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Soudan du Sud : La vie après la guerre des enfants-soldats

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A 11 ans, quand Baba John a fui la milice dont il avait grossi les rangs quelques mois auparavant au Soudan du Sud, il avait déjà arrêté le décompte macabre du nombre de cadavres qu’il avait vus.

Cette période de meurtres et de pillages avait débuté avec une lourde décision à prendre, de celles dont on sort forcément perdant: tuer ou être tué. Son village près de la localité de Pibor (est) venait d’être attaqué par un des nombreux groupes armés impliqués dans la guerre civile au Soudan du Sud, la Faction Cobra. Il avait survécu à l’assaut mais, craignant de ne pas être aussi chanceux la fois d’après, il avait décidé de quitter sa famille et de s’enrôler dans la milice. « J’ai été obligé de tirer et de piller », se souvient Baba John. L’adolescent, qui a désormais 15 ans, fut ensuite relâché dans le cadre d’un programme du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) dédié aux enfants-soldats.
Depuis que le Soudan du Sud a plongé dans la guerre civile fin 2013, deux ans seulement après son indépendance, environ 19.000 mineurs ont été contraints de faire la guerre, dans les rangs de l’armée, de la rébellion ou de milices locales, selon une estimation de l’Unicef. Près de 3.000 d’entre eux ont été libérés depuis 2015.

De la Kalach à la houe
Quand Baba John est rentré chez lui, où il a retrouvé sa mère et ses cinq frères et soeurs, il portait encore les vêtements mal ajustés de ses victimes. Retour donc à la case départ, Pibor et son habitat clairsemé, sa piste d’atterrissage en terre et une immense tente de la taille d’un hangar où sont stockés les sacs de nourriture de l’aide humanitaire pour la région.
Pourtant, en dépit de conditions de vie précaires et de la guerre qui a continué de faire rage jusqu’à la signature fin juin d’un cessez-le-feu, Baba John a de l’espoir. Sourire aux lèvres, la chemise à rayures bien mise et rehaussée d’un bracelet de perles au poignet, le jeune homme se destine désormais à l’agriculture, apprenant les techniques d’ensemencement et de récolte. « Je veux devenir un fermier afin de pouvoir aider ma famille », explique-t-il. Le cadre offert par un enseignement structuré et l’apprentissage de savoir-faire contribuent au travail de reconstruction psychologique des anciens enfants-soldats, assure Muraguri Wachira de l’organisation Vétérinaires sans Frontières-Allemagne, qui gère ce programme de réinsertion à Pibor. « Nous travaillons avec quelque 1.500 enfants », précise la responsable.
Des cauchemars viennent toujours écourter les nuits de Baba John mais, comme d’autres, il commence à entrevoir un futur sans combats. Martha, elle, avait à peine 10 ans quand elle fut incorporée à la Faction Cobra avec sa mère. C’était il y a six ans. « La quasi-totalité de mon village est partie en brousse à cette période », se souvient-elle. « Partir en brousse », une expression pudique que Martha se charge d’expliciter: la faim et l’insécurité avaient poussé les villageois à chercher la protection d’un groupe armé.
Pendant plusieurs années, elle a ainsi alterné les tâches de porteur et de cuisinière pour les combattants. Une fois libérée, elle retourna avec sa mère dans son village, qu’elle reconnut à peine. « Notre maison n’était plus là. Elle avait été brûlée et il nous fallait tout reprendre à zéro », témoigne Martha.
L’adolescente caresse à présent le rêve de devenir chauffeur et espère ne plus jamais être enrôlée dans un groupe armé. Mais cela n’a rien de simple.

Au futur incertain
Pour de nombreux enfants-soldats, être intégré à une milice peut apparaître comme un choix pragmatique: « il n’y a toujours pas de sécurité ici et nous n’avons pas assez à manger. L’armée peut vous donner la sécurité et de la nourriture », décrypte Baba John. « Je connais beaucoup de gens qui sont retournés en brousse », renchérit Martha. « Ils avaient faim et n’avaient plus d’espoir ».
Thomas, 18 ans, a alterné ces dernières années des périodes au sein de groupes armés et en dehors. « J’ai tout vu: les combats, les meurtres, les pillages », résume-t-il. Lui aussi a désormais un rêve, celui de faire partie de l’administration locale pour promouvoir les droits des mineurs. Mais si sa courte existence lui a appris une vérité, c’est que rien n’est certain. « Je ne veux pas retourner dans un groupe armé, dit-il, mais au Soudan du Sud, vous ne savez jamais de quoi demain sera fait.
Nous pourrions de nouveau être attaqués et dans ces moments-là, vous n’avez que peu de choix: fuir, se cacher ou combattre ».

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