«En l’absence d’une solution politique, le pays peut être entraîné dans une véritable guerre civile», a averti le ministre libyen des Affaires étrangères, Mohamed Dayri, mardi soir, en visite à la capitale française, Paris.
Soulignant que son gouvernement, reconnu par la communauté internationale, ne plaidait pas «pour une nouvelle intervention militaire occidentale (ndlr : la première celle de l’Otan en 2011)», le responsable libyen a indiqué, par ailleurs, que «la formation d’un gouvernement d’union nationale est une priorité libyenne avant d’être une demande internationale», a-t-il précisé. Ajoutant toutefois «mais si nous parvenons dès demain à former un tel gouvernement», «il nous faut de l’aide pour l’armée libyenne» a fait savoir Mohamed Dayri. La Libye qui, depuis février 2011, début de la crise, suivi de l’intervention militaire de l’Otant, laquelle a précipité la chute du régime Kadhafi sur fond de l’incapacité du Conseil national de transition (CNT) d’assumer et assurer la gestion des affaires de la cité, a été plongée dans une crise politique, institutionnelle et sécuritaire. Situation qui a favorisé au bruit des armes de prendre le dessus sur tout processus politique inter-libyen, sur fond notamment du rôle joué par des acteurs sur la scène internationale, dont la Turquie et le Qatar, l’ensemble de ces donnes a plongé le pays dans un chaos aux conséquences gravissimes, au profit de l’activité de groupes terroristes. Des efforts consentis, pour rappel, à ce jour, par des acteurs libyens, régionaux et internationaux notamment les Nations unies et le groupe composé des pays voisins à la Libye ont permis la tenue de rounds de négociations interlibyens, sous l’égide de l’ONU, à Genève en janvier dernier, puis de la réunion à Ghadamès, en Libye.
Le crime barbare de Daech contre les 21 ressortissants égyptiens, suivi, quelques heures après, des frappes de l’aviation militaire égyptienne contre les positions dudit groupe terroriste, à Derna, a fait resurgir des appels d’acteurs, sur la scène internationale, à une intervention militaire étrangère au pays d’Omar El-Mokhtar. N’ayant pas été abordé sur la table de la réunion du Conseil de sécurité (CS) de l’ONU, même si cette requête fut exprimée officiellement, notamment par Le Caire et la Ligue arabe, le CS a opté pour la poursuite du processus de négociations précité. Si sur la décision du Parlement dépendant de son gouvernement «de suspendre» sa participation au round des négociations, prévu aujourd’hui au Maroc, le ministre des Affaires étrangères libyen, dont le gouvernement reconnu par la communauté internationale, affirme qu’il ne s’agit pas «de remise en cause du dialogue», et promet «le retour» à la table de négociations sans préciser la date.
La portée de la rencontre
Une opinion libyenne, notamment des experts en questions politiques, s’exprimant à travers des médias lourds et presse écrite de la scène régionale et internationale, s’interrogent sur les raisons ayant abouti au choix du Royaume marocain pour abriter ce conclave inter-libyen. Géographiquement n’étant pas limitrophe avec la Libye, Rabat n’a pas suivi de près et n’a pas été un acteur dans les efforts consentis dans une dynamique d’ensemble par l’ONU, l’UA et les pays du voisinage, à savoir le Niger, la Tunisie, l’Algérie, le Soudan, l’Égypte et enfin le Tchad. Exprimant leurs craintes de voir que des interférences d’acteurs internationaux, notamment Paris et le Qatar, ont pesé pour la tenue d’un conclave inter-libyen aujourd’hui au Maroc, après avoir entamé ce processus à Genève et à Ghadamès. «En l’absence d’une solution politique, le pays peut être entraîné dans une véritable guerre civile», a averti, mardi soir, le ministre libyen, Mohamed Dayri, avant d’ajouter par ailleurs «il nous faut de l’aide pour l’armée libyenne» et que «le terrorisme ne constitue pas un danger pour la Libye et les seuls pays voisins, il s’agit d’une menace qui s’intensifie contre l’Europe», a-t-il déclaré. La semaine dernière, devant la réunion précitée du Conseil de sécurité de l’ONU, sur la Libye, le responsable libyen a appelé, pour rappel, à une levée de l’embargo imposé depuis 2011 aux armes destinées à la Libye, pays soumis à cette date sous le chapitre VII des Nations unies. Rappelons, par ailleurs, qu’Alger dans le cadre de ses efforts en faveur du dialogue inter-libyen, dans le cadre de l’UA, ou du groupe des pays voisins à ce pays, a réaffirmé, jeudi dernier, «nous ne croyons pas à la solution militaire», a souligné le ministre des Affaires étrangères, Ramatane Lamamra. Indiquant dans ce même ordre d’idées que «nous (l’Algérie) ne croyons pas que le fait de nourrir l’escalade par la fourniture d’armement ou par des mesures de ce genre serait de nature à favoriser le nécessaire apaisement des cœurs et des esprits, afin d’aller vers la solution consensuelle que nous appelons de tout le temps», a-t-il dit au cours de la conférence de presse conjointe avec le secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères et du Commonwealth, Philip Hammond, en visite, en Algérie, jeudi dernier. «Notre position est tout à fait la même et elle est très claire, nous sommes pour la solution politique, pour le dialogue inclusif, pour des institutions démocratiques et représentatives dans le cadre de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale, de la souveraineté de la Libye», a aussi précisé Lamamra. Il a, à cet égard, exprimé l’espoir que l’action menée à cette fin par le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la Libye, Bernardino Léon, soit «rapidement couronnée de succès», affirmant que le facteur temps était «extrêmement important». Ajoutant plus loin qu’«Il est temps et il est nécessaire que toutes les parties libyennes se mobilisent et que toutes les bonnes volontés les aident également», a insisté Lamamra, qui a néanmoins relevé «le rôle particulier» qui incombe aux pays voisins précités de la Libye. En visite à Alger, mardi dernier, Bernardino Leone, Représentant spécial de l’ONU pour la Libye, a mis l’accent sur les relations «privilégiées» entre l’Algérie et l’ONU, soulignant que l’Algérie demeure un «acteur fondamental et incontournable dans la région». Au terme de l’audience accordée au responsable onusien, Abdelkader Messahel, ministre délégué, chargé des Affaires maghrébines et africaines, a indiqué que «nous restons optimistes quant à une solution politique à même de résoudre la crise libyenne par la négociation», après avoir rappelé la position de l’Algérie. Celle-ci consiste, a-t-il souligné «à encourager et œuvrer en faveur d’une solution pacifique et politique sur la base d’un dialogue inclusif inter-libyen, d’où sont exclus les groupes terroristes». Rencontre entre Bernardino Leon et Abdelkader Messahel «qui rentre dans le cadre des consultations permanentes entre l’Algérie et les Nations unies», a fait savoir le responsable algérien avant d’indiquer «au cours de laquelle (la rencontre) nous avons évoqué la situation en Libye et les derniers développements dans ce pays».
Karima Bennour