Interrogé à commenter le rapport d’étape concernant l’enquête du crash du vol de la compagnie aérienne nationale, survenu, juillet 2014, tel qu’il a été notamment rendu public par le Bureau français des enquêtes et d’analyses (BEA), le P-DG d’Air Algérie, Mohamed-Salah Boultif, a précisé que la compagnie qu’il dirige n’a aucune responsabilité dans ce crash. «Ce n’est pas un avion d’Air Algérie, l’Algérie est victime dans l’accident du crash», a-t-il affirmé d’emblée. C’est ainsi que le premier responsable de la compagnie nationale a répondu à une question relative à cet accident, lors de son intervention, hier, au forum du quotidien «Liberté». Il pèse encore ses mots et explique que l’entreprise qu’il dirige n’a fait qu’affréter un appareil auprès d’une compagnie européenne, dont les membres de l’équipage disposent de licences européennes. Plus encore, l’orateur a tenu à assurer que l’avion en question a été contrôlé par l’AESA (Agence européenne de sécurité aérienne), que ce soit l’appareil lui-même, son équipage, son assurance et sa maintenance…, a-t-il fait savoir. En effet, Boultif tient à cet argument du fait que les pays de ce continent sont à la pointe de la technologie aérienne, donc, sa compagnie qui a mené sa procédure de location d’un appareil, pour palier notamment au manque de sa flotte, s’est conformée aux normes internationales requises, et de ce fait, elle n’a rien à se reprocher, a-t-il laissé entendre pour dégager toute responsabilité pouvant incriminer Air Algérie. En revenant au rapport d’enquête publié par le BEA, il estime qu’il ne s’agit pas de conclusions de l’enquête, mais d’un communiqué de presse qui expose le scénario plausible de l’accident, en sachant, a-t-il précisé, que l’enquête définitive devra être achevée en décembre 2015. Il indique, par ailleurs, que le risque zéro n’existe pas dans de tels incidents, fréquemment enregistrés dans le domaine de l’aviation civile. D’ailleurs, le premier responsable d’Air Algérie, a fait lecture abrégée du document du BEA, en soutenant plus au moins la thèse avancée, selon laquelle, les membres de l’équipage n’ont « vraisemblablement» pas activé le système de dégivrage des capteurs de pression, non sans laisser une marge de doute, étant donné que l’enquête suit toujours son cours, a-t-il prévenu. À croire les premières conclusions des travaux d’investigations, la manœuvre des pilotes aurait été salutaire pour l’appareil « McDonnell Douglas 83 », de la compagnie espagnole Swiftair, qui s’est écrasé l’été dernier, dans la région de Gossi, au nord du Mali. À titre de rappel, 116 personnes ont péri dans ce drame, parmi lesquelles 110 passagers et 6 membres de l’équipage. Ce qui a été d’ailleurs soutenu par Boultif en précisant que des incidents similaires de même nature se sont déjà produits dans le passé, et grâce à l’esprit de veille des membres de l’équipage les dégâts occasionnés sont limités. Il rappelle également que Swiftair a enregistré un même accident dans l’un de ses avions, une année seulement avant celui qui s’est produit sur le vol d’Air Algérie. En dépit, a-t-il expliqué, du paramètre expérience qu’il faudra en tenir compte selon les recommandations du BEA, en vue d’éviter d’autres crashs à l’avenir.
Air Algérie «en avance»
Dans le même sillage, le P-DG d’Air Algérie a abordé lors des débats ayant suivi le forum, le dernier crash survenu sur un avion de la compagnie allemande « Germanwings », en France, le 24 mars dernier. En évoquant la question de la sécurité et de la sûreté aériennes, et tout en rappelant que lors de cet accident le copilote n’a pas ouvert la porte donnant accès au cockpit (poste de pilotage de l’avion, Ndlr) à son coéquipier, l’Algérie a anticipé ce genre de situation, et a adopté depuis 2007, un système de mise en place d’une troisième personne à bord (chef de cabine). Celui-ci, a-t-il expliqué, devra assurer le pilotage de l’avion en cas de la défection de l’un des autres membres de l’équipage. À la question de savoir si des mesures devront être prises après cet accident, Boultif a indiqué qu’il y aura effectivement de nouvelles recommandations dans la communauté aérienne, bien que la compagnie nationale ait pris de l’avance concernant cette mesure, par rapport à d’autres compagnies aériennes opérant à travers le monde.
