Accueil ÉCONOMIE Abderrahmane Mebtoul : «le gouvernement axe sa stratégie pour une transition énergétique»

Abderrahmane Mebtoul : «le gouvernement axe sa stratégie pour une transition énergétique»

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Le Courrier d’Algérie : L’Algérie comme les pays de l’Europe, veut relancer des grands projets d’énergies et ceux dans son intérêt, vu que les réserves de pétrole ne sont pas éternelles. Les projets concernent les énergies renouvelables comme le solaire et le gaz naturelle. Qu’en pensez-vous ?
Abderrahmane Mebtoul: Pour l’Algérie, le constat en 2013 est que 96% de l’électricité est produite en Algérie à partir du gaz naturel, 3% à partir du diesel (pour les régions isolées du sud), 1% à partir de l’eau et que face aux contraintes , il y a une prise de conscience, qui fait que le gouvernement axe sa stratégie pour une transition énergétique maîtrisable autour de cinq axes privilégiant un bouquet énergétique , ayant les moyens de son financement, mais privilégiant le transfert de savoir-faire managérial et technologique , où un partenariat gagnant/gagnant pourrait se réaliser dans le cadre du co-développement. Concernant le développement des énergies renouvelables, l’Algérie a réceptionné en mi-juillet 2011 la centrale électrique hybride à Hassi R’mel, d’une capacité globale de 150 MW, dont 30 MW provenant de la combinaison du gaz et du solaire. Cette expérience est intéressante. La combinaison de 20% de gaz conventionnel et 80% de solaire, me semble être un axe essentiel pour réduire les coûts et maîtriser la technologie. Des mesures incitatives sont prévues par une politique volontariste à travers l’octroi de subventions, pour couvrir les surcoûts qu’il induit sur le système électrique national et la mise en place d’un fonds national de maîtrise de l’énergie (FNME), pour assurer le financement de ces projets et octroyer des prêts non rémunérés et des garanties, pour les emprunts effectués auprès des banques et des établissements financiers.

Parmi ces projets figure celui de Galsi, un projet algéro-italien. Ce projet a connu plusieurs arrêts pour divers raisons, pensez-vous que cette fois-ci la relance sera prometteuse ?
Ce projet a connu des hauts et des bas. Je les cite : Les travaux de construction du gazoduc Galsi devant relier l’Algérie à l’Italie et dont les études sont terminées démarreront en 2010″ – (ministre de l’Energie -APS- 01 juin 2009). Ensuite, « le projet Galsi se déroule normalement » -(le ministre de l’Energie – APS 08 mars 2011)». Ensuite les travaux de réalisation du projet Galsi seront entamés une fois la rentabilité économique confirmée » (ministre de l’Energie – Forum du quotidien Chaab/APS- 20 février 2013). Et enfin le 28 janvier 2015 la décision finale de l’investissement (projet Galsi) a été reportée à avril 2015, les partenaires étant en train d’étudier la possibilité de construire ce projet transcontinental (P-DG par intérim de Sonatrach 5). Pourtant, le 26 novembre 2011 à la télévision française (France 3), j’avais attiré l’attention des autorités algériennes de la possibilité d’une non rentabilité du projet Galsi du fait de surcoûts. Que de pertes de temps et d’argent au détriment de l’Algérie !

Devant relier directement l’Algérie à l’Italie via la Sardaigne pour un investissement de 2/3 milliards d’euros, le coût en 2014 du projet GALSI, dont la mise en service initialement était prévue pour courant 2014, dépasserait largement 4 milliards de dollars selon certains experts. Etes-vous de cet avis ?
Rappelons qu’un accord intergouvernemental relatif à ce projet a été conclu en novembre 2007 entre l’Algérie et l’Italie. Ce gazoduc doit relier Hassi-R’mel à El Kala dans sa partie “On shore” sur une longueur de 640 km. Dans sa partie “offshore”, le projet reliera El Kala à Cagliari en Sardaigne sur une distance de 310 km. Le niveau de participation de Sonatrach est de 36%. Une fois concrétisé, il devait acheminer, directement en Italie, un volume annuel de 8 milliards de M3 de gaz. Dans le cadre de l’arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité, publié au Journal Officiel du 10 janvier 2010 français, il était prévu que pour la Corse, les nouvelles centrales thermiques fonctionnerait au gaz naturel, dès lors que le raccordement de la Corse au gazoduc Algérie-Italie via la Sardaigne (Galsi) serait réalisé. Or, contrairement à la majorité des élus corses qui sont favorables au projet Galsi, il semblerait que la majorité des élus de la Sardaigne s’oppose pour l’instant, à la réalisation de ce projet du moins dans le tracé traditionnel pour des raisons écologiques et autres et du fait de l’autonomie de cette région, le gouvernement central italien ne pouvant rien faire sans l’aval des élus locaux. Contrairement aux affirmations officielles algériennes, pour le maire de la Sardaigne, dans une émission à la télévision française (France 3), je le cite « jamais le projet Galsi ne passera en Sardaigne dans son tracé initial » (voir documentaire d’une heure a été diffusée le 29 novembre de 20h30 à 21h45 sur la télévision française (France 3) Corse consacré au projet Galsi).

