Un texte taillé sur mesure pour assurer la pérennité du système pour certains, notamment pour les partis de l’opposition démocratique, un document qui nage à contre-courant des valeurs de la société algérienne pour les partis islamistes, un document pas trop parfait mais acceptable pour Sofiane Djilali, et enfin un texte au sommet de la perfection pour ceux impliqués dans la campagne électorale pour le référendum d’aujourd’hui, à l’instar de certaine société civile, partis politiques de l’ancienne alliance présidentielle, RND, FLN, et le TAJ de Amar Ghoul, en plus d’autres partis microscopiques.
Mais qu’en est-t-il réellement des amendements apportés à la Constitution de 2016, élaborée sous l’ancien régime du président déchu Abdelaziz Bouteflika ? Car il faut préciser qu’il s’agit-là d’un texte amendé et non pas d’une nouvelle Constitution.
1 – Fin de la surenchère sur l’identité nationale
Bien avant même la Guerre de libération nationale du 1er novembre 1954, primée par l’indépendance du pays après un long sacrifice, la question identitaire de l’Algérie a toujours buté sur les différentes idéologies qui caractérisaient alors le mouvement national, et ce depuis le l’Etoile Nord-Africaine. Cette crise a connu son point culminant en 1949 sous ce qui est appelé la « crise berbériste ». Des militants de première heure du mouvement national ont été tout simplement condamnés à mort et exécutés pour avoir revendiqué une Algérie plurielle, vivant en harmonie dans la diversité. Une approche qui n’a pas été du goût des partisans de l’idéologie arabo-musulmane.
Cette séquence de l’histoire du mouvement national constitue le premier acte « officiel » de violence contre l’identité nationale.
Et depuis, un combat pacifique est mené par notamment la région de Kabylie pour recouvrer l’identité nationale et la réconcilier avec son histoire. Un long combat empreint de lourds sacrifices et de larmes a abouti à la consécration de tamazight en tant que langue nationale, puis officielle dans la Constitution de 2016.
Curieusement et en dépit de son caractère officiel, l’article 112 de cette Constitution n’intègre pas cette langue et identité parmi les 06 points « immuables » aux côtés notamment de la langue arabe. Autrement dit, malgré son officialisation en 2016 tamazight n’était pas protégée par la Constitution. Et c’est tout le mérite de cette nouvelle Constitution qui stipule clairement que la langue et l’identité amazighes sont « immuables ». Le chef de l’État Abdelmadjid Tebboune a lavé l’affront, et a rendu justice à cette identité millénaire.
Les constantes nationales, l’islamité, l’arabité et l’amazighité ont été ainsi évacuées définitivement des débats sur la Constitution sur décision du président Tebboune pour éviter le marchandage et la surenchère sur des questions « socle » des fondements de la Nation.
2 – Mandats présidentiels et parlementaires limités
L’une des caractéristiques de cette Loi fondamentale amendée est sans conteste, la limitation des mandats. Si la restriction sur les mandats pour les Présidents de la République n’est pas propre à l’Algérie, celle des Parlementaires constitue une première à travers le monde. Ainsi, dans la nouvelle première Loi du pays, les élus à la Présidence ou à l’Assemblée populaire n’auront pas droit à plus de deux mandats, séparés ou consécutifs.
Cette approche garantira l’alternance au pouvoir et donner la chance à de nouvelles compétences d’émerger et de s’épanouir notamment pour les jeunes, contrairement à ce qui était en vigueur depuis l’indépendance où le peuple a eu droit aux mêmes têtes puisées du même cercle.
3 – L’immunité parlementaire pendant les horaires de travail
Dans la Constitution actuelle, le député bénéficie d’une sorte du droit de véto qui fait de lui un super-citoyen protégé pas son immunité parlementaire. Même quand la Justice réclame sa tête pour enquête, ce dernier peut refuser de renoncer à son immunité, comme il peut s’appuyer sur le soutien de ses collègues députés qui peuvent voter contre la levée de sa « protection ».
À la lumière de cette nouvelle Constitution, le député n’est protégé que durant les horaires de service à l’intérieur de l’Assemblée en tant qu’élu du peuple. En dehors de celles-ci, il perd de facto son immunité et devint un simple citoyen comme le reste des Algériens.
4 – Lutte contre la corruption et moralisation de la vie publique
S’il y a une autorité qui devrait jouer un rôle primordial pour assurer la bonne gouvernance c’est incontestablement la Cour des comptes. Cette dernière a toujours existé dans notre pays, mais sans aucune réelle marge de manœuvre. Mise au placard depuis longtemps sous les gouvernements précédents, cette institution est relancée dans la nouvelle Constitution. Institution indépendante de contrôle supérieur du patrimoine et des fonds publics, sa mission est d’assurer le contrôle des finances de l’État, des collectivités territoriales, des services publics ainsi que des capitaux marchands de l’État. Elle contribue ainsi au développement de la bonne gouvernance, le renforcement de la transparence dans la gestion des finances publiques et à la reddition des comptes. Chaque année, cette Institution doit remettre son rapport annuel au président de la République, qui le publie à son tour. C’est la lutte contre la corruption, un fléau qui a gangréné la société algérienne au point de s’ériger en constante nationale.
