, donc ça tombait sous le sens.

Vous avez pris soin de lui devant et derrière la caméra…
Oui. Enfin, il a aussi une vraie maman, donc je n’étais pas seule. Mais quand on entrait dans l’espace de travail, quand on arrivait dans le décor de la chambre, ça devenait notre endroit secret à nous et je prenais alors le relais.

Room renvoie à certaines affaires de kidnapping atroces sans jamais se laisser contaminer par l’aspect sociétal du sujet. C’est une histoire humaine, un thriller à vif, surtout pas un film à thèse…
Pour écrire le roman, et plus tard le script, Emma Donoghue est partie de ces histoires que l’on voit surgir de temps en temps au journal télévisé et qui ont une dimension spectaculaire du fait de leur rareté et du choc qu’elles impriment en nous. Ce choc que l’on ressent en imaginant que ces choses terribles se déroulent en sourdine dans un petit coin du monde apparemment sans histoires… Emma a saisi quelque chose d’universel, commun à tous ces faits divers, notamment l’idée que la maternité, pour certaines femmes, peut parfois se résumer à un espace clos et confiné. En partant d’une situation particulière et très éloignée de nos vies, elle a trouvé le moyen de nous faire ressentir des émotions familières, constitutives de l’expérience humaine en général. Le film ne tire aucune excitation voyeuriste du crime en train d’être commis…

Les parallèles entre Room et States of Grace (le film qui a révélé Brie Larson en 2013, aka Short Term 12, ndlr) sont nombreux : deux drames murmurés sur l’enfance maltraitée et les terribles secrets de famille avec lesquels on vit, contraints et forcés…
Il y a de toute évidence des similitudes, oui. Mais j’ai toujours pensé que les meilleurs films re-racontaient des histoires déjà maintes fois racontées, encore et encore…

Vraiment ?
Oui, je crois que c’est la base de notre travail : re-raconter. Ces histoires sont enracinées dans un monde si lointain, si ancien, qu’elles se dérobent à notre connaissance et notre compréhension. On peut revenir tous les dix ans aux œuvres d’art, aux livres et aux films, qui nous ont touchés, et découvrir qu’ils ont changé. Ils se révèlent à nous différemment parce que notre perspective sur le monde change avec le temps. Ces vieilles histoires intemporelles, qui perdurent encore et encore, sont notre colonne vertébrale. Elles nous confortent, elles nous éclairent, leur puissance métaphorique nous aide à décrire des expériences de vie pour lesquelles on n’a pas de mots… Et elles existeront pour l’éternité.

Vous occupez une certaine place dans le cinéma indépendant américain. Au même titre que le « Greta Gerwig movie », le « Brie Larson movie » est aujourd’hui une valeur dans l’industrie. Ça se traduit comment sur le versant business ? Êtes-vous en mesure de faire exister un film sur votre nom ?
Disons que les opportunités s’ouvrent à moi. Et cette nouvelle notoriété est un outil puissant pour moi puisque je suis intéressée par un certain type d’expérience brute et viscérale. Je suis maintenant en mesure de raconter ces histoires à plus grande échelle et avec un plus grand soutien de la part de l’industrie. Voilà ce qui a changé… Sur Short Term 12, qui avait un budget mini-mini, on ne disposait que d’une ou deux prises par scène. Celui de Room étant légèrement plus confortable, j’avais droit à cinq ou six prises (Rires). Quant à Kong : Skull Island (un reboot de King Kong dont elle tient le haut de l’affiche, sortie en Mars 2017, ndr), ce sera mon premier blockbuster…

Bientôt vous tournerez avec David Fincher et vous aurez droit à cent prises…
(Rires) Et peut-être qu’alors je regretterai l’urgence et le dénuement d’un Short Term 12…

Êtes-vous une indie girl dans l’âme ? Je vous imagine vivre une vie simple et un peu hippie à Los Angeles…
Et vous avez raison. Je mène une vie très simple. Je ne porte pas beaucoup d’attention aux choses que je possède. Je n’ai jamais eu un train de vie dispendieux, et c’est aussi pour ça que j’ai pu prendre mon temps et être très sélective quant aux projets que je choisis de défendre.

Et maintenant vous entrez dans l’arène du cinéma de blockbuster avec Kong. Ça ne risque pas de tout changer ?
Je n’en suis qu’au stade préparatoire et, jusqu’ici, je dois avouer que je ne vois pas la différence. On en reparlera quand je serai sur le plateau et que je tournerai mes scènes, peut-être qu’alors tout me semblera complètement étranger. Mais je suis très contente d’avoir attendu et d’avoir pris mon temps, parce que chaque film m’a fait évoluer. Mon travail était suffisamment respecté pour que je sois, à chaque fois, considérée sur le plateau comme une force créative plus qu’un mannequin. Et c’est encore le cas sur Kong, où le processus m’apparaît tout aussi satisfaisant que sur Short Term 12 ou Room. J’ai une part de contrôle sur le scénario, sur le personnage, ses dialogues, sa garde-robe etc…

Ce n’est pas si fréquent sur des films de cette taille…
Je ne sais pas. Je n’en ai vraiment aucune idée. Vous croyez ?

Si vous êtes en mesure de réécrire vos dialogues, alors oui, ce n’est pas si fréquent.
Je me suis toujours demandé jusqu’à quel point le scénario était ‘verrouillé’ sur des films de ce genre. Je respecte la structure d’un script, et en général rien n’y est laissé au hasard, mais il y a une autre réalité qui intervient… Quelqu’un s’assoit à une table, écrit un scénario et, trois ans plus tard, fonction des emplois du temps des uns et des autres, de la météo ou de la location des lieux de tournage, le script en question est déconstruit et restitué à l’écran dans le désordre. Ainsi, tel mercredi à 15h de l’après-midi, sur tel lieu de tournage, vous êtes supposés fondre en larmes… (Rires). Impossible de ne pas embrasser le ridicule de la situation. Et en acceptant de pouvoir en rigoler, vous vous affranchissez de la nécessité de vous en remettre scrupuleusement à ce qui est écrit dans le script. L’important, c’est de trouver une forme d’honnêteté dans la scène. Si vous êtes honnêtes, vous ne pourrez jamais être ‘Bon ‘ ou ‘Pas bon’. Vous serez juste honnêtes, et c’est tout ce qui compte.

Dans Crazy Amy, où vous jouiez la sœur d’Amy Schummer, vous n’avez donc pas essayé d’être drôle ? Simplement ‘honnête’ ?
Exactement. Je ne suis pas très rigolote, je ne pourrais jamais essayer d’être drôle, je ne saurai même pas par où commencer. Non, mon truc c’est l’honnêteté. Et si la scène s’avère drôle au final, alors tant mieux. C’est la cerise sur le gâteau.

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