Pensez-vous également que le projet Trans Saharan Gas Pipeline pourra permettre d’accroitre les capacités d’exportation ?
Dans ce cadre, se pose le problème de la rentabilité de ce projet où suite au mémorandum d’entente qui avait été signé en janvier 2002, entre Sonatrach et la Nigerian National Petroleum (NNPC), réunis à Abuja au Nigeria, les ministres du Pétrole et de l’Energie d’Algérie, du Niger et du Nigeria, avaient également signé le 3 juillet 2009 un accord pour construire un gazoduc baptisé Trans Saharan Gas Pipeline (TSGP), de 4 128 kilomètres (dont 2 310 km pour le territoire algérien) qui devrait servir à alimenter l’Europe en gaz ( 20/30 milliards de mètres cubes) puisé dans le delta du Niger au sud du Nigeria. Avec un coût prévu initialement à 7 milliards de dollars, il aurait dépassé actuellement les 15 milliards de dollars, une étude de l’Institut français des relations internationales IFRI donnant 20 milliards de dollars. Ce projet financé pour partie par l’Europe avec la crise d’endettement, outre, les tensions géostratégiques au niveau du Sahel, est-il réalisable d’autant plus que comparé au prix actuel, son coût est trop élevé et se pose la problématique de sa rentabilité. En résumé, la demande extérieure des hydrocarbures pour l’Algérie d’une manière générale sera fonction d’une reprise ou pas de l’économie mondiale, de l’évolution du cours du dollar, des investissements dans les énergies substituables, d’une entente entre les USA et l’Arabie saoudite, qui détermineront l’évolution du prix international. L’Algérie est une économie totalement rentière, 98% des exportations en devises étant le fait de Sonatrach. Toute chute des cours entraine des conséquences financières, sociales et politiques, du fait de la dominance de l’État providence. Rappelons la chute des cours en 1986 avec toutes les ondes de chocs politiques, économiques et sociales entre 1988/1994 (rééchelonnement) et de près de 45% des recettes en devises de Sonatrach après la crise de 2008/2009. Comme se pose cette question stratégique: quelles sont les réserves prouvées du pétrole et du gaz, sachant que l’Algérie habitera 50 millions d’habitants dans 25 ans, les coûts d’exploitation, le bilan devises des investissements de Sonatrach réalisés à l’étranger ? Le temps en économie ne se rattrape jamais, cela implique, face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales, un nouveaux management tant du Ministère de l’Energie que de Sonatrach et surtout réhabiliter le Conseil National de l’Energie, seul habilité, selon la Loi en vigueur, à définir la stratégie énergétique.

Comment vous voyez la problématique des réserves énergétiques en Algérie ?
Pour calculer la durée de vie des réserves en Algérie, il s’agit de prendre en compte l’évolution des coûts et des prix internationaux, pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables. La durée de vie des réserves est également influencée par le volume tant les exportations que de la forte consommation intérieure du fait du bas prix du gaz, un des plus bas au niveau du monde, bloqués par la décision du 30 mai 2005. Pour 2012 selon les statistiques internationales l’Algérie aurait 12, 2 milliards de réserves prouvées, représentant 0,8% du mondial sur un total mondial de 1 478,2 contre par exemple 297,7 pour le Venezuela et 265,8 pour l’Arabie Saoudite. Les réserves estimées du gisement de Hassi Messaoud qui étaient de l’ordre de 9 milliards de barils avec un taux de récupération d’environ 20 %. Cependant, selon les statistiques internationales entre 4 et 5 milliards de barils ont déjà été extraits, restant donc entre 4 et 5 de réserve à Hassi Messaoud qui produit actuellement environ 400 000 barils/jour , représenterait donc à lui seul près du tiers de la dotation initiale du pays. La production à ce jour serait de l’ordre de 16%. Sur la base d’un taux de récupération de 30%, il devrait rester 15% encore récupérable soit au rythme de 400 000 barils/jour (146 millions barils/an) pour une dizaine d’années encore. Les normes actuelles n’envisagent en fait que 25% de taux de récupération.
Entretien réalisé par I. B.

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