Les mégas-procès ou sont impliqués de hauts responsables sont la parfaite illustration de l’étendue de ce phénomène. Des procès où pleuvaient des sommes pharamineuses de l’argent détourné.
5 – L’ANIE où l’œil bienveillant pour la probité des élections
Héritière de la défunte Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE), L’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) qui avait organisé, rappelle-t-on, tout le processus électoral de l’élection présidentielle du 12 décembre dernier, a été constitutionalisée à la faveur de l’amendement actuel.
Cette autorité composée d’enseignants universitaires, de magistrats, de compétences nationales, de représentants de la société civile, et de ceux de la communauté nationale à l’étranger est un rempart à toute tentative de fraude électorale. Elle est mandatée pour préparer, organiser, gérer et superviser les élections présidentielles, législatives, et locales ainsi que les référendums. Autrement dit, les opérations d’inscription sur les listes électorales, la révision des fichiers électoraux, la préparation des opérations électorales du vote, du dépouillement ainsi que la gestion des contentieux électoraux sont du seul ressort de cette Instance indépendante, et ce depuis la convocation du corps électoral jusqu’à l’annonce des résultats provisoires.
6 – L’apport de la société civile dans l’effort des autorités
La société civile a un rôle axial dans la prise en charge des problèmes quotidiens du citoyen et le mouvement associatif « est le cœur battant » de la société, d’où la désignation d’un Conseiller spécial. La nouvelle Constitution œuvre à édifier un État fort qui consacre la justice et préserve les droits des faibles. Un État social garantissant l’égalité des chances, combattant la pauvreté et veillant à « la répartition équitable du revenu national ». L’État doit s’appuyer sur le rôle de la société civile. Cette dernière a surtout prouvé son efficacité lors des périodes de confinement où elle a réussi à encadrer la solidarité pour venir en aide aux démunis et personnes affectées par les retombées des restrictions sanitaires.
7 – Une simple déclaration … une association
L’autre point fort de cette nouvelle Constitution est le caractère déclaratif pour la création d’une association ou d’un parti politique. Pour mettre fin aux entraves bureaucratiques et administratives dans la délivrance des agréments pour la création des associations, la nouvelle loi ne demande plus qu’une simple déclaration et le tour est joué. Par le passé, dans une autre vie du système, c’etait le parcours du combattant pour avoir le « fameux » sésame ouvrant les portes à la création d’une association. C’est qu’à cette époque-là les autorisations et autres agréments étaient délivrés sous certains critères notamment l’allégeance. Les « rebelles » n’avaient pas le droit de cité. C’est ainsi !
8 – Les forces de l’ANP hors de nos frontières
Fait nouveau dans les mœurs et pratiques du pays dans sa politique étrangère. Quoique la devise diplomatique reste de mise : pas d’ingérence dans les affaires internes de pays tiers. Depuis l’indépendance, l’Algérie s’est toujours gardée de s’ingérer dans les affaires des pays étrangers et l’ANP n’intervient jamais à l’extérieur quels que soient les bouleversements qui se produisent près de chez nous où ailleurs. L’héritière de l’ALN se contente de sécuriser nos frontières.
À la lumière de la nouvelle Loi fondamentale du pays, les troupes de l’ANP peuvent être envoyée hors des frontières du pays pour une mission de maintien de la paix. Cette disposition à beaucoup prêté à confusion, ce qui a nécessité l’intervention de plusieurs spécialistes pour éclaircir la démarche. À vrai dire, l’Armée nationale populaire intervient une fois le conflit armé terminé. Autrement dit, dans des Missions de maintien de la paix (MMP) après signature d’un accord de cessez-le feu entre les belligérants. Cette entrée en action de nos soldats permettra également de mieux sécuriser nos frontières, et de s’affirmer sur le plan régional et international, selon des spécialistes et acteurs politiques. En fait, l’Algérie a participé à ce genre de missions et même à plusieurs reprises par le passé. Le chef de l’État, qui veut jouer la transparence envers son peuple, lui a donné un caractère officiel et ne veut rien cacher à ses concitoyens. Il a constitutionnalisé la démarche contrairement à ses prédécesseurs. Quant au reste, c’est au seul peuple souverain que revient le dernier mot sur le projet de Constitution.
Brahim Oubellil