L’histoire de l’excédent de production de pomme de terre, qui a défrayé la chronique ces derniers jours, vient remettre sur le tapis la question de l’exportation des produits agricoles qui est, le moins que l’on puisse dire, insignifiante.
Les responsables du secteur de l’Agriculture, mettant en avant ce surplus – presque accidentel, de l’avis des spécialistes –, le brandissant comme un trophée, renvoie la balle dans le camp de l’industrie qui tarde à sortir l’artillerie de transformation et celui du commerce extérieur qui ne vient pas chercher les patates ne trouvant pas « mangeurs » parmi les Algériens.
Qu’en est-il réellement du plaidoyer, amplement accusateur, du ministère de l’Agriculture et du Développement rural ? « Cette histoire d’excèdent de production de la pomme de terre est loin d’être une nouveauté, elle revient chaque deux ou trois ans », dira le président de l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal), Ali Bey Nasri, qui refuse formellement de parler d’exportation quand il ne s’agit que d’excédents sporadiques. Et de conclure : « c’est un pur fantasme ! ». Le constat fait par le président de l’Anexal est sans équivoque : « Les conditions actuelles sont loin de permettre d’exporter de gros volumes, et ce n’est pas de 10 000 ou 20 000 tonnes d’exportation dont on devrait se targuer ».
Étant le premier maillon de la chaîne et sans quoi même le « fantasme » n’aurait pas été permis, la production devrait, en effet, être en quantités qui permette d’aller vers l’exportation. « Les marchés étrangers, dira M. Bey Nasri à ce sujet, ont besoin de stabilité et surtout de visibilité. Or, en interne, on n’a même pas encore mis en place les conditions et les mécanismes pour pouvoir produire suffisamment ».
Informel et non-conformité à la demande étrangère
« Pour la filière de la pomme de terre, dira M. Bey Nasri, depuis des années qu’on n’a pas dépassé le quota de 5 000 tonnes d’exportation. L’Égypte, elle, exporte 500 000 tonnes dont la moitié vers le marché européen ». La recette ? « Ils ont investi dans la qualité et répondent à l’impératif de l’adéquation entre l’offre et la demande », dira notre introducteur. En d’autres termes, il fallait – il faut – investir et produire en réponse à une demande internationale, et non pas, selon son bon vouloir.
L’Algérie a pourtant une opportunité qu’elle pourrait exploiter : la capacité de produire de la pomme de terre de l’arrière-saison qu’elle pourrait mettre sur le marché au moment de la diminution de l’offre mondiale. Toujours pour la même filière, elle pourrait également axer ses efforts sur la production de ce qu’on appelle la pomme de terre « fritable ». Or, selon les spécialistes, celle produite en Algérie contient de grandes quantités d’eau, ce qui la rend peu prisée sur le marché européen. « Il ne s’agit, selon notre interlocuteur, que d’un problème de semences pas trop difficile à régler ». Ne possédons-nous donc pas la technicité et le savoir-faire adéquats ? « Dire qu’on maîtrise le protocole technique de la production est une aberration », dira le président de l’Anexal. Et d’ajouter : « Même le traitement phytosanitaire laisse à désirer ».
Et, pour aller vers une réelle activité exportatrice, il faut aussi maîtriser les statistiques de ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Or, dira M. Bey Nasri, « le marché agricole est un marché totalement informel. On est loin de maîtriser la production, et l’on ignore si les chiffres annoncés sont réels ou non ».
À notre question de savoir si le nouveau Gouvernement donne des signes d’une volonté d’aller vers une réelle politique d’exportation, notre interlocuteur rétorque : « je pense que la priorité de la nouvelle équipe n’est pas d’aller vers le marché international, mais uniquement de satisfaire le marché national. Cependant, n’anticipons pas. Attendons les actes ».
Hamid F.