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Afghanistan : Hamid Karzaï sur la corde raide

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Dans son effort de réchauffement des relations avec le Pakistan et les Etats-Unis, le président afghan Ashraf Ghani est aux antipodes de son prédécesseur Hamid Karzaï, mais cette volte-face diplomatique ne fait pas encore l’unanimité en Afghanistan, estiment des experts. Depuis son arrivée au pouvoir en septembre, M. Ghani s’est employé à tenter de relancer les négociations avec les talibans dans l’espoir de stabiliser le pays miné par 13 ans de conflit.Mais il se heurte encore, y compris dans son propre gouvernement d’union nationale, au scepticisme envers le Pakistan et aux craintes de voir Kaboul devenir trop dépendant de Washington. À Washington, M. Ghani a obtenu un ralentissement du rythme du retrait des troupes américaines d’Afghanistan. Et avec Islamabad, souvent présenté comme un soutien historique des talibans, le président a entamé un rapprochement pour donner plus de poids à son effort visant à amener les insurgés à la table des négociations. Sous M. Ghani, le rapprochement avec le Pakistan a pris la forme d’une coopération en termes de sécurité et de renseignement. Dans un geste symbolique, il a envoyé récemment des élèves officiers afghans étudier au Pakistan, un événement impensable il y a quelques mois. Dans le camp Karzaï, ces retournements font d’ailleurs grincer des dents. «Dans son impatience de progresser avec les talibans, Kaboul parie un capital politique précieux sur des changements superficiels de la politique du Pakistan», a souligné récemment l’ex-ministre de l’Intérieur, Mohammed Umer Daudzai, dans le New York Times. «Sur la nécessité d’avoir un rapprochement avec le Pakistan, il y a deux états d’esprit différents: le premier n’accorde pas de crédit à la (nouvelle) politique du Pakistan et mise sur un retour à la normale dans les prochains mois», estime Davood Moradian, directeur du cercle de réflexion Afghan Institute of Strategic Studies. «Le second s’inquiète du coût d’un rapprochement avec le Pakistan. L’Afghanistan va-t-il abandonner son processus démocratique et constitutionnel pour faire place aux talibans? Cela signifie-t-il l’abandon d’une politique étrangère indépendante?», s’interroge l’analyste.

«Ghani n’est pas Karzaï»
Mais Islamabad assure que les deux pays ont des intérêts communs dans la «lutte contre le terrorisme». De son côté, M. Ghani compte sur la coopération du Pakistan, en particulier depuis le raid taliban contre une école de Peshawar, qui a fait 154 morts, dont une majorité d’écoliers, en décembre.
Mais même si le Pakistan est sincère, reste à déterminer quelle influence il peut réellement avoir sur les talibans pour les convaincre de joindre le processus de paix afghan. Les insurgés, qui exigent le retrait de tous les soldats étrangers d’Afghanistan comme condition préalable au dialogue, estiment que le ralentissement du retrait américain va compromettre les efforts de paix. Mardi, le président Barack Obama a annoncé le maintien de 9 800 soldats en Afghanistan jusqu’à fin 2015, alors que le calendrier initial prévoyait de diviser ce nombre par deux. Mais le retrait définitif est toujours prévu fin 2016. Pour l’analyste politique afghan, Haroon Mir, les talibans ne sont tout simplement pas disposés à faire la paix. «Ils ont des différences idéologiques avec nous, cela rend un accord difficile, sinon impossible. Ils soutiennent l’extrémisme, sont contre le droit des femmes, l’éducation des filles et la liberté de parole… Ce sont les principales raisons pour lesquelles ils ne sont pas d’accord avec nous sur la paix», dit-il. Et selon un membre du Haut conseil pour la paix, un organisme mis sur pied par le gouvernement afghan pour établir des contacts avec les talibans, l’ouverture de M. Ghani envers Washington a compliqué les efforts de paix avec les insurgés. «Je comprends le besoin d’avoir de bonnes relations avec le monde, les pays de la région et les pays occidentaux. Mais je pense que nous sommes allés un peu plus loin que nous aurions dû», explique à l’AFP ce responsable sous couvert d’anonymat.
«Lors de son voyage aux Etats-Unis, Ghani a remercié les Américains pour leurs sacrifices, mais il n’a pas parlé des milliers d’Afghans tués depuis l’invasion américaine. C’était provoquant et cela jouera contre les efforts de paix». Beaucoup d’Afghans, par crainte d’une dégradation de la situation à l’irakienne, ont toutefois salué la décision de retarder le départ des troupes américaines au moment où les forces afghans se préparent en ce moment à leur première saison de combats sans l’appui massif des forces de l’Otan. «M. Karzaï n’arrêtait pas de blâmer les Etats-Unis au point où nos relations (avec Washington) avaient atteint le fond du baril», souligne M. Mir. «Mais le président Ghani n’est pas Hamid Karzaï et c’est pourquoi je pense qu’il aura plus de succès».

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