C’est la première fois qu’un tel nombre de contaminations quotidiennes a été atteint depuis l’apparition de la pandémie en notre pays. La barre des 200 cas confirmés atteinte le 29 avril dernier est dépassée de loin.
Ce sont 240 nouveaux cas confirmés qui ont été enregistrés au cours des dernières 24 heures, comme communiqué, hier, par Docteur Djamel Fourar, porte-parole du Comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie en Algérie. Quant au nombre des décès, il reste plus ou moins stable à 7 cas, alors que le nombre des malades guéris pour la même journée était de 146 personnes.
En effet, à quelques jours de la date butoir de la deuxième phase du déconfinement, on s’attend donc à de nouvelles mesures devant accompagner la nouvelle situation épidémiologique du pays qui, il faut le dire, n’augure rien de bon.
En effet, après une accalmie de quelques jours où le nombre des contaminations au coronavirus, a, sensiblement, baissé pour atteindre les quatre-vingt-sept (97) cas, voilà que la courbe remonte, crescendo, pour atteindre les 240 cas en 24 heures (bilan d’hier vendredi). Une situation qui devient de plus en plus inquiétante.
Un vrai cri de détresse a été, d’ailleurs, lancé par les professionnels de la santé à partir de la wilaya de Sétif où, à en croire ces sources, les lits dans les établissements sanitaires affichent complets et occupés par de nouvelles contaminations du coronavirus. Et plus encore, plusieurs membres du personnel soignant ont contracté le virus.
Si au début de l’apparition de la pandémie en Algérie la situation était jugée sous contrôle et qu’il n’y avait pas de saturation dans les hôpitaux, aujourd’hui c’est une autre réalité. Le Pr Mohammed Yazid Kadir, épidémiologiste au CHU de Batna a révélé, il y a quelques jours, que les établissements hospitaliers dans plusieurs villes du pays sont « surchargés » et donc ne « pouvant plus » prendre en charge les malades en raison de la fulgurante hausse des cas confirmés. «À un moment donné, la saturation était au [CHU] de Tlemcen, maintenant c’est à Sétif, Parnet et Bab El-Oued (à Alger) », dit-il.
Que doit-on faire maintenant que les cas de contamination ne cessent de grimper ? Et à qui incombe la responsabilité de cette recrudescence qui rappelle, à bien des égards, les débuts de cette pandémie avec les résultats que l’on connait ?
Pour les autorités du pays, la population est entièrement responsable de cet état des lieux, en raison de son insouciance et irresponsabilité dans le respect des mesures préventives, entre le port de la bavette et le respect de la distanciation sociale. Ce qui est peut-être vrai.
Et il suffit d’observer pour se rendre compte à tel point que les choses sont prises à la légère. Aucune mesure n’est vraiment respectée en dépit des incessants rappels à l’ordre, verbal en général. Mais peut-on faire porter le chapeau au seul citoyen ? En vérité l’État est plutôt mou dans la prise des décisions et semble désorientée sur la position à adopter pour, à la fois, sauver l’économie et le social, et au même temps venir à bout de la pandémie.
Un pari difficile. Une vraie erreur de stratégie qui a fait que le pays se retrouve à la case de départ après tant d’efforts. Les autorités donnent l’image d’une entité qui ignore tous des pulsions psychologiques et comportementales de ses concitoyens et semble se préoccuper des questions économiques et sociales au détriment d’une gestion efficiente de la crise sanitaire.
« Une responsabilité partagée », selon les professionnels
Pour les professionnels de la santé : La responsabilité est plutôt partagée et qu’il ne faut pas endosser le tout au seul citoyen car les autorités du pays ont une grande responsabilité dans la situation actuelle. « Aujourd’hui, la situation épidémiologique en générale est dans un constat qui ne rassure pas », a indiqué récemment Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP). « Nous avons du mal à travailler avec les mentalités des citoyens », a-t-il dénoncé. Mais Dr Merabet ne se contente pas d’accabler le citoyen lambda pour le tenir comme seul responsable de la dégradation de la situation épidémiologique alors que le pays était à deux doigts d’en finir avec cette maladie avant que la situation ne prenne un autre tournant où le virus commence, à nouveau, à gagner du terrain. Il pointe du doigt les autorités du pays qui, à ses yeux, ne doivent pas s’en laver les mains de ce qui est devenue, aujourd’hui, la situation.
« Nous avons constaté, dès le départ qu’il y avait une situation ambiguë entretenue dans la façon de gérer cette crise, nous nous sommes (les autorités) occupées d’une manière prioritaire des retombées économiques et sociales du confinement et de la crise, négligeant de mettre en place réellement des mesures pour essayer de contrecarrer ses répercussions sanitaires », a-t-il souligné. Le constat actuel lui donne sûrement raison.
Que faire alors ?
Le Dr Lyes Merabet plaide pour la mise en place d’une bonne stratégie, contenant un large dépistage et l’isolement des cas suspects, et invite le ministère de la Santé à travailler en coordination absolue avec le partenaire social et les professionnels de la santé qui sont sur le terrain « les plus connaisseurs de la situation». Le temps presse alors, les autorités doivent prendre les mesures qui s’imposent afin de stopper l’avancée galopante de la maladie, car il s’agit de la santé de toute une population. Qelle que soit la décision prise en tout cas, elle prendra d’abord en compte l’avis des scientifiques, notamment les recommandations du Comité scientifique de suivi de l’évolution de la situation. Le temps n’est plus à l’attente et autres tergiversations. On a souvent évoqué le confinement ciblé par région ou même par commune- une piste privilégiée par les autorités pour éviter le confinement national-. Mais qu’attendent-elles (les autorités) pour le mettre en exécution et le décréter dans les régions qui enregistrent le plus de contamination ? Quand les cas de contaminations s’affichent à la hausse cela veut dire que la situation est loin d’être maÎtrisée. Bien au contraire, cela est synonyme de perte de tout contrôle. Il est du devoir des autorités d’assurer la sécurité de ses concitoyens. Les décisions et le respect de leurs applications relèvent de ses compétences et peuvent recourir à la force publique, si nécessaire. Le simple citoyen est appelé, soit à se soumettre aux règles dictées, soit à subir le châtiment qui s’impose. Le reste c’est à la charge de l’État.
Brahim Oubellil