Retards de vols : les justifications de Boultif
Le P-DG d’Air Algérie a expliqué les contours de la politique dite « Hub » ou transit, adoptée notamment par cette entreprise nationale qu’il qualifie «de porte-drapeau et d’ambassadrice de l’Algérie», en estimant que l’ambition d’opérer sur le marché international ne manque pas. En effet, le plan de son développement entamé depuis 2015, s’articule autour de l’ouverture de 13 nouvelles lignes internationales, essentiellement vers les capitales de 10 pays africains, mais aussi vers les États-Unis (New York), la Turquie (Istanbul Sabeha) et l’Italie (Venise). Afin de concrétiser ce programme, Air Algérie compte acquérir comme cela a été déjà rapporté, 16 avions pour rénover sa flotte.
A l’heure actuelle, 2 avions ont été déjà achetés. Il s’agit d’un ATR-72-600 (décembre 2014) et d’un Airbus A330-200 acquis il y a quelques jours. Selon les chiffres indiqués par Boultif, Air Algérie devra avoir toute la flotte des nouveaux appareils d’ici décembre 2016. En revenant sur les ambitions de sa compagnie, l’orateur a révélé qu’il compte à travers ce plan augmenter les parts de marché de l’entreprise, qui enregistre en 2014 une hausse nette de 2,6% pour atteindre 52%, par rapport à l’année précédente (49,3%). L’optimisme du responsable ne reste pas là, puisque l’entreprise qu’il dirige indique que son chiffre d’affaires a connu une augmentation de 10,5% cette année en comparaison à 2013, soit un montant arrêté à 77,1 milliards de DA en 2014 et à 69,6 milliards à la même période de 2013. Interpellé sur le nombre de couacs enregistrés par sa compagnie, Boultif, a répondu en faisant à chaque fois référence à son programme de développement. À titre d’exemple, il a justifié les retards fréquents constatés dans les vols, à «un cumul de petits retards », du à une raison « X », enregistré notamment par l’avion durant son transit, a-t-il expliqué. S’agissant des 250 passagers pèlerins bloqués depuis vendredi dernier à l’aéroport de Djeddah, qui attendent de rentrer au pays, Boultif a confirmé que 2 avions ont été affrétés, dimanche dernier, pour acheminer les compatriotes algériens, a-t-il indiqué. Par ailleurs, à une question de savoir si la compagnie nationale continuera dans sa procédure de recours à l’affrètement d’avions pour assurer des vols dans le cadre des opérations prochaines de la Omra en Arabie saoudite, l’orateur a souligné que cela n’est pas nécessaire, du fait que la compagnie pourrait prétendre avoir une flotte complète pour couvrir ses besoins, allusion faite au plan d’acquisition progressive de nouveaux appareils.
Intervenu sur l’ouverture de l’espace aérien, Boultif a emboîté le pas au ministre des Transports, Amar Ghoul, qui a déclaré à maintes reprises, que la décision revient du gouvernement du fait qu’elle relève au la souveraineté nationale.
Ainsi donc, le P-DG d’Air Algérie a rappelé que seuls les pouvoirs publics pourraient statuer sur cette question. Cependant, en parlant en son nom personnel, il a tenu à souligner d’une manière concise que l’Algérie n’est pas prête à ouvrir son ciel aux compagnies internationales. Néanmoins, s’agissant de son avis personnel, il indique qu’il est favorable à une telle décision, qui reste, cependant l’apanage du gouvernement, a-t-il rappelé. En effet, les craintes des pouvoirs publics, s’expliquent par le fait que la compagnie nationale ne dispose pas d’avantages concurrentiels, à même de rivaliser avec des compagnies qui ont fait leurs preuves dans le domaine aérien. C’est cela d’ailleurs qui semble constituer le point faible d’Air Algérie, tant que celle-ci ne se voit pas encore tenir tête aux grosses cylindrées du ciel.
Farid Guellil