Fragilisée en fin de mandat, la présidente Cristina Kirchner a voulu mobiliser dimanche des dizaines de milliers de personnes à Buenos Aires et revendiquer 12 ans de succès des Kirchner à la tête de l’Argentine.
Dans le discours annuel «sur l’état de la nation», le dernier de son mandat, la présidente péroniste de centre gauche a notamment vanté le processus de désendettement, la diminution de la pauvreté et le regain de vigueur donné à la troisième économie d’Amérique latine, après la crise économique de 2001-2002, associant sa gestion (depuis 2007) à celle de son mari Nestor Kirchner (2003-2007). Élue en 2007 et réélue en 2011, Mme Kirchner, ébranlée par la mort le 18 janvier d’un procureur et une mise en cause judiciaire, quittera le pouvoir le 10 décembre 2015. «Elle laissera le pays dans une bien meilleure situation économique qu’en 2003. Souvenez-vous, le pays au bord de l’abîme», a déclaré le ministre de la Défense Agustin Rossi, faisant allusion au défaut de paiement partiel de l’Argentine. Sur la place du Congrès, les militants sympathisants de Mme Kirchner arrivés en autocars des banlieues de Buenos Aires ou d’autres villes scandaient des slogans en faveur du gouvernement, pancartes à l’appui : «Cela va continuer», «Cristina, c’est le peuple». Les Kirchnéristes tenaient à se mobiliser en nombre après la grande marche silencieuse du 18 février en hommage au procureur Alberto Nisman, qualifiée par le pouvoir de «coup d’Etat judiciaire».
Accusation «honteuse»
Dans l’esprit de l’opinion publique, le pouvoir est responsable de la mort du magistrat chargé d’élucider cet attentat contre la mutuelle juive AMIA, et qui accusait Mme Kirchner de protéger des responsables iraniens. Affaiblie par l’affaire Nisman, Mme Kirchner a remporté jeudi une victoire judiciaire quand le juge fédéral Daniel Rafecas a rejeté l’accusation d’entrave à la justice. Mme Kirchner en a profité pour qualifier de «honteuses» les accusations portées à son encontre par le procureur. La première mesure gouvernementale retentissante cette année a été la dissolution du Secrétariat au renseignement (SI), remplacé par une Agence fédérale de renseignement (AFI), d’ex-agents de la SI étant soupçonnés par Mme Kirchner d’être derrière la mort d’Alberto Nisman. Les premiers éléments de l’enquête font penser à un suicide, mais les Argentins sont sceptiques et croient à un meurtre. Il a été retrouvé mort, une balle dans la tête, dans son appartement de la capitale, la veille d’une intervention très attendue devant le parlement, où il devait étayer ses accusations contre la présidente. Après le discours sur «l’état de la nation», Sergio Massa, un dissident kirchnériste député et candidat à la succession de Cristina Kirchner, a estimé que la présidente «n’avait pas parlé des sujets qui préoccupent les Argentins, comme l’inflation et l’insécurité». Les Argentins souffrent au quotidien d’une inflation qui oscille entre 20 et 35% en rythme annuel depuis 2008 et du ralentissement de l’économie depuis 2013, après une décennie de forte croissance. Dans son discours de prés de quatre heures, Mme Kirchner a assuré que son gouvernement allait poursuivre la nationalisation des chemins de fer avec la création d’une société publique nationale, Ferrocariles Argentinos. Le gouvernement Kirchner a jusqu’ici nationalisé le système de retraite, la compagnie pétrolière nationale YPF (ex-Repsol) et la compagnie aérienne Aerolineas Argentinas. Le litige avec des «fonds vautours» sur le restant de dette non restructuré (7%) qui a valu à l’Argentine d’être placée en défaut de paiement partiel par des agences de notation n’a pas été abordé par Cristina Kirchner. Alors que les experts s’attendaient à un accord début 2015, le règlement du contentieux pourrait échoir à son successeur. Trois candidats sont présentés comme étant les favoris pour succéder à Mme Kirchner, qui ne peut pas se représenter après deux mandats consécutifs. Le gouverneur de la province de Buenos Aires Daniel Scioli, un péroniste qui veut incarner un changement tout en faisant partie de la coalition kirchnériste, et le conservateur Mauricio Macri, maire de la capitale et ex-président de Boca Juniors, sont les mieux placés à huit mois du scrutin. Sergio Massa complète le trio des favoris. Le candidat de Mme Kirchner, le ministre des Transports Florencio Randazzo, n’est pas en mesure d’atteindre le second tour, selon les sondages.